Nos polices ont besoin de juges étrangers !

Non à l’initiative populaire “Le droit suisse au lieu des juges étrangers”.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

L’universalité des droits de l’homme fonde les polices

Toute police civile est répondante des droits de l’homme. Il ne saurait en être autrement puisque seul le policier peut limiter nos droits fondamentaux sur un plan exécutif ; le juge sur un plan judiciaire. Un policier peut, par exemple, nous retenir momentanément et, de ce seul fait, entraver notre liberté de mouvements. Disposant d’un tel pouvoir, si contraignant, le policier est assermenté publiquement*. Ainsi, il devient le représentant officiel et le garant institutionnel des droits de l’homme.

L’initiative populaire “Le droit suisse au lieu des juges étrangers” dite initiative pour l’autodétermination est donc étroitement liée aux contours et au destin de nos 330 polices suisses.

La séparation des pouvoirs statutaires, physiques mais aussi territoriaux garantit l’équité

Tout jugement et son appareil (tribunal) nécessitent extériorisation, distanciation et séparation des pouvoirs chargés de l’enquête puis du procès.

Le joueur de foot ne décide pas lui-même de s’attribuer un but même si le ballon est au fond des filets. C’est l’arbitre et les juges de touche – ces derniers étant étrangers aux équipes nationales en jeu – qui accordent ou non (dans le cas du hors jeu par exemple) le point.

Toute personne qui estime que ses droits humains ont été violés par un arrêt prononcé en Suisse peut, après avoir saisi la plus haute instance de notre pays, se tourner vers la Cour européenne de Strasbourg. Cette voie est existentielle dans l’application du droit et garantit une séparation territoriale du pays – la Suisse – concerné.

Parce que le procès équitable dépend de la séparation des organes de pouvoir, cette initiative est absurde, illogique et dangereuse pour notre sécurité.

Cette initiative annihile le pouvoir de nos polices

À l’échelle de notre pays, seule l’internationalisation garantit au citoyen qui devrait se défendre contre son propre pays une séparation des pouvoirs.

Il en va des pays européens comme des cantons suisses…

Lorsqu’une enquête concerne et implique, par exemple, un membre ou une entité d’un Corps cantonal de police, l’investigation est confiée à des inspecteurs d’un autre Corps cantonal. Cette inter-cantonalité garantit la séparation décrite plus haut et la meilleure objectivité possible. Il en est de même à l’échelle de nos pays au sein de la territorialité européenne.

La mise en application de cette initiative, qui recèle d’autres pièges, étoufferait les voies comme les issues de recours dans le cas d’une éventuelle atteinte de nos libertés individuelles. Elle nous réduirait à une forme de consanguinité juridique fortement préjudiciable qui, de plus, entraverait gravement la légitimité de nos polices.

Compléments :

De quoi s’agit-il ? Et la posiiton du Conseil fédéral

Arguments de l’Alliance de la société civile

Questions-réponses d’Amnesty International

* Raison pour laquelle nos polices doivent rendre compte de leurs actes.

Des fusils d’assaut policiers ?

À la mi-août, plusieurs médias annonçaient que la Police cantonale neuchâteloise étudiait la possibilité de se munir de fusils d’assaut.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

La Police cantonale valaisanne se forme actuellement à l’arme automatique (FASS 90, version courte).

Plusieurs polices de Suisse centrale ont déjà intégré de tels fusils dans leur arsenal.

Le fusil d’assaut, comme son nom l’indique, est une arme de combat. Une arme qui, symboliquement et pratiquement, entraîne les forces de paix que sont nos polices civiles dans un pli guerrier qui leur est incompatible et qui peut corrompre leur nature intrinsèque. Une arme qui fait appel à des compétences opposées à celles que développe usuellement tout policier d’état civil. De plus, le fusil dassaut n’est pas une arme propice aux densités urbaines de notre territoire helvétique. Il n’est pas indiqué en zone d’habitation : trop dangereux pour les tiers, encombrant dans son usage. Tous les policiers expérimentés ne sont pas convaincus par le fusil dassaut.

