J’ai fait le choix de quatre champs d’approche policière comme autant de spectres pour mon bilan de l’année écoulée. Sans nul doute que ceux-ci nous tiendront en haleine durant 2023.
(125ème post. Le féminin est compris dans le texte)
- L’IA – L’Intelligence Artificielle
Substitution ou extension ?
- L’immunité partielle des policiers
Protection ou annihilation ?
- La gestion des foules
Libération ou confrontation ?
- Le septième Art
Fiction ou réalité ?
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L’intelligence artificielle
Les polices de Dallas, de San Francisco, aux États-Unis envisagent de se doter de robots-tueurs.
Comme je l’ai documenté et développé à plusieurs reprises, je plaide en faveur de l’utilisation des meilleures technologies d’investigation et de d’intervention policières. À condition – bien entendu – que ces technologies soient soumises au respect absolu des Droits fondamentaux, au contrôle et à la supervision d’un organisme séparé, indépendant, pluridisciplinaire et extérieur aux corporations de polices et, enfin, au respect de la pleine autonomie de discernement de l’intervenant policier lui-même.
Que représente cette dernière exigence ?
Exigence que l’on pourrait qualifiée d’empowerment professionnel policier. Cela signifie que certaines armes ou instruments opérationnels peuvent se substituer au discernement et au pouvoir discrétionnaire de l’individu policier au profit du pouvoir de l’ingénieur, de l’informaticien, du chef d’une entreprise privée ou tout autre opérateur maîtrisant l’outil de sophistication numérique ou génétique. À priori, ces derniers acteurs ne sont pas assermentés ni détenteurs de la représentativité étatique. En clair, ils échappent à notre contrôle citoyen démocratique. Et, c’est là que réside le danger d’une usurpation de nos droits fondamentaux.
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L’immunité partielle des policiers genevois
L’annonce n’a pas fait grand bruit. Quelles que soient la nature et l’étendue de cette proposition d’immunité partielle, telle que le propose l’UDC (Union Démocratique du Centre) genevoise, elle verserait nos polices dans une forme d’instrumentalisation totalitaire. Qui, le cas échéant, neutraliserait leurs facultés comme leurs attributions.
Comment est-ce possible de méconnaître, à ce point, la nature intrinsèque de nos polices ?
Le policier, dans l’avantage de son propre équilibre personnel et dans l’intérêt supérieur du service public, est doté de deux pouvoirs exceptionnels : coercitif (usage de la contrainte, de la force et de la privation de liberté momentanée) et discrétionnaire (liberté de choix et de discernement avec possibilité personnelle pour le policier de renoncer à intervenir si cela représente un grand danger pour lui ou les tiers ou si l’action risque d’entraîner une discrimination). Ce moyen ou pouvoir discrétionnaire, sous-développé, (pour cause… ndlr.) offre au policier une liberté d’investigation et d’adaptabilité pour faire face aux mutations criminelles, lui permettant même de les défier.
L’UDC genevoise propose une immunité partielle en faveur des policiers lors d’enquêtes judiciaires.
Ne pas rompre la chaîne sécuritaire
La police n’est qu’un maillon de la longue chaîne sécuritaire.
À la différence des parlementaires qui se retrouvent à l’aboutissement du processus de législation, les policiers établissent les faits, auditionnent les témoins de façon à documenter les enquêtes qui leur sont confiées. C’est seulement après thèse et antithèse que le résultat est présenté au pouvoir judiciaire ; pouvoir naturellement séparé. La police est un “entre-deux”, une passation d’autorité. La police ne détient pas l’autorité. Elle la représente.
Pourquoi la police ne détient-elle pas l’autorité ?
Le discrétionnaire (à discrétion ndlr.) permet au policier de discerner les troubles, les manipulations, les plaintes infondées, de décoder les biais d’une enquête, de déjouer les indices peu fiables, de fréquenter les marges et corrélations entre deux ou trois affaires, autant de subtilités qu’aucune intelligence artificielle ne serait en mesure d’imaginer. Ce qui fait de tout policier un être de doute, d’erreur et de conviction. Enlevez-lui ses facultés par une sorte d’immunité de facilité et tout crime se fourvoiera de lui.
C’est bien parce que le policier doit rendre des comptes qu’il s’applique à la réalisation de dossiers solides ; c’est bien parce que le policier n’est qu’un maillon de la longue chaîne du service public et de la précaution sécuritaire qu’il exerce en médiateur et non en juge ; c’est bien parce que le policier est vulnérable et non surprotégé qu’il peut lui aussi, comme tout un chacun, se retrouver sur le banc des accusés. Il s’agit ni plus ni moins que de l’État de Droit dans sa plus légitime séparation des pouvoirs et de garantie de durabilité.
Aucun agent d’État (ou élu parlementaire de surcroît) disposant de la force létale et ayant dans l’ultime nécessité le pouvoir de supprimer la vie ne bénéficie d’une immunité. Ce serait le pire autogoal démocratique. À l’heure d’introduire des robots tueurs (voir point 1. l’IA précédent ndlr.) dans plusieurs corporations de police de Droit, indépendamment de son opinion en la matière, le policier doit plus que jamais rendre compte de ses actes.
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La gestion des foules
Grand défi pour nos polices. Cela se vérifie avec les manifestations de plus en plus fréquentes et diversifiées d’associations de défense de l’environnement qui sensibilisent, protestent et obstruent des voies de circulation routière notamment. C’était aussi le thème du 20ème Congrès de la sécurité urbaine organisé à Berne par la Conférence des directrices et directeurs de la sécurité des villes suisses le 4 novembre passé (2022). Vous trouvez les exposés – de qualité – en lien interactif à ce sujet. J’étais pésent et je fus convaincu par l’implication et la réflexion du Commandant de la Police municipale de la Ville de Lausanne, Monsieur Olivier Botteron. Lui-même ayant été confronté à nombre de manifestations durant l’année 2022.
Olivier Botteron : président de la société des chefs de police des villes de Suisse.
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Le 7ème art – le cinéma, la série TV…
Révélation de la série TV Antidisturbios relatant l’épopée chaotique de six policiers anti-émeute espagnols. Ces derniers procèdent à une expulsion qui dégénère. Cette histoire, d’apparence assez banale, contient en elle les relents de la sous-culture policière et ses contradictions. Elle révèle les manquements en matière d’éthique et d’autonomie de gestion discrétionnaire – comme développé plus haut. À elle seule, cette série TV résume grand nombre des préoccupations professionnelles qui mobilisent plusieurs d’entre nous et qui sont autant de défis pour 2023.
Violences policières lors du G-8 à Gêne : Strasbourg condamne l’Italie.