Un projet de loi américain inquiète les réseaux sociaux

DIGITALE ATTITUDE : L’immunité accordée aux réseaux sociaux par la section 230 du Communications Decency Act pourrait tomber.

Trois sénateurs démocrates ont déposé une proposition de loi le 5 février dernier pour réformer l’article 230. Il s’agit de ce fameux petit texte voté par le Congrès en 1996 qui décharge les hébergeurs de contenu de toute responsabilité pour les messages publiés par des tiers.

Bien que l’adoption de la section 230 a été essentielle à la croissance de l’Internet, permettant aux entreprises de développer des applications innovantes, elle leur a aussi accordé une immunité pour toutes les informations fausses ou litigieuses diffusées sur leurs plateformes.

Des dizaines d’amendements à cet article ont déjà été déposés depuis des décennies, mais le dernier en date, baptisé Safe Tech Act, (ou la loi de protection «contre la fraude, l’exploitation, les menaces, l’extrémisme et les torts envers les consommateurs») pourrait bien aboutir cette fois-ci et sonner le glas à l’impunité dont jouissent les réseaux sociaux.

Introduite suite à l’assaut du Capitole à Washington le 6 janvier dernier, cette nouvelle législation modifierait les protections dont les géants du Web ont bénéficié jusqu’à présent, en augmentant le nombre de cas où cette protection ne pourra pas être invoquée. Par exemple, les réseaux sociaux ne seraient plus à l’abri de poursuites dans les cas de discrimination, de harcèlement ou de violation de vie privée, donnant aux plaignants une plus grande chance de faire avancer leurs demandes devant les tribunaux. Elle permettrait également aux victimes de violations des droits de l’homme à l’étranger de saisir les tribunaux américains et porter plainte, comme par exemple contre Facebook, pour avoir contribué au génocide des Rohingyas en laissant circuler des campagnes de désinformation et des discours haineux.

Les auteurs assurent que ce projet de loi n’interfère pas avec la liberté d’expression: «Il s’agit de tenir les plateformes responsables pour des comportements nuisibles, souvent criminels, sur lesquels ils ont fermé les yeux pendant trop longtemps».

Si cette nouvelle législation devait passer, elle exigerait des réseaux sociaux une modération des contenus plus réactive. Une tâche qui donne le vertige au vu du nombre d’utilisateurs: 2.8 milliards pour Facebook et 330 millions pour Twitter.

Sources : 

News.com

Le Monde

Internet Society

Jeff Kosseff

Seul mais ensemble, en silence

DIGITALE ATTITUDE : Des étudiants filmés en train de préparer leurs examens en silence font des records d’audience sur YouTube.

Ces émissions pour réviser ensemble, surnommées «gongbangs», ont démarré en Corée du Sud. Dans ce pays, il est normal de passer jusqu’à 16 heures par jour à se préparer aux épreuves d’entrée à l’université ou au collège. Alors pour les adeptes de ces vidéos, l’ambiance est comparable à celle de se retrouver dans une bibliothèque avec un copain d’étude.

L’une des chaînes coréennes les plus populaires s’intitule L’homme assis à côté de moi et met en scène un étudiant anonyme qui prépare son diplôme de comptabilité. Assis à son poste de travail, entouré de livres et d’une calculette, on voit tomber la neige d’une fenêtre en arrière-plan.

Les gongbangers n’ont quasiment pas d’échanges avec leur public, rapporte le South China Morning Post. Certains d’entre eux ne révèlent même pas leur identité, comme SN Log en Inde, qui prépare un concours pour entrer dans la fonction publique. Ses streams, qui durent parfois 10 heures, ne montrent même jamais son visage.

Une chaîne populaire appelée The Strive Studies a été lancée par une résidente en médecine à New York nommée Jamie. Dans une des sessions, après avoir écrit bonjour à tous, elle préconise d’appliquer la méthode Pomodoro – dont le principe est de rester concentré à 100% sur une seule et unique tâche pendant 25 minutes avant de faire un break. On la voit en gros plan, assise dans sa cuisine devant son ordinateur pendant 2 heures. Cette séquence a été vue plus de 1.4 million de fois.

De nombreuses vidéos suscitent des commentaires de la part des spectateurs, comme: «Vous m’avez aidé à étudier» ou encore «Grâce à vous je gère mieux mon anxiété liée aux examens».

En dehors de YouTube, les Zooms silencieux ont également fait leur apparition dès le premier confinement, permettant aux amoureux du livre de se réunir entre parfaits inconnus pour partager un moment de lecture ensemble. Et la plateforme SZWF (pour Silent Zoom Writing Group), rassemble plus de 250 membres. Ils sont étudiants universitaires, postuniversitaires et des créatifs qui se retrouvent chaque semaine pour écrire des articles, des livres ou des scripts, en communion et en silence.

Enseigner ou diriger une entreprise, même après sa mort

DIGITALE ATTITUDE : Un professeur décédé donne des cours virtuels dans une université et l’avatar numérique d’un PDG devrait lui permettre de prendre part aux décisions de l’entreprise après sa mort. 

Trois semaines après avoir entamé un cours d’histoire de l’art en ligne, Aaron Ansuini, étudiant à l’université de Concordia au Québec, a eu une question à propos d’une visioconférence. Ne trouvant pas les coordonnées de son professeur sur le site de la faculté, il a poursuivi sa recherche sur Google. Mais à sa grande surprise, raconte le journal The Verge, il tombe sur un avis mortuaire. François-Marc Gagnon est décédé le 28 mars 2019, il y a près de deux ans. Il n’était précisé nulle part dans le programme que Gagnon enseignait à titre posthume.

