Pour une Lausannoise venue passer quelques petites semaines à Paris, le spectacle quotidien des sans- abri est perturbant. Selon les quartiers, il y en a beaucoup. Une femme dans la soixantaine a installé son matelas et ses couvertures à environ cinquante mètres de mon immeuble. Dans certaines stations de métro, des gens dorment à même le sol, ou sur les bancs, là où ceux-ci n’ont pas été remplacés par des sièges en plastique individuels.
J’ai lu les deux volumes de Vernon Subutex de Virginie Despentes , ce grand roman d’un certain Paris contemporain. Je suis même allée aux Buttes-Chaumont pour voir de mes yeux les rails de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture, à proximité desquels Vernon, l’ancien disquaire éjecté de son appartement, finit par élire «domicile» dans le livre (c’est certainement plus instructif que de visiter Paris sur les traces de Da Vinci Code). Je me suis fait une idée (littéraire) des mécanismes qui produisent les SDF, qui sont économiques, mais aussi sociaux et culturels. Rien n’est simple.
Quoi qu’il en soit, si j’en crois Jean-Luc Mélenchon, qui l’a écrit dans un petit livre auto-promotionnel intitulé De la Vertu, aujourd’hui, en France, il meurt chaque année 2 000 personnes dans la rue. On peut penser ce qu’on veut de Jean-Luc Mélenchon (pour lequel, si j’étais Française, je n’aurais pas voté), mais il serait étonnant que le chiffre ne soit pas exact. Et puis, bien sûr, il y a tous ceux et celles qui sont à la rue sans en mourir.
«Il y a vraiment deux France», me dit un ami parisien en commentant les résultats du premier tour de la présidentielle. Cela semble être l’avis de tous ceux et celles qui s’y connaissent en politique française. Je me demande néanmoins où sont les SDF là-dedans. Je suppose que, quand on n’a pas d’adresse, on n’a pas non plus de carte électorale.