Ce vice de forme ne me laisse pas tranquille. Son acquisition ne me réjouit pas. De plus, des questions subsistent dans l’usage d’une telle arme… 

Le danger que représente les fusils dassaut en zone urbaine avec leurs balles pénétrantes et les risques encourus pour les personnes derrière l’objectif (en zone 3 pour les spécialistes, les procédés tactiques inhérents, etc. ) ?

Quelle complémentarité entre ce fusil version courte et le pistolet mitrailleur HKMP5 et ses balles déformantes ?

Malgré ces questions ouvertes et le vice de forme évoqué plus haut,

j’approuve le principe d‘acquisition de ce fusil d’assaut pour trois raisons :

1. Une telle arme permettrait de neutraliser une personne particulièrement dangereuse et menaçante, porteur d’un gilet pare-balles ou distancé, eu égard, bien entendu, à l’habitat environnant et à sa fréquentation publique.

2. Le fusil d’assaut est un outil d’extension et non de substitution comme certains moyens informatiques policiers qui potentiellement peuvent violer la sphère privée des individus. Le policier reste maître de son discernement et de sa proportionnalité. Il peut user d’une telle arme tout en préservant les valeurs démocratiques qu’il détient et qu’il représente en notre nom ; l’habilité, la responsabilité et les pouvoirs de l’agent policier ne sont en rien altérés.

3. Enfin, si nous devons nous mêler à tout instant et en tout lieu de l’action de nos polices sur le champ social de nos vies parce que nous en sommes les bénéficiaires ; les attributs métier, par contre, leur appartiennent en propre. Si certaines polices jugent utile l’acquisition d’une telle arme, je peux les suivre.

Ci-après, mon précédent blog en la matière datant du 2 décembre 2016

Des fusils d’assaut policiers

https://mail.google.com/mail/u/0/?shva=1#search/fusil+d’assaut/158b9460a7653182?projector=1&messagePartId=0.1

 Sur le même sujet voir Le Courrier du 24.08.18, pdf disponible ici

Les violences contre les policiers.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

En complément de l’interview accordée au Migros Magazine, rubrique L’expert, du lundi 6 août 2018.

Y a-t-il un profil d’agresseurs de policiers ?

Non, pas à ma connaissance. Dans les témoignages que je réceptionne lors de mes analyses de pratique, me sont cités aussi bien le conducteur d’un certain âge, apparemment aisé, au volant d’une voiture de sport, soudain contrarié lors d’un contrôle routier ordinaire… que des auteurs présumés de violences conjugales. C’est pourquoi chaque témoignage doit être contextualisé.

J’encourage les policiers à dénoncer systématiquement toutes les agressions qu’ils subissent. Ainsi, auditions et enquête permettront d’établir les causes.

Le sentiment de peur est-il en hausse chez les policiers ?

Le policier négocie souvent avec la peur. Pas plus hier qu’aujourd’hui. La peur et à contrario le courage sont pour moi les pièces de voûte des matières à traiter en profondeur lors des formations de police. Je “bataille” avec certains policiers qui brandissent leurs gabarits musclés mais qui n’osent pas dénoncer l’infraction qui se produit dans leur corporation et sous leurs yeux ou qui se taisent devant les discriminations sexistes que subissent leurs collègues féminines parce que les auteurs sont des pairs, des “frères d’armes”. Ils craignent l’exclusion du groupe professionnel. Alors que tout au contraire, lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables, sans autorisation de séjour par exemple, ils débordent d’ardeur. On a le devoir, face à de telles ambivalences, de repenser la fonction de police civile en situation de paix.

Toute police qui renie ses failles et ses erreurs se mutile et s’enferme dans un cercle infernal alimenté par trois illusions : la surpuissance, l’intouchabilité et la redevabilité.

Quelles résolutions ?

La première : améliorer et augmenter le contenu et la durée de la formation initiale du policier généraliste.

