Les policières s’insurgent !

Ce sont les femmes qui émancipent les réformes policières !

Émilie, Rébecca, Camille, Ludivine, Lydia, Vanessa, Stéphanie témoignent aujourd’hui des conséquences d’une incapacité managériale à soutenir les victimes au sein des Corps de police.

Un “management suranné et complètement étanche” me confirme cet officier, comme désolé d’en être toujours là… après tant d’années… “J’en peux plus. Moi aussi, je souhaiterais quitter la police mais la reconnaissance de mon cursus ne vaut pas grand chose à l’extérieur… c’est pourquoi tant d’agents désabusés s’enferment dans le déni.” “Evidemment, ça ne se laisse pas découvrir dans les sondages de satisfaction… les citoyens nous plébiscitent… car ils n’ont pas accès à notre omerta…” complète-t-il.

“Nous sommes l’organe de l’administration le plus étanche et le levier politique le plus convoité.” renchérit cet autre officier lors d’une formation continue.

Harcèlement sexuel, une omerta policière

Tel est le titre du rendu de l’enquête de la journaliste Marion Police parue dans Le Temps aujourd’hui.

“Le phénomène semble même s’empirer…” me signale un troisième officier romand, chef de Police secours.

Quant à moi, je reste convaincu qu’en police la pression exercée par les mâles dominants sur leurs victimes à l’interne de leurs services est extrêmement forte et neutralise les initiatives de plaintes internes comme externes.

“Quant ce sont vos harceleurs qui décident de l’avancement de votre carrière et que votre entourage est si fier de vous savoir en police, vous ne pouvez plus bouger.” me confiait Jasmine, une policière romande en exercice, il y a un mois. Elle songe, comme au moins cinq autres policières de ma connaissance, à quitter la profession.

“On les essore… jour après jour. N’oublions pas que les policiers détiennent les principaux outils de plainte et de dénonciation, y compris lorsqu’il s’agit de les relativiser… quand ça les arrange.” me confiaient ces deux professionnels vaudois de la santé.

Quatre pistes managériales, … inlassablement.

  1. La création d’organes d’écoute active, de traitement et de réhabilitation ou de résolution ou de dénonciation ; libres, neutres et indépendants ; comme ils existent dans d’autres professions ou domaines (sports, médias, arbitrages interprofessions, etc.)
  2. Certains commandants le reconnaissent, engager plus de femmes et promouvoir de la pluridisciplinarité efficiente dans la chaîne de commandement.
  3. Maintenant que ces femmes – véritables et authentiques policières dans leurs postures – parlent, qu’on leur donne une place de choix dans les formations, les bilans de fin d’années, les cérémonies de nomination, qu’on publie leurs témoignages au sein des Corps.
  4. Enfin, rompre l’inversion sociologique tant de fois constatée et scientifiquement documentée, c’est-à-dire, qu’on écarte les auteurs au lieu de les grader ou de les déplacer de l’opérationnel vers les centres de formation ou les services généraux comme c’est encore malheureusement le cas.

Plébisciter la police c’est croire en sa capacité de réforme, aussi lente soit-elle.

En temps de paix, aucune autre force armée de service et de protection, incluant la contrainte et la sanction, ne saurait intrinsèquement remplacer nos polices publiques et assermentées.

Raison pour laquelle, nos polices n’ont pas à craindre la critique, ni la remise en question : conditions sine qua non pour réussir leurs adaptations et leurs évolutions managériales !

Faut-il encore le préciser ? – L’émission radio Le point J. du 29 juin 2020 – nous rappelle combien la police est existentielle au maintien de la démocratie active.

À quoi sert la police ?

À servir et à protéger, à commencer par le plus faible, à enquêter et à monter les dossiers de dénonciation.

C’est aussi valable pour elle-même, non ?

La police est une force de résolution

… et non d’opposition.

La police doit se voir comme une force de résolution – à notre service public – et non d’opposition.

La terminologie ne s’y trompe pas

La politia* nous vient des tréfonds de l’humanité et de son idée non négociable de vouloir et pouvoir vivre ensemble au cœur de la cité à une condition : que toute justice puisse franchir son temps de gestation.

Le temps de gestation

Les prémices de l’enquête jusqu’au procès équitable

Déléguer la protection de son bien-être à des tiers assermentés c’est croire à la distanciation nécessaire que réclame toute investigation, c’est plaider la séparation des pouvoirs et leur équité. Je ne saurais être juge et partie de toute affaire qui m’affecte au premier degré, encore moins si je suis victime d’un préjudice. Je charge donc les différentes entités de police d’enquêter, d’établir les faits et d’enregistrer les témoignages.

