L’Internet est déchu de sa lettre de noblesse

Le New York Times vient d’annoncer que dès le mois de juin, le mot Internet sera écrit avec un «i» minuscule. Et j’en ressens une profonde tristesse.

«À notre avis, l’Internet est devenu un mot générique, comme ‘électricité’ ou ‘téléphone’. La FFC a annoncé cette année que le réseau serai régulé comme un service d’utilité publique, alors de la même manière que nous ne mettons pas de majuscule à ‘cable’, nous ne devrions pas mettre de majuscule à ‘Internet’.»

Le New York Times s’est aligné à la recommandation de l’Associated Press Stylebook, une bible de la grammaire rédigée par un collège de journalistes qui exerce la plus importante influence sur le language écrit.  La plupart des titres de presse américains se réfèrent à ce guide pour leurs corrections d’épreuves et les dictionnaires s’en inspirent pour réviser chaque nouvelle édition. C’est le AP Stylebook qui a initié les changements de «e-mail» en «email» et «Web site» en «website.»

L’Internet est d’utilité publique, sans aucun doute. Mais c’est beaucoup plus que cela. C’est un espace d’échanges et de vie plus vaste que n’importe quel pays ou continent. Son accès est même devenu un droit fondamental, reconnu officiellement par le conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2012.

En aucun cas ne peut-on lui attribuer la même valeur que le mot «cable,» objet physique, inerte et sans âme.

Si il y a un mot dans le dictionnaire qui mérite une majuscule, c’est bien Internet. Son existence a changé notre manière de vivre, d’aimer, d’échanger et d’entreprendre. Même si pour la génération d’aujourd’hui son accès est un acquis, lui supprimer sa lettre de noblesse le réduit et renie ses débuts. Une époque il y a vingt ans, où l’on parlait de la cybersphère et où l’on faisait ses premiers pas comme à la découverte d’un nouveau monde.

Les bots de Messenger au banc d’essai

Les chatbots pour Messenger – annoncés par Mark Zuckerberg comme la prochaine révolution pour communiquer avec les entreprises – sont de petits logiciels capables de réaliser certaines tâches et de simuler une conversation par clavier interposé. A terme, s’ils deviennent plus performants, ils pourraient remplacer les serveurs vocaux interactifs. Ceux que nous subissons à chaque fois que nous avons besoin d’un renseignement et que nous entendons: «Cet appel peut être enregistré… Veuillez choisir une des options proposées — taper le 1, 2,3…».

Cela suppose que vous ayez un compte Facebook bien sûr et c’est bien là l’idée de Mark Zuckerberg. Faire en sorte que ses membres n’aient jamais besoin de quitter sa plateforme pour conduire leurs affaires, faire leurs achats, communiquer, s’informer et se divertir.

CNNBotLe meilleur moyen pour comprendre comment ils fonctionnent est de les tester soi-même. Il suffit de consulter la liste (grandissante) des bots disponibles sur le site botlist, puis se rendre sur la page Facebook de celui qui vous intéresse. Prenez par exemple CNN, cliquez sur Messenger et démarrez la conversation. CNN proposera un titre d’article avec 3 options: «Lire en entier», «Demander un résumé» ou «Poser une question».  Et c’est là où le bas blesse, la question posée ne peut être formulée qu’avec 1 ou 2 mots clés (comme «politique» ou «Olympiques Rio») et les résultats rendus ne sont pas les plus récents.

A ma question indiscrète: «Etes vous marié?», il ne comprend pas, contrairement au bot du journal technologique TechCrunch qui a plus de personnalité et qui répond «la vie de célibataire me convient.»  TechCrunchbot

D’autres bots:

Le WSJ. Son bot propose les dernières nouvelles concernant les marchés financiers ou de suivre le cours d’une action cotée en bourse.  Il est possible de s’inscrire pour recevoir des alertes sur Messenger tout au long de la journée. Il n’offre rien de plus que Google.

Health Tap. Un bot qui permet de poser des questions d’ordre médicale en toute confidentialité. Mais avant de donner une réponse, il faut accepter leurs conditions d’utilisations qui les dégage de toute responsabilité. «Nous fournissons des informations et non un avis médical personnalisé.» Comme le WSJ, il n’offre rien de plus que Google.

EstherBot. Je l’ai choisi au hasard. Ça alors, c’est un bot “CV” pour mettre en avant la carrière d’une dénommée Esther. «Voulez-vous en savoir plus sur moi?» et on peut choisir entre son enfance, ses études ou son expérience. Une manière innovante de faire sa promotion.

J’aurai aimé commander un Uber mais tout comme le bot de Dropbox, ils ne sont pas actifs depuis Genève.

1-800-Flowers. Un grand fleuriste américain. Je suis les instructions pour commander un bouquet. Je donne l’adresses (fictive) du destinataire, mes coordonnées en tant qu’expéditeur et ma carte de crédit. Toute la démarche n’étant pas plus rapide que de remplir un formulaire sur le Web, les mêmes informations étant simplement sollicités dans une conversation. Mais l’expérience est plus conviviale.

A ce jour, les bots parlent tous anglais, les américains étant les premiers à les développer.

Conclusion

Pour avoir passé de longs moments à «chatter» avec des dizaines de robots parleurs et avoir été membre du juré du Chatterbox Challenge en 2002, le niveau de conversation des bots dans Messenger m’a déçu. Ce sont plutôt des moteurs de recherche qui rendent des réponses sous forme de «chat.» Probablement parce qu’ils ont été réalisés avec les outils standardisés mis à disposition par Facebook pour un lancement rapide, et non pas par des développeurs passionnés qui cherchent à faire passer leur logiciel pour une véritable personne qui tient une conversation. Ceux-là même qui présentent leurs bots en concours au fameux test de Turing. Les bots de Messenger n’ont rien à voir avec eux.  Pour le moment en tout cas.