La page Facebook inerte de Donald Trump attire les foules

Malgré l’état dormant du compte de Donald Trump sur Facebook, son dernier billet publié le jour de l’insurrection continue à récolter des commentaires – au nombre de 705’000 à l’heure où je vous écris.

Habituellement, selon Los Angeles Times, les messages de l’ex-président suscitaient entre 20’000 et 200’000 réactions, mais telle la page commémorative d’une vedette de la chanson, ses fans et ses détracteurs continuent à s’engager avec lui et entre eux:

«Je voulais vous faire savoir que vous nous manquez et que nous vous aimons, Monsieur le Président», a écrit Cyndi Lane le 14 avril.

«Il a fait un excellent travail, c’est vraiment un homme de paix», a rajouté James Albert, le 23 avril 2021.

Un exil numérique forcé

Après avoir incité à la violence le 6 janvier dernier, Donald Trump a été banni des réseaux sociaux. Alors que Twitter a supprimé son compte de manière définitive et fait disparaître toute trace de @realDonaldTrump sur sa plateforme, Facebook a choisi de le suspendre tout en laissant sa page en ligne, en attendant que son comité de surveillance indépendant se prononce sur la question: Faut-il maintenir la sanction ou lui permettre de réactiver son compte? Et déterminer par la même occasion si le PDG d’une entreprise technologique ou son conseil ont le droit de censurer le dirigeant d’un pays élu par son peuple.

En raison du volume important des commentaires reçus du public – plus de 9000 personnes ont donné leur avis -, le verdict qui devait être rendu mi-avril a été reporté. Il est probable qu’il sera prononcé très prochainement et sera en faveur d’une restitution. Comme pour YouTube, dont le PDG a annoncé sur CNN que sa chaîne vidéo serait réactivée «dès que tout risque de violence sera dissipé».

Le retour de Donald Trump sur les réseaux sociaux

Quelle que soit la décision prise par le The Facebook Oversight Board, Donald Trump reviendra d’une manière ou d’une autre, quitte à créer sa propre plateforme, selon son conseiller principal Jason Miller.

Bien que toujours influent au sein du parti républicain, l’ex-président est bien moins présent dans les médias depuis son départ de la Maison-Blanche. Il n’est apparu que sur les chaînes conservatrices de Fox News et Newsmax où il a reparlé de son élection volée et de ses deux procédures en destitution «totalement injustifiées». Des propos qui n’ont même pas été relayés par la grande presse.

L’intérêt porté à l’ex-président s’est estompé. Selon le Washington Post, la recherche pour “Donald Trump” dans Google est redescendue au même niveau qu’avant l’annonce de sa candidature en 2015.

Un retour au calme très apprécié. Pourvu que cela dure.
Illustration par Golden Cosmos

Les Tweets de la CIA sous surveillance

La CIA sur Twitter soulève toujours la question: Pour quelle raison une agence gouvernementale qui détient les plus importants secrets d’État, partage-t-elle des informations sur les réseaux sociaux? Une étude tente d’y voir plus clair.

Le premier tweet publié par la CIA le 6 janvier 2014, reprenant une expression culte, a connu un succès planétaire: «Nous ne pouvons ni confirmer ni nier qu’il s’agit de notre premier tweet», pouvait-on lire. Depuis, la Central Intelligence Agency a rédigé près de 5 millions de messages et revendique plus de 3 millions de followers.

Mais sa présence sur Twitter, @CIA, a-t-elle modifié la façon dont nous la percevons? Sommes-nous dorénavant plus enclins à ignorer les abus qu’elle a commis, parce que son bureau tweete des histoires amusantes?

Deux chercheurs ont tenté de répondre à ces questions, en examinant chaque post et tous les commentaires qu’ils ont suscités sur une période de deux ans, à partir du moment où l’agence a rejoint la plateforme.