Cela correspond à une forme de gestation pouvant et devant donner naissance au procès le plus équitable possible.

Ce travail d’enquête – souvent long, les inspecteurs judiciaires les plus chevronnés vous le diront – requiert des qualités de persévérance et de minutie qui bien souvent s’opposent aux actions viriles, guerrières et d’opposition telles qu’elles s’observent, par exemple, dans le maintien d’ordre.

Des polices d’État en Recherche action & innovation

L’exemple fribourgeois

Développer les compétences de résolution civile à l’image de l’UGM (Unité de gestion des menaces ) créée par l’Etat de Fribourg et sa Police cantonale, c’est reporter l’opposition au dernier recours et privilégier l’anticipation et la détection. C’est faire preuve de politia*.

 

* Étymologie du mot police :

Le mot français police provient du mot latin politia, romanisation du mot grec πολιτεία (politeia), qui signifie « régime politique, citoyenneté, administration, partie civile » et du mot πόλις (polis), qui signifie « cité ».

Bravo le CHUV ! À quand le tour des polices ?

Remarquable initiative du CHUV, qui fait tout juste.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Je suis impatient de voir naître pareille action du côté de certaines polices… C’est pas faute d’avoir proposé. Mais, chut ! Le culte du secret, les “circulez y’a rien à voir” prédominent encore dans quelques “hôtels” barricadés.

Le CHUV s’engage contre le sexisme !

Lundi 26 novembre passé (2018), le CHUV a lancé une campagne d’affichage et ouvert une ligne téléphonique d’écoute pour prévenir et traiter les harcèlements sexuels dont sont victimes des étudiantes en médecine.

Sur RTS info, l’interview complète du directeur des ressources humaines du CHUV, Monsieur Antonio Racciatti.

Question de Nadine Haltiner, Radio La 1ère : “Est-ce que le milieu médical est particulièrement sexiste ?”

Réponse de M. Racciatti, DRH du CHUV : “Moi, je ne sais pas ce qui se passe dans les autres secteurs, je ne sais pas si le milieu médical est plus sexiste que d’autres. Ce que je peux vous dire c’est que dans l’institution du CHUV ça existe… et puis qu’on a décidé d’y remédier. Ce qui nous distingue peut-être des autres secteurs, c’est que nous on en parle et ouvertement.”

Les ingrédients d’une entreprise responsable

1. Un collectif officieux, informel, que la direction générale du CHUV reconnaît.

Je pense à un autre collectif qui dénonce depuis cinq ans les malveillances et le sexisme qui arpentent les couloirs et les salles d’entraînement de l’Académie de Police de Savatan sans que rien de conséquent ne soit entrepris pour y remédier, contrairement à ce que prétendent les représentants politiques parmi lesquels on compte Madame Béatrice Métraux et Monsieur Pierre Maudet. Ces derniers ont pourtant été alertés et interpellés de nombreuses fois par une psychologue, des intervenants juridiques, des témoins, des syndicats et les médias.

2. Les paroles sont libérées se réjouit le CHUV. La direction du CHUV, à son tour, décide d’en parler ouvertement.

Il existe encore des polices, membres assermentées du service public que nous finançons, qui craignent l’autocritique.

3. Ce collectif est pris au sérieux, il est sincèrement remercié. On lui fait confiance. Le collectif est associé, à part entière, à la direction générale du CHUV dans l’élaboration de la campagne de prévention et lors des présentations publiques.

4. Une vraie remise en question est initiée, concrètement. Elle est largement communiquée à l’interne et à l’externe, et rendue visible, tangible.

5. Le DRH du CHUV annonce sa détermination de vouloir changer de culture.

Le contre-exemple du secteur policier

est le plus dommageable que je connaisse…

(Pourquoi ?)

… car il oppose le sens de la mission étatique la plus visible et la plus emblématique ainsi que son devoir de dénonciation à la passivité, au silence. Il en est de même face aux discriminations raciales. À ce propos, lire le blog du 6 novembre passé 2018.

Avez-vous déjà entendu un commandant de police ou un DRH police reconnaître que sa corporation n’avait pas tout fait juste ?

