Le fiasco du Vélib et la politique en marche forcée

Sur le papier, le remplacement de l’ancien prestataire (JCDecaux), suite à l’attribution de l’exploitation du Vélib parisien à un nouveau prestataire (Smovengo), devait se faire graduellement. Le chantier était complexe et de taille. Il fallait, en un peu plus de deux mois, reconstruire la moitié des 1400 stations. Tout cela en permettant au prestataire sortant de fonctionner le temps nécessaire à la mise en place des nouvelles stations. Le pari était risqué compte tenu de l’ampleur de la dispersion des chantiers, qui plus est en période festive, peu propice aux exploits stakhanovistes.

Ce qui devait arriver, arriva. Le 1er janvier, JCDecaux débrancha, comme prévu, ses stations opérationnelles et retira ses vélos de la circulations avant que le nouvel opérateur n’ai même commencé à faire fonctionner son propre réseau. Des 600 nouvelles stations qui avaient été prévues pour prendre le relai au moment du basculement, seules 60 étaient prêtes.

Paris s’est réveillé de la Saint-Sylvestre 2018 sans réseau de location de vélos en libre service. Pourtant le Vélib avait réussi à fidéliser une partie conséquente des Parisiens pour les déplacements travail-domicile. En dix ans d’existence, il était devenu un élément clé de l’offre des transports en commun. Son développement méritait une planification plus proactive. Au rythme où vont les travaux aujourd’hui, les estimations les plus optimistes pour le rétablissement d’un réseau fonctionnel tablent sur juillet 2018.

Hidalgo et Ollier en vélo pour la photo.

Une décision commerciale (remplacer le prestataire d’un service de transports publics) a causé la suppression pure et simple de ce mode de transport pendant plusieurs mois. Et de se demander ce qui se produirait si, par mégarde, une décision municipale ou régionale supprimait pendant six mois les transports ferroviaires d’une région. Serait-elle traitée avec le même stoïcisme ? Probablement pas. Cela aurait couté sa place à un président de région, et peut être même un ministre. Dans le cas du Vélib, aucun responsable, à ma connaissance, n’a démissionné. C’est vaguement un problème de prestation commerciale, que l’on essaye de résoudre par des amendes et des déclarations offusquées à la presse.

De deux choses l’une : soit la décision hasardeuse de remplacer le prestataire a été prise en connaissance de cause, ce qui voudrait dire que des élus ont menti, puisqu’ils savaient pertinemment que le calendrier prévisionnel ne pouvait être tenu ; soit ils l’ont fait dans l’ignorance et l’incompétence la plus totale. Cette deuxième hypothèse en ferait un cas d’école typique de la méthode de gouvernance à l’ère macronienne : un néolibéralisme d’un nouveau genre, impulsif, arrogant et sûr de lui, mais profondément incompétent. D’autres chantiers lancés au pas de course par ce gouvernement témoignent de la même disposition à faire vite et mal. La réforme de l’entrée à l’université et la mise en place, à la hussarde, d’un système de sélection des étudiants par les universités court assurément au fiasco. Outre que le principe même de la sélection aurait mérité d’être débattu, les universités françaises n’ont aujourd’hui tout simplement pas les moyens logistiques et humains d’effectuer un examen sérieux des candidatures qui se compteront par milliers dans certaines formations, or c’est ce qu’on leur demande de faire au pied levé.

La liste serait longue des chantiers express qui témoignent de ce même esprit « vite fait, mal fait ». Pour revenir au Vélib, qu’il s’agisse d’une profonde incompétence ou d’un choix idéologique assumé d’appliquer la théorie schumpeterienne de la « destruction créatrice » à la planification urbaine, dans les deux cas, désigner une responsabilité au niveau municipal, régional ou ministérielle serait la moindre des choses.

Sauf à considérer que le Vélib n’est pas un moyen de déplacement relevant d’un politique publique des transports, mais tout au plus un loisir principalement destiné aux touristes. Que l’on cesse dans ce cas d’encenser le vélo et d’en faire la charnière de la transition écologique des déplacements métropolitains.