Toujours en lien avec la question précédente, nous devons renforcer les cours ayant trait aux valeurs constitutives de notre État de Droit, les cours de sociologie des foules, de prévention et de proximité. Cela nécessite de tripler la durée de formation de base (actuellement neuf mois ou 1’800 leçons/périodes d’environ 45 minutres pour la formation initiale de policier généraliste en Suisse ndlr.) et de l’agencer dans des centres de compétences pluridisciplinaires à l’exemple des Hautes écoles spécialisées. Ainsi, la durée de formation initiale pour un policier accéderait à celles des professions du social ou de la santé.

Une formation plus large, documentée, impliquant davantage de ressources et de compétences extérieures et pluridisciplinaires offre une couverture de protection plus importante au policier victime d’agression. Ce dernier peut alors recourir à des références et des soutiens distanciés, bien plus variés que ceux qu’ils trouvent conventionnellement dans son corps et sa chaîne de commandement.

La deuxième : élargir les conditions d’admission dans les corporations.

Et non plus privilégier, comme c’est toujours le cas actuellement, les conditions physiques. Susciter des talents policiers implique de se pencher sur des candidats qui sont capables d’objecter, de critiquer et de proposer des innovations permanentes. Je rencontre encore trop de policiers de terrain qui subissent, se taisent et souffrent dans leur personne. Ils craignent d’incommoder leur carrière et de se faire mal voir par leur hiérarchie, écrasés qu’ils sont par les ordres de service et la crainte d’être disqualifiés. On en revient à la fameuse redevabilité, évoquée plus haut, qui survient comme une désillusion après avoir cru durant les premières années d’exercice aux sentiments de surpuissance et d’intouchabilité.

Témoignages de policiers dans le dernier Migros Magazine du 6 août 2018

Blog du 4 décembre 2017 traitant des violences à l’encontre les policiers

Le monde du foot et son reflet sécuritaire

Le bilan sécuritaire de la coupe du monde Russia 2018 est sauf. Aucun heurt apparent… hormis l’intrusion inopinée de quatre pussy riot – lors de la finale – et ma foi, bien plus débridée que certains matchs.

Occasion de faire le tour de la sécurité dans les stades suisses.

Qui est responsable de la sécurité dans nos stades ? Combien ça coûte ? Qui paie ?

Les polices étatiques y jouent-elles un rôle ? Dans quelles conditions ?

Les responsables de la sécurité au stade

Dans le cahier des charges d’un club suisse, il y a l’obligation de disposer d’un service de sécurité et d’ordre privé à l’intérieur du stade et dans ses abords immédiats. Les responsables du club en question doivent informer les autorités policières de l’agenda des manifestations. Si des échauffourées devaient être constatées dans l’enceinte du stade, le club doit recourir aux forces de polices pour permettre le retour au calme, alors même qu’il dispose de son propre service de sécurité.

Voir articles 3, 6 et 12 du règlement de la Swiss Footbaal League

Collaboration avec les forces de police

Le club recevant (hôte ndlr.) sollicite assez tôt l’intervention des forces de police en cas de début de tumultes provoquées par les supporters ou dès que des spectateurs se portent en trop grand nombre dans certains endroits du stade (par exemple contre une barrière ou un grillage). Le club demande aux forces de police que toute personne à laquelle a été refusée l’entrée au stade ou qui en a été expulsée soit tenue à l’écart du stade pendant le match, ce au moins jusqu’à ce que les spectateurs se soient dispersés.

Les coûts

Face aux particularités cantonales, la Conférence latine des chefs de Départements de Justice et Police édicte quelques recommandations :

  • Facturation de tout ou partie des frais de sécurité pour les manifestations présentant un risque de violence, sur la base des réglementations formellement adoptées.
  • Établissement de factures pro-forma pour les autres manifestations sportives ; et liberté d’appréciation laissée aux cantons quant à une facturation totale ou partielle (subventionnement indirect).

