Dans une chronique parue dans Le Temps du 24 novembre, Marie-Hélène Miauton explique l’attractivité croissante du service civil par une comparaison entre la vie quotidienne des soldats et celle des civilistes. Cette dernière ressemble à celle des travailleurs normaux, tandis que la vie en caserne est décrite en ces termes : « On aligne cinq jours de présence impliquant un lit fait au cordeau, le port d’un uniforme dernier cri, la garde par n’importe quel temps, les repas en cantine ou en campagne, les exercices physiques, la discipline et le poireautage immobile sur l’asphalte surchauffé ou glacial, pour un retour vanné à la maison le vendredi soir et un week-end passé à récupérer.»
La chroniqueuse semble favorable à la position du Conseil fédéral et des Chambres consistant à conditionner le nombre des admissions au service civil aux besoins de l’armée en soldats – ceci au nom de la nécessité, pour la Suisse, de disposer d’une «défense crédible». Mais, curieusement, elle ne nous explique pas en quoi faire son lit au cordeau, porter un uniforme, manger de la tambouille et faire la garde par tous les temps en guettant l’arrivée d’un assaillant plus qu’improbable seraient des occupations formatrices pour devenir de bons défenseurs de la patrie (je m’en tiens au masculin puisque seuls les hommes sont concernés par l’obligation de servir). Face aux menaces contemporaines, qui exigent des compétences toujours plus pointues et, de manière générale, une stimulation de l’intelligence, qu’apportent des activités qui ratatinent le cerveau ?
La réponse tient peut-être, dans l’esprit de Madame Miauton, dans l’acquisition de cette fameuse discipline qui est considérée comme le nerf de la guerre par tous les militaires de toutes les armées du monde. Sauf que l’obéissance aveugle, déjà en soi toxique, et de plus à des ordres abrutissants, n’est en tout cas pas le nerf d’une «défense crédible» dans le contexte social actuel, où la motivation des troupes ne peut passer que par l’esprit de coopération et des objectifs inspirants.
Restent les exercices physiques, a priori bénéfiques même à une époque où l’ennemi n’est plus au bout de l’arquebuse – mais apparemment conçus par l’armée dans le but de les faire haïr plutôt que de les faire apprécier par les recrues. Les esprits s’atrophient, les corps s’épuisent et se révoltent et les jeunes hommes rêvent d’un service qui ait du sens.