84 élues! Pour représenter qui?

En partie grâce à l’avancée des Vert.e.s, parti très féminin, mais pas seulement, la proportion de femmes élues au Conseil national a fait un bond en avant de dix points, atteignant les 42%. C’est formidable. Ce qui me réjouit un peu moins, c’est la confusion qui règne sur ce sujet, déjà depuis bien avant les élections, entre les termes représentation et représentativité, souvent utilisés comme s’ils étaient interchangeables. Or, la notion de représentativité concerne uniquement les élu.e.s : sont-ils ou elles représentatifs de la population, ou d’une catégorie particulière de la population (les paysans, les ouvriers, les personnes LGBT, les femmes ou tout ce qu’on veut ?). Si oui, la représentation de ces catégories est assurée, si non elle ne l’est pas. Parler de la représentativité des paysans, des ouvriers, des personnes LGBT ou des femmes, ça ne veut rien dire.

Mais ce qui m’agace encore plus, c’est la totale absence d’une réflexion clairement posée quant au fait de savoir qui les élues représentent en leur qualité de femmes. On semble généralement sous-entendre qu’elles représentent les autres femmes. La parité en politique serait indispensable à la réalisation d’une vraie démocratie parce que la moitié féminine de la population a le droit d’être représentée au Parlement à égalité avec sa moitié masculine. On peut le dire comme ça, mais pour saisir le sens profond de la revendication de l’égalité des sexes en politique il faudrait le formuler autrement.

Ce qu’a signifié, en Suisse et dans toutes les autres démocraties représentatives, l’accès des femmes au droit d’être élues, c’est l’accès au droit de devenir des représentantes du peuple en général, et pas seulement des femmes qui en font partie. L’idéal d’un Parlement paritaire, ce n’est pas l’idéal d’un Parlement où les femmes suisses seraient autant représentées que les hommes suisses, c’est l’idéal d’un Parlement où la population suisse dans son ensemble serait représentée par un nombre égal de personnes issues des deux grandes catégories qui la composent. Ce qui est très différent.

On en finirait ainsi avec les ridicules interrogations sur le fait de savoir comment Magdalena Martullo-Blocher et Adèle Thorens peuvent représenter la même catégorie de la population. Elles ne la représentent pas. Il importe qu’elles soient là en tant que femmes, elles et les autres élues d’aujourd’hui et de demain, uniquement au nom d’une équitable répartition du pouvoir entre les sexes, pas au nom de ce qu’elles vont en faire.

Bizarrerie électorale

En examinant mon matériel de vote d’électrice vaudoise, je constate une bizarrerie. Sept des douze candidat.e.s de la liste numéro 4 font mention de leur état civil et du nombre de leurs éventuels enfants – et ceci le plus souvent en première position sur la ligne qui leur est octroyée pour se présenter, comme si là était l’essentiel de leur identité. Cette liste se dénomme PDC ouVERTure, et son logo est identique à celui de la liste 18, celle du PDC tout court, où un phénomène similaire se produit. Ici les candidat.e.s qui se déclarent marié.e.s et/ou parents sont aussi majoritaires (neuf sur dix-sept), même si seulement quatre d’entre eux (deux hommes et deux femmes) commencent par donner cette information sur leur ligne de présentation.

En parcourant les autres listes en croix, car il y des limites au dévouement électoral, je repère ici ou là un «père de famille» ou une «mère de deux enfants», mais rien de comparable avec les deux listes PDC, ce qui au fond se comprend, ce parti s’autoproclamant celui «de la famille». Je m’étonne au passage que Claude Béglé, tête de liste du PDC tout court dans le canton de Vaud, s’abstienne de faire valoir, dans cette optique, son statut d’homme marié et surtout ses six enfants (nous n’avons pas gardé les cochons ensemble, j’ai juste regardé sur Wikipedia). Mais c’est vrai qu’il a fait beaucoup de choses dans sa vie, et une ligne, c’est court.

La liste PDC ouVERTure comporte une seule femme sur douze, ce qui me semble quelque peu contradictoire avec l’ouverture proclamée. Celle du parti «père» en comporte cinq sur dix-sept, ce qui est à peine mieux mais s’explique sans doute par la difficulté de trouver une sixième femme kamikaze. Quoi qu’il en soit, dans tout ça, ce qui me préoccupe le plus, c’est le mal-être existentiel probable qui doit accabler les candidats 11 et 12 de la liste 4, les seuls des deux listes PDC à avoir osé se déclarer ouvertement célibataires et même, pour l’un d’eux, célibataire sans enfants. Ça doit être dur. Bien que je n’aie aucune intention de voter pour eux, je leur exprime ma solidarité.