Une nouvelle identité institutionnelle

Selon l’étude, la CIA utilise les médias sociaux pour se donner une apparence légitime. «En publiant des billets qui racontent ses activités récentes et historiques, en postant des photos de chats au piano, des contenus divertissants et des défis pour tester les connaissances des internautes, la CIA tente de réhabiliter son image en se présentant comme une entité sympathique avec un sens de l’humour, au courant de la culture populaire, plutôt qu’une institution associée à l’espionnage, la torture et au secret», peut-on lire dans un rapport rendu public le 18 mars dernier.

Selon le média Vice, la CIA a toujours été obsédée par sa réputation et distribue régulièrement à l’interne, des rapports sur des films où elle figure, en décortiquant comment elle a été caractérisée. Parfois elle intervient dans les tournages, cela a été le cas pour les séries télé Alias, 24 Heures Chrono et Homeland ou encore au cinéma, dans Zero Dark Thirty, le film sur la capture d’Oussama Ben Laden.

Les campagnes de recrutement

Sur Twitter, la CIA fait aussi sa promotion afin de susciter des vocations. De nombreux posts incitent les étudiants à découvrir ses activités et les rassurent sur le passage obligatoire du redouté test polygraphe. Un mode de recrutement étonnamment transparent pour des services secrets, mais qui représente un vrai défi selon le journal Le Point, car tout candidat sera certainement un digital native qui aura partagé sa vie sur les réseaux sociaux depuis son enfance, rendant compliqué sa capacité à se construire un jour «une légende», une condition sine qua non de l’espionnage.

Finalement, les tweets les plus populaires sont ceux qui racontent des blagues, mais le fait que l’agence ne se présente pas sur Twitter comme une branche sérieuse du gouvernement, engagée dans la sécurité nationale, ne signifie pas que son utilisation du réseau social ne doit pas être prise au sérieux, conclut l’étude.

 

A lire aussi: Où va-t-on si même la CIA se met à tweeter des  photos de chats / La muette CIA se met en abyme sur les réseaux sociaux

Étude: ‘No, we don’t know where Tupac is’: critical intelligence studies and the CIA on social media – by Rhys Crilley and Louise Pears, Published online: 18 Mar 2021 https://doi.org/10.1080/02684527.2021.1893079

Avant de choisir un prénom pour votre enfant, réfléchissez bien!

Des algorithmes pourraient deviner comment il s’appelle, en analysant simplement les traits de son visage.

Dans un article étonnant, Forbes décrit un brevet déposé par Mitre, une société spécialisée dans la recherche et le développement qui travaille avec le gouvernement fédéral américain.

Leur technologie découle d’une étude publiée en 2016 par des chercheurs Israéliens, qui suggère que le prénom d’une personne peut se refléter dans les caractéristiques de son visage, un phénomène surnommé «l’effet Dorian Gray» d’après l’antihéros éponyme d’Oscar Wilde.

De même que la vie dissolue de Dorian Gray est gravée sur les traits de son portrait, les stéréotypes culturels liés à un prénom finiraient par s’inscrire sur le visage de celui qui le porte.

Par exemple, une personne appelée “Bob” aurait un visage plus rond et plus jovial qu’une personne appelée “Tim”. Une attente qui conduirait finalement les Bob à devenir plus joviaux et les Tim, plus réservés. «Il existerait donc bel et bien des apriori attachés aux prénoms», d’après l’auteur principal du projet, le Dr Yonat Zwebner, de l’Université hébraïque de Jérusalem.

Dans ses expériences, Mitre a utilisé la base de données Labeled Faces in the Wild hébergée par l’Université du Massachusetts à Amherst, qui contient plus de 13000 images collectées sur le Web, chacune étiquetée avec le prénom de la personne représentée. Mitre affirme que sa technologie a permis d’obtenir une précision entre 72% et 80,5% lorsque le système s’est vu présenter un portrait et un choix de deux prénoms, dépassant largement le taux attendu de 50% si le système sélectionnait au hasard un des prénoms.

Mitre suggère que sa méthode peut fonctionner dans les deux sens. Soit elle peut analyser un visage pour deviner un prénom, soit en partant d’un prénom, elle peut trouver la personne qui lui correspond.

L’application la plus probable pour le brevet de Mite basée sur cette théorie serait d’améliorer la précision des systèmes de reconnaissance faciale existants.

