Lâcher le formel pour convaincre

Vous êtes nombreux à me questionner sur les interprétations du « formel » en police.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

“Est-ce vraiment nécessaire d’user de tant de discipline, de “garde à vous !” et de mises en rang dans nos formations de police ?”

“Une pléthore de grades nous empêche d’agir spontanément.”

“Dans l’exercice de notre fonction, ne devons-nous pas improviser à tout instant et prendre de nombreuses initiatives ? C’est tout le contraire d’un esprit soumis au formel… non ?”

“Ne dit-on pas qu’un bon policier doit être souple et léger ?”

“Pourquoi surenchérir dans la chaîne des ordres et des protocoles ? Nous ne sommes pas des militaires qui nous préparons à la guerre… “

Un antagonisme

D’une part, il y a cette nécessité du formel imposée par la guerre et, d’autre part, il y a notre liberté, gage de toute paix durable. L’état de guerre implique, malheureusement, une forte discipline et une stricte hiérarchie. Notre survie de soldat incorporé peut en dépendre. En situation de paix, au contraire, le formel étouffe les initiatives, les remises en question et l’imagination. Pourtant ces dernières facultés sont indispensables à la résolution des problèmes que les policiers rencontrent au quotidien.

L’incroyable histoire de l’officier russe, Stanislav Petrov, qui, par son libre arbitre, évita la guerre (en septembre 1983), démontre l’importance de renoncer au formel en situation de paix. Voir le sujet développé par Luis Lema dans le quotidien Le Temps du 19 septembre 2017 en activant ce lien. Cet ancien Lieutenant-colonel russe empêcha une guerre qui aurait été dévastatrice. Extrait de l’article : « …à l’inverse de ses collègues, tous issus des écoles militaires, Stanislav Petrov avait été formé dans le civil, ce qui le rendait un peu moins enclin à suivre aveuglément les ordres.»

Faire un choix

Nous nous trouvons donc devant un choix à faire : conserver le formel pour nous préparer à la guerre ou réduire le formel pour maintenir la paix. Il y a dans ce dilemme deux écoles de pensée, deux aspirations, deux codes pénaux et deux organisations judiciaires.

L’expérience diplomatique suisse

Voici ce que me confiait récemment une chercheuse et ancienne fonctionnaire fédérale en charge de négociations interétatiques :

« Plus il y a de formel, de formalités, plus le cadre est stricte, moins il y a de sincérité, de spontanéité et de projets qui en résultent. Moins il y a d’espace pour bouger et moins d’engouement dans les prises de décisions novatrices. D’où l’importance de lâcher le formel pour convaincre.

Le but des rencontres formelles ? Elles permettent d’étouffer toute velléité et d’éviter les gaffes ministérielles. »

Moins de formel et nos polices seront plus fortes. Les talents qui les composent pourront éclore.

 

Remerciements

J’en profite pour remercier celles et ceux, la plupart policières et policiers – ils se reconnaîtront – qui me font régulièrement part de leurs suggestions.

Tel fut le cas pour ce 56ème blog.

Appel

Dans le prolongement de cette thématique liée au formel, plusieurs d’entre vous m’ont suggéré d’explorer le suréquipement policier mais aussi les insignes ainsi que les tatouages affichés ou non dans les métiers de sanction. Si vous détenez des sources sérieuses et objectives en la matière, je suis preneur.

Briser les tabous !

… dans quelque milieu institutionnel que ce soit.

C’est l’intrinsèque nature des institutions que de distordre le rapport humain, de l’enfouir sous les justifications administratives, logistiques et hiérarchiques. Comme autant de prétextes qui font place au silence et à la résignation. Le phénomène est connu. Il court depuis l’origine de nos conquêtes.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Le sujet de Caroline Christinaz, du quotidien Le Temps, publié le 7 septembre 2017, est excellent parce qu’il enfonce le clou.

L’article en question :

Violences obstétricales : les femmes percent le tabou

“Le débat se ravive autour de pratiques exercées en milieu hospitalier notamment sur des femmes sous anesthésie. Les étudiants témoignent, certaines femmes dénoncent…”

Il enfonce le clou alors que tout semble aller pour le mieux.

Nos routes sont sûres, les prises en charge médicales suisses et voisines les meilleures du monde, nos maisons de retraite très bien dotées, nos prisons frisent le luxe…, nos édilités performantes et nos polices plébiscitées. Mais, se pose-t-on une seule fois la question du pourquoi ?

Nos institutions sont faites pour être critiquées

L’institution est ce contenant moral qui accueille nos compétences et nos diversités individuelles comme autant de contenus mobilisés en vue de l’accomplissement d’une prestation. En critiquer l’organisation interne revient à en épargner les individus, en deçà des infractions. Leur permettre à ces individus de se former, de se corriger et de progresser. Ne rien faire c’est encourir le risque d’une dégradation qui se répandra, à coup sûr, sur les “Une-s” des médias et dans l’achèvement de quelques réputations personnelles. Ces seules raisons devraient nous inviter à maintenir la pression pour que nos rues soient toujours aussi propres alors même qu’elles surclassent les moyennes européennes; devraient nous encourager à faire la lumière sur cette problématique médicale et d’atteinte à l’intimité féminine, décrite plus haut, et qui présente tant de similitudes avec les discriminations persistantes dans certains comportements policiers. Voyez ce pharmacien qui publie sur un blog, cette étudiante qui témoigne et cet autre via une revue scientifique, sans pour autant démanteler la profession médicale. Au contraire, de telles critiques favorisent les évolutions institutionnelles et épargnent les individus dans leurs quêtes du bien-être.

Le seul mot “discriminations” fait encore bondir nos corporations de police. Et pourtant, elles n ‘ont pas à craindre la mise à jour de ces tabous.

Seul le déni peut salir leur profession.