Un peu de psychologie sociale, pour se distraire?

Le psychologue social Gustave Le Bon (1841-1931), connu en particulier pour sa Psychologie des Foules (ouvrage paru en 1895), estimerait sans doute avoir son mot à dire sur le comportement des foules en temps de crise sanitaire. Au vu des insanités que ce savant ( ?) si mal nommé a été capable de proférer sur d’autres thèmes, ses lumières ne me manquent pas vraiment. Voici ce qu’il écrivait en 1879: «Tous les psychologistes qui ont étudié l’intelligence des femmes (…) reconnaissent aujourd’hui qu’elles représentent les formes les plus inférieures de l’évolution humaine et sont beaucoup plus près des enfants et des sauvages que de l’homme adulte civilisé.»

En cette période de vie suspendue je tente, dans les limites de ma médiocre intelligence féminine, de combler mes lacunes les plus criantes en neurosciences élémentaires, et c’est dans un des livres que je suis en train de lire que je suis tombée sur cette éclairante citation. Bien sûr, je pourrais relire (je le ferai d’ailleurs peut-être) La Peste de Camus, ou de préférence L’Aveuglement de Saramago, où il est question d’une épidémie, particulièrement signifiante, de cécité; mais cela peut aussi être utile, dans des circonstances critiques, d’en savoir un peu plus sur le fonctionnement du cerveau humain (celui du citoyen et de la citoyenne lambda et celui de celles et ceux qui les gouvernent); et puis, je l’avoue, ça fait un bail que j’ai conçu l’arrogant projet de me rapprocher (certes, pas pour l’atteindre, je sais quand même rester à ma place, et je conseille aux sauvages d’en faire de même ) du niveau cognitif de l’homme adulte civilisé.

L’homme adulte civilisé est hanté depuis longtemps par la double question de savoir, primo, si le cerveau des femmes est anatomiquement comparable, même en un peu moins bien, à celui du sexe masculin de référence ; et secundo, si ces malheureuses ont été dotées par la nature d’un bagage suffisant de potentialités intellectuelles pour échapper, dans certains cas, au diktat de leurs hormones.

Bonne nouvelle, d’après ce que j’ai compris de ce que j’ai lu jusqu’ici, un nombre croissant de scientifiques adhère à l’idée que les comportements humains résultent d’une interaction originelle et permanente entre facteurs biologiques, environnementaux, éducatifs, culturels etc., de sorte qu’il est absolument impossible d’établir une relation entre la psychologie et les aptitudes des êtres humains et un état «naturel» des corps, qui n’a jamais existé.

Je n’ai pas les compétences pour dire quoi que ce soit de sensé sur les conclusions qu’on peut en tirer s’agissant de la diffusion d’une pandémie et des réactions différenciées qu’elle suscite entre les sociétés et les individus. D’autres le font et le feront. Je plaide par contre pour qu’on arrête tout de suite de dire n’importe quoi quant à l’influence de la moindre production de testostérone chez les femmes sur le nombre d’étudiantes à l’EPFL.

Quarantaine

Hier et ce matin, j’ai téléphoné aux différentes personnes avec qui j’avais rendez-vous cette semaine. Je suis rentrée dimanche d’Italie (non sans difficultés), ce qui risque déjà de susciter la méfiance. De plus, là-bas, j’ai fait une petite bronchite, vite passée. Je me suis fait ausculter par un médecin italien, tout va bien, pas l’ombre d’un coronavirus à l’horizon, mais j’ai quelques restes de toux, je suis un peu enrhumée, je ne voudrais pas vous mettre dans l’embarras… Effectivement, a été la réponse unanime, nous nous passons volontiers de vous voir. Et mieux vaut aussi, paraît-il, se tenir a distance de la famille, pour l’instant.

J’ai de la chance, j’ai un appartement confortable et surtout un métier – j’écris des livres – que je peux pratiquer chez moi à volonté, sans même devoir mettre en place du télétravail. Je suis un peu déprimée par l’annulation, à vues humaines, de toutes les présentations de mon roman en italien (qui étaient le but de mon voyage), mais c’est évidemment un malheur infime en comparaison de l’état général du monde. Je ne pense pas seulement à la crise sanitaire et à ses effets économiques, je pense surtout à tous ceux et toutes celles qui sont en détresse sur la planète, et dont on va maintenant s’occuper encore moins qu’avant –en première ligne, les martyrs de Lesbos.

Ce qui me fait bizarre, c’est l’absence de pression, une situation à laquelle je ne suis pas habituée, comme toutes les personnes actives dans notre société. Le temps n’est pas vide – je peux travailler et ce n’est pas le travail qui manque, lire, ranger mes papiers et pourquoi pas ma cave, téléphoner, m’appliquer à mettre en route ma nouvelle imprimante ; il est plutôt étrangement élastique, distendu – détendu ? On peut s’arranger pour se passer de moi partout, et je ne suis pas sûre que cela me fasse vraiment plaisir.

Je rêvasse sur ce temps suspendu par obligation, coup d’arrêt à la machine de mes activités sociales, dont il s’avère que la plupart ne sont pas vraiment indispensables. Est-ce que cela va m’inciter, au moment du retour à la normale, à laisser mieux respirer mon agenda ? Pas sûr, tant il est vrai que faire des choses avec les autres est indispensable à notre survie d’animaux sociaux.