D’autres émettent de sérieux doutes à l’égard de cette technologie, dont Lex Gill, avocate et chercheuse au Citizen Lab de l’Université de Toronto, qui écrit sur Twitter : «Je serais profondément sceptique à l’égard de toute application qui prétendrait être capable de deviner le nom d’une personne sur la base de photos. Cela rappelle d’autres junk science (pseudo-sciences) comme celle qui affirmait qu’il était possible de distinguer un gay d’un hétéro».

Et moi je me demande comment l’algorithme se débrouillera face aux prénoms originaux de notre époque, comme X Æ A-Xii (le fils de Elon Musk et Grimes’s), Apple (la fille de Gwyneth Paltrow et Christ Martin), Blue Ivy (la fille de Jay Z et Beyoncé), ou encore North, Saint et Chicago (les enfants de Kanye West et Kim Kardashian).

 

Sources: Forbes, The Sydney Morning Herald, Vogue

 

La reconnaissance des émotions par l’IA, une pseudo-science?

Les algorithmes conçus pour identifier les émotions en se basant sur les expressions faciales se popularisent, mais ne font pas l’unanimité.

C’est une industrie en plein essor évaluée à plusieurs milliards de dollars qui se déploie dans une multitude de secteurs: De l’évaluation des candidats à l’emploi, aux études marketing, aux contrôles de sécurité dans les aéroports.

Certaines applications sont étonnantes, comme celle installée dans des salles de classe en Chine pour évaluer le niveau d’attention des étudiants. Ou celle destinée aux douaniers pour signaler une personne suspecte – mais de quoi? Ou encore, celle qui analyse l’état émotionnel d’un conducteur – dans la sphère privée de son propre véhicule!

Comme d’autres formes de reconnaissance faciale, les préjugés sont inhérents à ces logiciels et celle-ci suppose au départ que nos expressions traduisent nos sentiments intérieurs. Mais l’intelligence artificielle ignore le contexte; nous pleurons aux enterrements, mais aussi aux mariages. Elle ignore les différences de cultures; un japonais par exemple peut-être mécontent mais sourire par politesse. Le système nous lit avec une simplification excessive, comme si nos visages étaient des émojis.

Pour toutes ces raisons, la reconnaissance des émotions par l’IA aujourd’hui soulève de nombreuses questions et n’est pas aussi fiable que les entreprises technologiques voudraient le faire croire. Elle a même était qualifiée de «Junk science» ou science de pacotille par des psychologues, suite à une étude sur cette méthode pour déterminer l’innocence ou la culpabilité d’accusés lors de leurs procès.

Alors des scientifiques ont créé des jeux en ligne pour nous permettre de mieux comprendre comment cela fonctionne et participer au débat.

Sur le site web emojify.info il est possible de tester les systèmes de reconnaissance des six émotions de base (la joie, la tristesse, la peur, la surprise, le dégoût et la colère) à l’aide de la caméra de son propre ordinateur. Une fois son visage affiché sur son écran, il s’agit de simuler une émotion. Pour ma part, j’ai dû vraiment forcer le trait pour que le système identifie mon visage en colère, qu’il a confondu avec la surprise, illustrant comment un sentiment peut être mal interprété par une machine. Une deuxième jeux fait défiler des photos et il faut déterminer si la personne fait un clin d’œil ou cligne des yeux. On ne s’y trompe pas mais l’exercice sert à démontrer que l’IA ne sait pas faire la différence.

Pour le Dr Alexa Hagerty, chef de projet dans le centre de recherche sur les risques de l’IA de l’Université de Cambridge: «Nous commençons à réaliser que nous sommes des citoyens dans un monde profondément façonné par la technologie. Nous devons délibérer de manière démocratique et citoyenne sur l’usage qui en est fait».

 

Sources : The GuardianPsychological Science

 

Le retour en ligne de Donald Trump

L’ancien président a une nouvelle présence sur le Web à l’adresse 45office.com. Encore banni des réseaux sociaux suite à l’insurrection au Capitole du mois de janvier – il ouvre ainsi un premier canal de communication pour poursuivre sa campagne «America First».