Sujet élaboré sur la base des recherches effectuées par François Quennoz, économiste, titulaire d’un Master en Droit & Économie, HEC Lausanne.

Ici le pdf – L’organisation sécuritaire dans les stades de football – du résumé de la recherche de M. Quennoz, lui-même supporter du FC Sion, et quelques particularités cantonales romandes ainsi qu’un aperçu de la situation en France, championne du monde 1998 et 2018.

La violence contre les policiers au TJ du dimanche soir

Personne ne veut commenter un tel sujet en dehors des personnes concernées que sont les agents d’État, urgentistes ou policiers.

Moi non plus, tant le contexte mérite d’être élucidé.

Mais voilà, je crois au rôle des médias, à leur vulgarisation malgré les formats d’antenne très courts et réducteurs. J’estime finalement que le débat fait naître nombre d’innovations salutaires.

J’accepte cette invitation de dernière minute et pose un préalable que la journaliste voulait garder pour elle alors qu’il venait de moi : ” Cette augmentation des violences à l’encontre des fonctionnaires, notamment des policiers, est très inquiétante et inadmissible. Heureusement que ces derniers recueillent le plus haut taux de sympathie de la part de la population suisse, année après année, comme le révèle le sondage de l’EPFZ, bien supérieur aux politiques ou aux journalistes.” J’insiste pour que cette introduction préalable soit diffusée. Il n’en sera rien.

Ces violences contre les policiers sont une réalité nauséabonde qu’il faut traiter coûte que coûte.

C’est comme le deal de rue, on ne peut pas l’empêcher et comme nous n’avons que très peu d’emprise sur les protagonistes… que faire alors ?

En dehors des condamnations judiciaires, j’esquisse trois pistes de compréhensions.

1. Les facteurs exogènes et les criminalités toujours plus complexes, sournoises et invisibles. Trop compliqué pour les téléspectateurs me répond la journaliste…

2. Les notions de service public et l’exemplarité des pouvoirs politiques qui endossent le mécontentement de certains groupuscules. Bof…

3. Enfin, des clients, patients, usagers et bénéficiaires toujours plus exigeants. C’est ce dernier point que retient la journaliste. Cela me convient aussi. Je répète plusieurs fois mon argumentaire de façon concise et précise, elle enregistre et filme.

Et de présenter la nécessité, pour les professions de foi et de vocation qui s’activent dans les services d’urgence, de s’adapter. Ne pas seulement se plaindre mais trouver de nouvelles voies d’action qui pallient tant bien que mal à ces violences. C’est possible et les premières évaluations dans les champs d’intervention pré-hospitaliers sont très encourageantes.

Contrairement à ce qui est tacitement convenu entre la journaliste et moi, mon explication n’apparaîtra nullement dans le reportage.

Au contraire, la journaliste creuse l’écart et la polémique… dans l’unique intérêt de présenter un sujet qui divise.

C’est la division qui attise les foules.

Elle retiendra une autre déclaration de ma part, quelque peu ironique, qui révèle une contradiction assez classique du métier de policier : “Je m’engage pour en découdre puis je m’en plains.”

Cette déclaration n’apporte rien.

Hors contexte, cette même déclaration servira à la journaliste pour chauffer les policiers qu’elle retrouvera peu de temps après mon interview. Tactique médiatique usuelle.

Ma déclaration devient alors un “portrait martial” dans lequel les policiers ne s’y “retrouvent pas”. Tiens donc, moi non plus. C’est trop tard, le reportage a été diffusé et les dégâts d’image sont consommés.

Pas simple de faire le pari de grandir une police qui le mérite par les efforts de transparence et de critique !

À bon entendeur !

Le sujet TJ en question

La police n’empêche pas le deal de rue

La police* ne peut rien résoudre d’elle même… tout au plus conduit-elle aux moyens de résolution, qui, eux, sont en “notre” possession.

Le “notre” est communautaire.

