La pneumonie a-t-elle un sexe?

Absolument fascinant. Lundi 12 septembre, dans l’émission Forum de la RTS, le journaliste demande à un expert états-unien si c’est parce que Clinton est une candidatE (il appuie sur le e) que sa pneumonie fait tellement débat. L’expert répond complètement à côté, dressant la liste des candidats (masculins) que le Parti Démocrate pourrait décider de présenter à sa place en cas de problème de santé permanent avéré. Soit il n’a pas compris la question (pourtant, même s’il est anglophone, il parle un excellent français), soit il l’a trouvée si peu intéressante qu’il a préféré la zapper. Le journaliste repose la question en l’explicitant. Cette fois l’expert y répond, mais avec des considérations d’une brièveté et d’une banalité consternantes, qui tranchent avec la pertinence et la subtilité de ses réponses aux questions précédentes.

En réalité, posée de cette manière, la question ne pouvait pas avoir de réponse simple (cela étant dit, merci quand même au journaliste de l’avoir posée !) Le traitement médiatique réservé à un politicien ou à une politicienne, l’idée que l’électorat se fait de lui ou d’elle, sa popularité ou son impopularité, ses chances de succès ou d’échec etc., tout cela dépend d’une énorme quantité de facteurs qui font système, c’est-à-dire qui s’influencent mutuellement. Le sexe de la personnalité en question est un de ces facteurs mais, à notre époque de misogynie vertueusement refoulée, il n’agit jamais à l’état pur.

Il n’y a pas de relation directe de cause à effet entre le fait d’être un homme ou une femme et le fait de susciter des opinions positives ou négatives. Par contre, le fait d’être un homme ou une femme, avec tout ce que cela peut charrier de stéréotypes, de préjugés et d’attentes différenciées forgées par la culture, interagit intimement et subrepticement avec les autres facteurs (profil, parcours, positionnement et action politique etc.) et en modifie la perception. On ne peut pas savoir si, toutes choses étant égales par ailleurs, la pneumonie d’un candidat homme aurait suscité les mêmes réactions et les mêmes interrogations que la pneumonie d’Hillary Clinton, tout simplement parce que toutes choses ne peuvent pas être égales par ailleurs. Pas seulement du fait que Madame Clinton est une femme, mais bien du fait que son identité de femme s’est infiltrée depuis des décennies dans l’interprétation des multiples facteurs (y compris ceux n’ayant rien à voir avec son sexe) qui composent sa personnalité.

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.