Sous le chapitre About, en moins d’une page, il énumère ses accomplissements: «Le président Trump a inauguré une période de croissance économique sans précédent, de création d’emplois, de flambée des salaires et d’explosion des revenus».

Il décrit sa gestion de la pandémie comme un succès malgré les 400’000 morts sous son mandat: «Lorsque le fléau du coronavirus est arrivé de Chine, affligeant toutes les nations du monde, le président Trump a agi rapidement et de manière décisive».

Il n’est mentionné nulle part qu’il a été le premier président américain de l’histoire à avoir fait face à deux procès en destitution au Congrès et qu’il été le premier président américain depuis plus de cent ans à avoir perdu deux fois le vote populaire.

Donald Trump tente-t-il de réécrire l’histoire? Si c’est le cas, c’est une bien faible tentative, le contenu du site est trop maigre pour avoir une valeur bibliographique quelconque.

En vérité il s’agit d’un portail qui permet de remplir un formulaire pour inviter les Trump à participer à un événement ou encore envoyer un message personnalisé. Les prix ne sont pas indiqués sur le site et il faudra s’armer de patience pour avoir une réponse, car le traitement des demandes «pourra prendre jusqu’à six semaines».

L’avenir des acteurs de doublage menacé par un algorithme

Un brevet déposé par Amazon permettrait de doubler des films dans plusieurs langues, en reproduisant les voix des plus grandes stars du cinéma. 

Avec l’essor des services de vidéo à la demande, le doublage des films et des séries connait un essor sans précédent. Netflix, Amazon Prime, HBO Max cherchent tous à retenir les spectateurs qui se connectent du monde entier sur leurs plateformes. Alors mieux que de sous-titrer un film, proposer un contenu dans leur langue maternelle contribue à les fidéliser.

Stimulé par l’ajout de titres étrangers dans leur offre, l’investissement de Netflix dans le doublage a augmenté de 30% par an depuis deux ans et se fait désormais en 31 langues. Selon le Hollywood Reporter, plus de 125 maisons de productions seraient sous contrat avec Netflix pour répondre à la demande toujours grandissante.

Le doublage joue encore un rôle particulièrement important dans le cinéma d’animation, où faire jouer des célébrités, une pratique appelée le Star-Talent, renforce les campagnes marketing lors des lancements.

Le boom induit par Netflix a même eu pour effet de créer une nouvelle catégorie de célébrités : les stars du doublage. Isabelle Cunha, la voix brésilienne d’Eleven (Millie Bobby Brown) dans Stranger Things, a transformé sa notoriété en succès sur YouTube, où elle raconte sa vie à 200’000 followers.

Mais voilà, selon un article dans le Telegraph, un brevet a été déposé par Amazon pour un système qui permettrai de doubler des films dans plusieurs langues, en reproduisant les voix des plus grandes stars du cinéma.

La technologie consiste en un logiciel d’intelligence artificielle «speech-to-speech» (parole à parole) qui pourrait traduire automatiquement en anglais des films en langues étrangères, ou générer automatiquement des versions en langues étrangères de contenus anglophones.

A titre d’exemple, en analysant la façon dont Tom Cruise s’exprime dans «Mission Impossible» et «Rain Man», des répliques fidèles à son jeu d’acteur ont pu être générées dans le «Dernier Samouraï» en plusieurs langues.

Le métier de comédien de doublage est-il en péril? Il nécessite un véritable talent pour l’art dramatique. Il faut savoir interpréter un texte, le jouer, le ressentir et encore synchroniser sa voix parfaitement avec celui de l’acteur, indépendamment de l’angle de la caméra. Les algorithmes pourront-ils en faire autant? Les deepfakes nous feraient croire que oui, mais leurs vidéos sont bien plus courtes qu’un film et demandent déjà des mois de travail pour nourrir les machines de dizaine de milliers de photos pour arriver à nous tromper. Mais la vraie question, je le crains, n’est pas de savoir si ce sera possible, mais quand.

Photo des artistes © 2018 – 2021 zielinskijoseph