Augmenter les moyens techniques et les effectifs de nos polices est utile pour ménager les horaires et faciliter les déploiements opérationnels mais ne résoudra aucunement le problème endémique du trafic de drogue. N’en déplaise à certains élus qui s’évertuent de le faire croire à des fins électorales.

Le regretté commissaire judiciaire, opérationnel et scientifique, Olivier Guéniat l’avait si bien expérimenté, documenté et démontré. “La vente de drogue est pratiquement incompressible puisqu’elle répond à un besoin, celui des consommateurs qui sont Suisses.”

“Notre” possession ?

Nous autres dans notre pluralité et notre implication quotidienne.

Comment ?

Par l’organisation d’assises sur le deal de rue puis la mise en place d’un programme de santé et d’ordre publics.

Que faire ensuite ?

1. Examiner les antécédents alémaniques, notamment zurichois. Lire et écouter, sur RTS la 1ère, l’excellente analyse de Sandro Cattacin. “Ce triple symbolique “drogue – noirs – police” peut avoir des effets collatéraux bien plus graves que la situation actuelle” dixit Sandro Cattacin, directeur de l’Institut de recherche sociologique de l’Université de Genève et membre de la Commission fédérale sur les addictions.

2. Réunir l’ensemble des acteurs sociaux, de santé et d’ordre publics avec les représentants des quartiers d’habitation concernés. La police ne représente qu’un maillon de la longue chaîne sécuritaire au sein de la Cité et de la cohabitation sociale. Elle doit donc agir aux côtés des travailleurs sociaux hors murs, du personnel de santé, des urgentistes en soins ambulants, des agents d’édilité, des jardiniers de Ville (donc d’État et exécutifs comme les policiers), des concierges publics et privés, des responsables d’intendance dans les centres scolaires notamment, des médiateurs scolaires, des employés de l’Administration publique, des commerçants, des chercheurs en addiction, des criminologues, etc.

3. Agir pluridisciplinairement et créer un centre de coordination indépendant, non répressif et non dissuasif. Les agents d’État non policiers et des services collectifs renseignent le centre de coordination. La police, quant à elle, établit les faits, interpelle, qualifie les infractions, conduit l’affaire au pouvoir judiciaire et informe le centre de coordination ou, le cas échéant, oriente soit, vers les travailleurs sociaux ou soit, vers les professionnels de la santé.

L’objectif ?

Vivre ensemble malgré tout.

Éradiquer la drogue est impossible sans démanteler les organisations mafieuses internationales qui “utilisent” les petits trafiquants visibles dans nos rues.

Éloigner le deal de nos rues est impossible sans réduire les besoins donc les consommations des indigènes.

 

Article Le Temps de Aïna Skjellaug du 5 juin 2018. À, Lausanne, des agents «épouvantails» pour lutter contre le deal de rue.

 

* La police est un organe exécutif (non judiciaire et non législatif – ce dernier pouvoir est largement compromis par certains policiers genevois à la fois députés) de prolongation et de délégation de nos facultés citoyennes de service et de protection du plus grand nombre, à commencer par le plus faible comme le précise notre Constitution.

Pour servir et protéger dans le domaine si exposé du tout-public, nous avons confié à des agents de légitimité et de juridiction territoriale (les policiers) des moyens de force, de contrainte et de privation momentanée de liberté et les avons doté, sous assermentation, d’outils de sanction, d’ordre et d’armes.

Les paliers du déni

Le temps et la raison passent leurs chemins… en polices comme partout ailleurs.

1993. Berne. Je préside la première Commission de vigilance et de prévention des violences policières et militaires de Suisse. Ce groupe de travail composé d’officiers de polices cantonales et d’officiers EMG militaires pose les bases de ce qui deviendra plus tard le Brevet fédéral de policier. Lors d’une séance, on me rétorque alors : “Maillard, des femmes policiers (pas… – ères ndlr.), vous n’y pensez pas. On voit bien que vous ne connaissez pas le métier. C’est impossible.”