Les cours préenregistrés ont une utilité évidente pour préserver le travail de conférenciers renommés et pour enseigner à distance. Mais ne pas avoir été informé du statut de son professeur a été très mal vécu par Ansuini. «Nous ne vivons pas dans un monde où la mort laisse indifférent. Je pense que l’université a manqué de respect pour ce professeur».

Très récemment, un brevet a été accordé à Microsoft pour un programme capable de ressusciter numériquement des personnes décédées en les faisant revenir sous forme de chatbots, ou agents conversationnels.

Alors imaginez qu’un tel logiciel, alimenté par les publications d’un éminent professeur comme Gagnon tout au long de sa carrière académique, soit utilisé par l’université. Sa visioconférence pourrait alors être suivie par une séance de questions-réponses avec les étudiants, reproduisant au mieux le raisonnement du défunt.

En vérité, selon Tim O’Brien, responsable des pratiques éthiques de l’intelligence artificielle chez Microsoft, ce brevet ne sera pas exploité.

Mais dans le même esprit, un chatbot «d’éternité augmentée», est en cours de développement par Hossein Rahnama, chercheur à l’Université Ryerson au Canada.

Destiné à un PDG d’entreprise, ce robot capable de converser en langage naturel pourrait servir de «consultant virtuel» lorsque ce dirigeant ne sera plus de ce monde. Ainsi dans le futur, un cadre qui sera confronté au choix d’accepter ou non une offre d’acquisition – pourra sortir son téléphone portable, ouvrir une fenêtre de discussion et poser la question à l’ancien patron.

Ce projet interpelle, tout comme la démarche d’un PDG qui compte jouer un rôle décisionnel depuis l’au-delà.

 

Lire aussi :  Des «chatbots» pour parler avec les morts

Un Walking Tour Virtuel pour échapper au confinement

DIGITALE ATTITUDE : Il y a une dizaine d’années en famille nous avions réservé un Walking Tour pour visiter Istanbul, une expérience dont je garde un souvenir mémorable, pour notre balade sur les toits du Grand Bazar et la découverte des caravansérails. C’est pourquoi j’ai été interpellée par Aspiring Adventures, une agence de voyages qui propose des Walking Tours Virtuels. Sur leur plateforme Cooee vous pouvez prendre rendez-vous avec un guide privé pour une randonnée pédestre dans une vingtaine de destinations à choix.

La Nouvelle-Zélande

Pour ma première sortie, j’ai sélectionné Dunedin située dans la région d’Otago en Nouvelle-Zélande. Non pas parce que j’avais entendu parler de cette ville aux 120’000 habitants, mais parce que mon excursion allait se faire en la compagnie de Steve Wilson, le fondateur de Cooee et qu’il pouvait répondre à mes questions. Il m’a expliqué avoir eu cette idée pour venir en aide à ces hommes et femmes si durement touchés par la pandémie et la disparition des touristes. A raison de $20 la visite de 45 minutes, ce revenu leur permet de continuer à exercer leur métier.

Alors avec Steve, lui sur son téléphone, moi sur mon ordinateur par le biais d’une connexion Zoom, nous avons parcouru les rues de la cité. Ici personne ne porte de masque, la situation sanitaire ayant été admirablement gérée par leur Première ministre, Jacinda Ardern. Il a tenu son iPhone à bout de bras, pointé devant lui (ça bouge un peu mais pas trop) et en alternance, retournait la caméra afin que notre conversation soit en face à face. Nous nous sommes émerveillés du street art qui prolifère, encouragé par la municipalité pour égayer la ville. Nous sommes rentrés dans une église pour en ressortir aussitôt car un enterrement était en cours, nous avons admiré la statue du poète Robbie Burns, visité une galerie d’art. J’ai appris que Dunedin a été peuplé à l’origine par des Écossais, que le langage des signes est une des trois langues officielles de la Nouvelle-Zélande, que le surnom de Kiwi vient de l’oiseau et non pas du fruit du même nom. Et bien d’autres choses encore.

Le Cambodge

Puis j’ai booké un tour avec Sotin, à Siam Reap au Cambodge. Mais à ma grande surprise, Sotin m’a reçue sur sa terrasse, son fils de 12 mois jouant à nos pieds. Nous avons bien essayé de faire quelques pas devant sa maison mais la connexion a été vite coupée, la portée du Wifi n’allant pas jusque-là. Pour ce qui était de faire une visite virtuelle d’Angkor Watt, c’est carrément impossible, la couverture cellulaire est trop sporadique. Ce n’est donc pas ce à quoi je m’attendais, mais l’expérience a néanmoins été enrichissante. Nous avons parlé du génocide des Khmers Rouges, de son métier coupé court à cause du COVID-19, de la précarité autour de lui et du temple en cours de restauration, déserté par les touristes.

L’Afrique du Sud

Ma dernière visite à eu lieu à Soweto avec Nathan. Un guide très expérimenté et cultivé qui en temps normal fait visiter les musées et sites de Johannesburg située à 18 km de ce township de 1.5 million d’habitants. J’ai également été reçue par lui devant son domicile. Nous avons marché jusqu’au bout de sa rue passant devant les fameux matchboxes houses (les maisons «boîtes d’allumettes»), des logements rudimentaires construits par le pouvoir blanc pour héberger les noirs appelés à travailler dans les mines. Nous avons parlé de l’apartheid, des onze langues nationales, de la flambée de la nouvelle variante du virus sur le continent Africain, de l’aide insuffisante apportée par le gouvernement ($20 par mois par personne). Et j’ai appris que depuis 7 mois, Nathan est sans électricité. Il recharge son téléphone dans sa voiture.

Certains tours sur Cooee sont de véritables explorations, d’autres permettent plutôt des échanges avec ces guides, mais dans tous les cas, on les quitte avec une meilleure connaissance de leur pays et une toute autre perspective sur l’impact de cette pandémie.