La violence. Quelle violence ?

La violence humaine et privée n’est pas comparable à la violence étatique et morale commise par des représentants de l’État; la police étant la branche la plus visible.

(Le féminin est compris dans le texte.)

(2 minutes de lecture)

La violence dite privée est inacceptable, mais… inévitable*.

La violence d’État, quant à elle, est injustifiable et à proscrire, quelles que soient les circonstances. Elle est évitable.

Plusieurs fonctionnaires de police ont sollicité mon opinion après les récents événements de Payerne qui font écho à leur champagne “Stop à la violence contre les policiers !”.

Les violences contre les policiers n’engagent pas directement notre qualité de citoyen. Évidemment, leurs auteurs doivent être identifiés, interpellés, jugés et condamnés.

Les violences commises par des policiers à l’encontre de citoyens, de résidents ou autres usagers, par contre, nous engagent directement. Elles engagent l’État et par voie de délégation : nous autres. Nous avons confié la force légitime aux policiers. Nous sommes donc en droit d’exiger une application proportionnelle. Et, pour en être assurés, les aspirants policiers bénéficient de formations d’adultes, initiales et continues (… et rémunérées), à l’application professionnelle des droits humains, de l’éthique et aux techniques et tactiques d’interpellation, d’intervention et de défense.

Je n’ai – heureusement sur le plan des libertés individuelles et sociales – pas d’emprise sur mes concitoyens et autres personnes qui usent de violence à l’encontre de nos fonctionnaires de police. Je ne suis pas responsable de leur éducation ni de leurs comportements. Je peux que le déplorer avec vigueur et quelque-fois du dégoût. Par contre, je suis témoin tacite et coresponsable, à de nombreuses occasions publiques et solennelles – telles que les journées portes ouvertes des centres de formation de polices, les assermentations, les manifestations d’honneur, les cérémonies de passations de commandement et dans certains cantons, les bureaux de vote, les écoles, etc. – de la vocation, des paroles et des gestes de nos représentants de la force publique en ma qualité de bénéficiaire de leurs services et de leur protection.

Il m’arrive régulièrement, lors des cours de perfectionnement, d’accueillir les complaintes de policiers qui justifient leurs brutalités en réponse aux violences qu’ils subissent. Je récuse cet argument et plaide ce qui suit :

« Vous pouvez vous plaindre de la saleté qui réside dans votre quartier et de la malpropreté de votre voisinage, mais, il vous adviendra toujours de nettoyer votre demeure; et de commencer par celle-ci puis de transmettre votre exemple à la nouvelle génération policière. Il ne vous sert à rien de prétexter la saleté ambiante pour ne pas entretenir votre stature, votre honneur et votre lieu de résidence. De plus, je vous fais remarquer que votre hôtel corporatif est public et qu’il officie comme modèle pour le plus grand nombre. »

Enfin, je recommande l’ouvrage de référence et de définition : Dictionnaire de la violence. Edition puf. Sous la direction de Michela Marzano.

* dans le champ professionnel, l’interdiction de consommer de l’alcool ou des produits stupéfiants, l’encadrement institutionnel et le cadre juridique préservent le fonctionnaire de toute dérive. Alors que le champ privé renferme parfois des colères et des désillusions insoupçonnées et incontrôlables. Seule la bienveillance de l’entourage peut, le cas échéant, pallier à quelques difficultés avant que n’interviennent les services sociaux et l’ultime secours policier.

L’Eurofoot de l’ambivalence

Ne pas céder à la peur. Ne minimiser aucun risque.

Paris, capitale de la discorde et du feu, devrait retrouver son habit de fête dès ce soir. Et pourtant, la tension est palpable.

miniature_stade_de_france_cstade_de_francer_macary_zublena_et_regembal_costantini_-_arc_

Contagion suisse

« Chez nous, en Suisse, sous l’influence des événements qui ont lourdement affecté nos voisins, on leur fait peur à nos jeunes policiers apprenants…» me confiait récemment un commandant de police. On les équipe de nouvelles couches, de gilets, d’armes lourdes et d’artifices divers. D’aucuns revendiquent même, et en dehors de toute pesée d’intérêts, un plan Vigipirate. Les services de la Confédération (Police fédérale et Services de renseignements ndlr.), quant à eux, n’abondent pas dans ce sens. Ses deux voisins, l’un chef de corps et l’autre chef opérationnel, renchérissent : «tout cela ne sert à rien. On entraîne nos gens dans une fausse voie. Nous conduisons nos policiers à la guerre alors que leurs prérogatives servent la paix. A terme, leurs cerveaux seront déconnectés des valeurs civiles. Le policier se doit d’être rassurant pour, à son tour, produire des liens de confiance. » Et : « en les suréquipant, on les disperse et on les fragilise. Ils n’acquièrent pas les bonnes capacités à résoudre les problèmes mais foncent dans le tas… ».

Ne pas céder à la peur et ne pas sombrer dans l’état de guerre pour lequel nos policiers n’ont ni attribution ni légitimité me paraît être la première précaution d’usage. Il est curieux – et malsain – de constater durant ces temps de trouble et de crise qu’il y a toujours un ou l’autre prélat de police, généralement déchu de ses premières conquêtes, pour se frotter les mains et mettre au pas de guerre ses juvéniles troupes.

L’amiral Alain Coldefy, ancien inspecteur général des armées françaises, est pourtant formel. Faire face à un parent (en dehors de tout danger imminent de mort ndlr.) lors, par exemple, d’une quelconque manifestation de mécontentement « … ce n’est pas du tout le métier de l’armée. Il y a donc une ambiguïté qu’on n’a pas intérêt à faire durer. » Et à l’homme d’expérience de conclure sur l’état d’urgence qui règne actuellement en France : « il fallait prendre cette décision pour un temps, mais le terrorisme ne se combat que par les voies normales qu’offre la République. » En clair, nous ne sommes pas en guerre et l’armée interviendra que lorsqu’il sera trop tard. Jamais, j’espère ! Pour l’heure, nous avons besoin de policières et policiers à l’esprit de paix et à la pratique de bonne et juste proportions. “Souples et légers” dit l’adage du métier.

La réponse ne se trouve pas dans les suréquipements, mais dans la détermination de nos gardiens de paix à maintenir ce subtile équilibre des rapports de force, quoiqu’il arrive.

Bière d’une main et pouce serré de l’autre !