Lire le sujet de Sylvia Revello dans Le Temps du 8 mai 2018 sur une policière vaudoise, pionnière de gendarmerie

2003. Genève. Canton pilote. Je suis sollicité et engagé pour élaborer les premiers cours de comportements policiers, droits humains et valeurs fondamentales du 1er Module (sur quatre) du Brevet fédéral de policier de base ainsi que pour rédiger les tests et examens finaux éliminatoires pour le compte de l’Institut Suisse de Police. “Un brevet pour intellectuels. En tous les cas pas pour des policiers. Ce brevet ne tiendra pas plus de deux ans !”

2005. Lausanne. Polices cantonales genevoises et vaudoises. “Nous sommes gendarmes. Pas des policiers; ça n’a rien à voir…”

2007. Genève. Je suis chargé de concevoir, de piloter et d’encadrer les premiers cours du Diplôme supérieur de policier suisse. À la demande des autorités, j’organise les premières analyses de pratiques professionnelles qui, très vite, deviennent obligatoires. “On n’est pas des travailleurs sociaux, ni des militaires d’ailleurs, pas des soignants non plus, ni des … on est à part. Merde !”

2007. Lausanne. Publication du rapport sur le fonctionnement de Police Secours de la Police Municipale de Lausanne (mai 2007 – GTPS). Confirmation de dysfonctionnements et de violences graves. “Vous croyez quoi ? Qu’on allait dévoiler nos méthodes au grand jour…”

2008 à 2011. Genève. À cette date, je travaille pour huit Corps de police suisses. Sollicité par d’autres Corps alémaniques, la Police cantonale genevoise insiste pour que je poursuive à leurs côtés encore quelques années et que je me charge aussi des remédiations de l’examen final et éliminatoire en Droits humains du Brevet fédéral en faveur des ressortissant-e-s de l’Académie de Police de Savatan. Lors de ces séances de rattrapage, je reçois, à mon insu, des témoignages alarmants.

2013. Martigny. À la demande de policières et policiers (parmi lesquels des officiers judiciaires) en exercice et soumis au secret de fonction je porte à connaissance les dégradations et les maltraitances avérées qui se sont produites et semblent toujours se produire (à cette époque – 2013) à l’Académie de Police de Savatan.

2015. Zurich & Lausanne. À l’appui d’aveux professionnels qui me sont directement confiés – et sans que je puisse avoir accès à d’éventuelles statistiques, qui, d’ailleurs, ne semblent point exister en la matière / un porte-parole de police me confiait dans le même temps qu’il triait les affaires internes avant toute communication aux pouvoirs politiques – je constate une détérioration (lors d’une intervention sur cinq en moyenne) du rapport relationnel entre le policier et la personne interpellée. “Pas du tout. Vous n’avez pas de chiffres. Tout va bien.”

2018. Lausanne. “La formation de Savatan est bonne car la criminalité est en baisse.”

Voir et écouter le débat animé par Virginie Gerhard pour La Télé du 2 mai 2018

Découvrir, ici, les quatre pistes de résolution que je propose. Opinion Le Temps publiée le 17 avril 2018

Pot-au-feu

Tu mélanges tout et tu laisses cuire à petit feu…

Les ingrédients :

… les dealers, des policiers, une académie de police, celle de Savatan et les sociologues… forcément gauchistes. Attention, depuis peu, on compte d’autres policiers… de la République genevoise (gauchistes eux aussi ?).

Revendiquer pour nos polices une meilleure formation et un comportement régulé lors de certaines interpellations de rue fait de vous un gauchiste détracteur qui épargne les dealers et s’acharne sur les agents d’ordre.

Cette contraction vient de toi.

Qui d’entre nous peut prétendre sonder les intentions et les référencements des personnes en proie aux drogues ? Personne. Leur sort est privé autant que sanitaire.

Qui d’entre nous peut prétendre stopper les intentions et les référencements des trafiquants de ces mêmes produits stupéfiants ? Les enquêteurs de long cours, probablement, le néfaste business n’ayant point été radié à ce jour.

