Mardi 30 mai, début d’après-midi, le train parti à 12h.23 de Milan à destination de Lausanne et Genève vient de franchir la frontière. Dans le wagon de seconde classe, chacune et chacun vaque à ses occupations plus ou moins bruyantes, et l’apparition de la police suisse, accompagnée d’un brave chien renifleur de drogue qui ne trouve rien à renifler passe quasiment inaperçue. Personne n’esquisse même le geste de farfouiller dans son sac ou dans sa poche, il n’y a en principe plus de contrôles d’identité entre l’Italie et la Suisse.
Sauf exception, bien sûr. Le policier, qui parcourt distraitement des yeux les alignées de sièges, s’arrête à ma hauteur et interpelle (tout à fait aimablement) le jeune homme assis en face de moi. Vingt-huit ans peut-être, une bonne tête sympathique, jean et fraîche chemisette à carreaux, il tripote son smartphone comme tout le monde mais n’abuse pas de la communication verbale : c’est tout juste si, depuis Milan, je l’ai entendu parler brièvement à voix basse avec une personne qui doit être sa mère de l’imminente sortie de l’hôpital de quelqu’un qui doit être son père.
Documenti, per favore ? Il réprime un petit soupir, un haussement d’épaules infinitésimal, dont la signification est claire : évidemment. Avec un sourire, il sort de son portefeuille une carte d’identité italienne. Le policier se contente de la voir, ne la consulte pas, fait signe que c’est bon et s’éloigne, sans adresser la même demande à aucun autre passager.
Il faut dire que, dans ce wagon, c’était le seul Noir.