Christophe Catsaros

Christophe Catsaros est un critique d'art et d'architecture indépendant. Il a notamment été rédacteur en chef de la revue Tracés de 2011 à 2018. Il est actuellement responsable des éditions du centre d'architecture arc en rêve, à Bordeaux.

11 réponses à “Le fiasco du Vélib et la politique en marche forcée

  1. Bonsoir,

    Pourriez vous expliquer en quoi la décision de changer de prestataire pour le Velib serait symptomatique d’un choix “macronien et néolibéral” ?

    L’appel d’offre était géré par le syndicat mixte Velib – Autolib, où la mairie de Paris joue un rôle prépondérant, et dont la Maire, Mme Hidalgo, n’est ni macronienne ni néolibérale! Idem pour Mme Baratti-Elbaz, maire d’arrondissement également socialiste bon teint.

    Quant à affirmer que le Velib est un élément clé de l’offre de transport en commun…. Les 20 000 vélos ne pèsent rien, comparé au 1,5 MILLIARD de passages par an dans le métro, aux 700 000 voitures entrant dans Paris chaque jour…
    Mais le coût annuel de chaque vélo, selon un vieil article du Canard Enchainé, avoisinerait 3 000 € par an. Une autre explication possible à l’interruption de service, en plus de l’incompétence et l’arrogance.

    Au final, j’ apprécie de trouver sur le site du Temps des textes argumentés et documentés, mais nous sommes ici dans le billet d’humeur, le pamphlet politique dans le mauvais sens du terme. Quel dommage.

    1. La situation actuelle de dysfonctionnement d’un service de transport public ( Vélib )
      minoritaire certes, mais fonctionnel et utile, pour lequel les contribuables ont payé des dizaines de millions d’euros, mérite d’être posée en termes de responsabilité politique.

  2. La responsabilité du fiasco des vélos Parisiens incombe à 100% à Anne Hidalgo, qui n’est pas à ma connaissance “néolibérale”, mais une doctrinaire de gauche pure et dure.
    Et vous attribuez celà à Macron ?
    Quelle branche de la philosophie avez vous donc étudiée ?

    1. Dire que Macron est néolibéral, est une imposture. C’est un néosocialiste.
      Son mode de décision est assez proche de celui de Kim Jong-un

    2. Hidalgo de gauche ? A mon avis pas du tout, elle est très dépensière et ne s’intéresse pas aux problèmes des habitants de Paris, le velib en est une nouvelle preuve. NON Hidalgo n’est pas de gauche ?

  3. Paviot
    M.Catsaros a étudié la philosophie à Nanterre, ce qui lui a vraisemblablement laissé des traces ”rouge” indélébiles. Nous aimerions le renvoyer à ses chères études et l’inciter à réfléchir un peu avant d’écrire des sotises sur ce qu’il appelle le macronisme!
    Sltns.

  4. L’auteur est une caricature de nos pseudos “intellectuels” qui empoisonnent les débats avec leurs opinions mal documentées et exclusivement partisanes. A l’évidence, il devrait rester dans son domaine : la critique d’architecture. Et encore. Et encore.
    J’ignorais qu’étudier la philo développait des compétences de critique d’architecture…
    D’ailleurs en cherchant bien on trouve une interview de ce bon M. Catsaros, parue en juin 2011 dans le site du magazine Le Temps et dans lequel il est écrit : “Il a échangé Paris pour Lausanne, où il dit profiter enfin de la qualité de l’air pour respirer.”
    Pour un pourfendeur du neoliberalisme, nul doute qu’il doit profiter des privilèges de la fiscalité suisse. Connue pour être une des plus lourdes du monde…
    Pour finir, toujours dans cet article, entre autre déclarations fracassantes pour l’avenir de l’humanité, ce cher M. Catsaros déclare :” En Union soviétique, on avait développé l’idée de ville rurale, qui comportait une occupation étendue de l’espace. C’est une sorte d’utopie à laquelle on est peut-être en train de se rapprocher.”
    Tout est dit

    1. Finalement, au-delà d’une déconstruction injurieuse, pour laquelle vous avez fait des recherches, vous n’avez rien à dire. La seule chose qui vous intéresse c’est de contrer ce que vous percevez comme une attaque contre la méthode Macron.

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