Qui d’entre nous peut prétendre sonder les intentions et les référencements des policiers de fonction, faisant face à leurs difficultés opérationnelles ? Tout un chacun. Leur ressort est public ; comme le sont leur formation, leur légitimité, leurs moyens et leur assermentation.

C’est la distinction que je fais.

Une distinction de posture, Mon cher.

Le destin des dealers ne m’appartient pas. Ils ne détiennent rien de ce qui fait l’État et de ce qui me tient à cœur. Rien.

Tout au plus, puis-je interagir politiquement, à droite comme à gauche.

Le destin des policiers m’appartient. Ils représentent l’État, le service public, nous tous.

Dans le service et la protection qu’ils nous doivent, je suis le bénéficiaire de leur fonction publique et d’exemplarité. Toi aussi.

Toutes les violences

Les violences à l’encontre des agents de la force publique sont intolérables et me révoltent. Je les sais en augmentation. Je m’en inquiète grandement, aux côtés des policiers, sur le terrain, tous les jours. Fort de ce constat, je pourrais m’époumoner comme tu le fais et réduire à petit feu les distinctions, les contextualisations et les rapports de force.

La cuisson

… c’est la stigmatisation des personnes, celle que tu prônes et qui empêche de se remettre en question. Prétendre que la violence de rue serait le spectre d’un seul camp et que leurs complices sont les sociologues et les gauchistes est une grotesque mise en corner du seul ballon de résolution que nous possédons.

Pourquoi ?

Parce que la violence se fout des bords, des partis politisés, des tendances et des professions. Elle s’infiltre partout. Gros malin, tu l’ignorais ?

Que faire alors ?

Agir sur les dealers qui nous échappent autant qu’à toi ?

Ou agir sur nos polices parce qu’elles nous représentent ?

Alors, tu choisis quel champ d’intervention pour grandir le référencement de notre Constitution ? Le champ que nous ne maîtrisons aucunement ou celui que nous maîtrisons ? Décide-toi !

Mon choix ne souffre d’aucun doute depuis l’introduction en 2004 du brevet fédéral de policier.

Et le tiens, ton parti pris ? Il dit quoi ?

Si tu crois pouvoir te désinvestir du service public – que porte emblématiquement tout policier sur lui et en lui – et que tu te permettes de ne plus le détenir, de ne plus le cautionner, de ne plus le grandir, ne compte pas sur moi ni sur les policiers cantonaux genevois – de gauche (hic ?) – qui se sont exprimés en pleine page du reportage de ta consœur Sophie Roselli (de gauche aussi ?) dans la Tribune de Genève (de gauche encore ?) mercredi 11 avril passé.

20 ans déjà et encore

20 ans déjà !

Le temps d’un souffle, d’une génération et nous célébrons aujourd’hui la croissance d’un média de référence – Le Temps – initiateur et hébergeur de ce blog. Que mes vœux les plus fous accompagnent toute son équipe !

Nos polices dans 20 ans

Le temps de progression pour nos polices ; mieux servir et protéger ; accueillir les plaintes, établir les faits, écouter les témoins, rassembler les preuves, monter les enquêtes, maîtriser ses paroles et ses gestes.

20 ans pour grandir sa fierté, celle de femmes et d’hommes d’État, de Droit civil et de service public, assermenté-e-s, garant-e-s et détenteur-trice-s des valeurs fondamentales et constitutives* de notre démocratie.

20 ans encore…

Le temps pour nos polices de se restaurer et de compter autant de femmes que d’hommes, de toutes origines, dans leurs États-Majors.

   

20 ans pour que nos corporations de polices deviennent de véritables instituts de recherche et de résolution pluridisciplinaires.

20 ans pour surpasser la force physique par le discernement, l’adaptation et l’investigation.

20 ans pour se défaire du maintien de l’ordre.

20 ans pour créer des commissions indépendantes de vidage et de traitement des erreurs.

20 ans pour réduire les grades.

20 ans pour y croire ; ne pas céder aux peurs ni aux préjugés et encore moins aux discriminations.

