«Grand-parent, c’est un job !» me dit un «collègue» grand-père dans la cour de l’école primaire lausannoise où nous attendons la sonnerie de la fin des classes. Un job gratifiant, c’est sûr, qui dira ce pincement de joie, quand l’enfant déboule en courant pour nous embrasser? Mais un job quand même, avec des horaires obligatoires et des prestations (de care, comme disent les sociologues) à fournir même si on a mal à la tête.
Le jour de la semaine où nous sommes tous les deux «de service», ce grand-père est généralement seul de son espèce dans la cour. Mis à part les éducatrices du parascolaire, les mamans en grand nombre et les rares papas, ce sont plutôt des grand-mères qui sont là, certaines avec une poussette contenant un bébé qu’elles gardent probablement depuis quatre ou cinq heures. L’économie tourne aussi grâce à toutes ces retraitées (féminin incluant le masculin minoritaire) qui donnent de leur temps et de leur énergie pour permettre aux parents de gagner de l’argent. Et ce qu’elles font, il faut le dire, c’est du travail, aussi épanouissant pour le cœur qu’il puisse être : si elles ne le faisaient pas, qui d’autre le ferait gratis ?
Il fait froid aujourd’hui, la bise s’est levée. Je me demande si, ce matin, les parents auront pensé à mettre de nouveau une écharpe à l’enfant, après tous ces jours de douceur printanière. Je me demande si mon gratin de légumes passera le test – non, on ne peut pas manger tout le temps des spaghettis. Je pense à l’amour, cet argument massue pour éviter de déplaisants calculs sur la valeur monétaire du travail non payé des femmes. Une boîte de Pandore que personne n’a le courage d’ouvrir.
Je me demande combien coûterait aux collectivités publiques la hausse de l’âge de la retraite des «grand-mères actives» : heures de crèche supplémentaires, perte de revenus fiscaux due à un retour plus tardif des mères sur le marché du travail…. Quand s’attaquera-t-on enfin à cette comptabilité-là ?
Mais pour le dessert je t’ai acheté, regarde ! une mousse au chocolat avec la chantilly.