20 ans pour défendre les plus faibles, les minorités et la diversité du commencement à aujourd’hui !

Préambule … sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres,

La sécurité à la demande n’est pas policière

“Les Agents (des Polices Municipales (APM) genevoises ndlr.) des communes de Chêne-Bougeries et Veyrier effectueront des rondes spécifiques chez les habitants ayant annoncé leur absence.”

“Nos agents… font le tour de la maison. Pour les appartements, ils montent à l’étage…”

(2 minutes de lecture. Le féminin est compris dans le texte)

Sécurité sur mesure offerte par les communes, titrait 20 minutes le 1er février passé.

Cette nouvelle prestation, selon vous, pose-t-elle problème au principe de la régie policière ? Telle est la question, empreinte de doutes, du chef opérationnel d’une police vaudoise. (Merci au Capitaine P. de m’avoir interpellé à ce sujet)

Ma réponse : oui

Tout d’abord, je distingue ces commandes spécifiques des actions préventives qu’effectue toute police ainsi que des alertes ou signalements communiqués aux polices par la population.

Je suis navré de constater, une fois de plus, que ces Polices Municipales genevoises sont détrônées de leur intrinsèque nature policière. Déjà qu’elles ne bénéficient pas du Brevet fédéral, elles sont en plus considérées (à tort) comme des sous-polices ou des polices partielles. En leur confiant ce type de mission, à la demande des habitants, leurs autorités communales n’améliorent pas leur statut.

Voici pourquoi

1. Erreur de casting. Une telle initiative est intéressante en soi mais devrait être confiée à des employés communaux non policiers ou à des prestataires privés. Toute police est au service de la population mais ne lui est pas subordonnée. La police est un organe médium (ou “vis-à-vis”) entre le pouvoir exécutif, d’une commune par exemple, et la population ou entre le pouvoir judiciaire et la population ou/et sa défense.

2. Entrave à la liberté d’action de la police. Une telle initiative compromet le moyen discrétionnaire et d’opportunité propres (en plus du pouvoir de coercition) à nos polices d’État de Droit.

3. Les prérogatives de police des APM sont déjà limitées. Une telle initiative réduit encore davantage le champ d’initiative et de pouvoir de ses agents.

4. Réduction du discernement policier. Un policier qui répond à une préoccupation (ou parfois à un caprice ?) privée quitte son champ public d’intervention et n’exerce plus la vigilance objective et désintéressée que requiert sa fonction.

(Photographie : 20 minutes)

Conséquences problématiques

Avec une telle offre, on se trouve face à une contorsion de la régie policière suisse, qui, pour rappel, définit qu’un policier ne doit pas violer ou investir la sphère privée* de tout un chacun, hormis lorsque les juges l’y autorisent (perquisitions, écoutes téléphoniques, etc.) et ce, pour des raisons majeures.

Le champ policier est public, non privé. La surveillance du champ privé est, par conséquent, confié à des sociétés de sécurité privées, complémentaires.

Pendant que le policier répond, à la carte, à une préoccupation de bienveillance privée, il ne peut pas détecter d’autres incidences spontanées ni prioriser les secteurs vulnérables de sa commune et encore moins concevoir son action discrétionnaire tel que l’exige pourtant son statut de policier de proximité. Un tel pli dans son activité quotidienne risque de porter préjudice à l’intérêt commun et de favoriser, à terme, les personnes les plus craintives ou les plus aisées.

Une action de police répond à l’acte** au profit de la personne et de la collectivité et non à la personne au profit d’un éventuel acte.

 

* … en plus du respect de la sphère privée, la régie policière impose le respect de la présomption d’innocence (seule la justice définit la culpabilité – séparation des pouvoirs), la conduite des investigations pour le meilleur procès équitable possible, le respect intégral de la dignité humaine et l’annonce des motifs dans l’arrestation provisoire (aussi appelée garde à vue).

** avec ses faits, indices, témoins et preuves.