Pour des institutions de police constituées au service et à la protection des plus faibles, la comparaison avec le CHUV fait pâle figure. Les polices que je connais, pour partie, ne sont pas promptes à se remettre en question. Elles ne sont non plus encouragées par leurs politiques, dont certains ne montrent en rien l’exemple de la transparence…

Si ce manque de courage prévaut également dans la lutte contre les criminalités, à l’extérieur, nos policiers détiennent alors une des explications majeures de l’amertume qui affecte nombre d’entre eux.

20 ans déjà et encore

20 ans déjà !

Le temps d’un souffle, d’une génération et nous célébrons aujourd’hui la croissance d’un média de référence – Le Temps – initiateur et hébergeur de ce blog. Que mes vœux les plus fous accompagnent toute son équipe !

Nos polices dans 20 ans

Le temps de progression pour nos polices ; mieux servir et protéger ; accueillir les plaintes, établir les faits, écouter les témoins, rassembler les preuves, monter les enquêtes, maîtriser ses paroles et ses gestes.

20 ans pour grandir sa fierté, celle de femmes et d’hommes d’État, de Droit civil et de service public, assermenté-e-s, garant-e-s et détenteur-trice-s des valeurs fondamentales et constitutives* de notre démocratie.

20 ans encore…

Le temps pour nos polices de se restaurer et de compter autant de femmes que d’hommes, de toutes origines, dans leurs États-Majors.

   

20 ans pour que nos corporations de polices deviennent de véritables instituts de recherche et de résolution pluridisciplinaires.

20 ans pour surpasser la force physique par le discernement, l’adaptation et l’investigation.

20 ans pour se défaire du maintien de l’ordre.

20 ans pour créer des commissions indépendantes de vidage et de traitement des erreurs.

20 ans pour réduire les grades.

20 ans pour y croire ; ne pas céder aux peurs ni aux préjugés et encore moins aux discriminations.

20 ans pour défendre les plus faibles, les minorités et la diversité du commencement à aujourd’hui !

Préambule … sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres,

Olivier Guéniat. La liberté de penser !

La parole de l’homme épousait celle du policier assermenté.

Nulle compromission, nulle manipulation, nul besoin de déformer son rapport à la réalité. L’homme était – et est toujours – libre, dévoué et intègre. La parole et les écrits de l’homme épousaient la posture du chef de la Police judiciaire neuchâteloise. C’est rare.

Un policier de talent et d’audace s’en est allé

Depuis hier après-midi, nous devons poursuivre les réformes de nos polices sans lui. Dans le dernier message qu’il m’a adressé, il y a peu, il s’insurgeait, une fois de plus, contre la militarisation de son métier.

Un policier qui osait prendre position publiquement

En automne 2009, il signait la postface de notre premier ouvrage scientifique “Police, état de crise. Une réforme nécessaire”*.

Extraits :

“ … toutes ces valeurs (l’éthique et les Droits humains ndlr.) ne sont rien si elles ne sont pas portées par la hiérarchie qui, … doit … ne jamais tolérer ni taire les écarts…” “… vous avez raison d’insister…”

“La transparence et l’ouverture (des Corps de police ndlr.) doivent être érigées en véritable culture d’entreprise… y compris lorsqu’il s’agit de reconnaître et d’analyser ses erreurs…” “ Le chemin est encore long et les obstacles nombreux… Je vous remercie de nous rappeler l’urgence des réformes et de nous fournir des outils modernes, convaincants et crédibles.”

Olivier Guéniat, Neuchâtel, le 1er septembre 2009

Facilitateur de démocratie active

Olivier Guéniat a considérablement développé les méthodologies d’enquêtes criminelles. À l’université et sur les terrains pratiques, il formait ses pairs en continu. Ce, malgré ses nombreuses sollicitations pour des conférences et des conseils. Je me souviens… à peine avait-il été nommé Commandant (ad intérim) de la Police cantonale jurassienne, qu’il m’invita, en compagnie d’Yves Patrick Delachaux, afin que nous présentions nos innovations à l’ensemble de son État-Major. Nous avions carte blanche et du temps. Du temps pour débattre et convaincre.

Un partenaire des médias et de l’information étayée

Il estimait le travail des journalistes et leur rôle essentiel, vital pour la démocratie. À toute occasion, il tissait de nouveaux liens et s’aventurait à la découverte d’autres appartenances culturelles. Curieux, humaniste, il a toujours questionné notre politique de prévention et de lutte contre les drogues, telles qu’elles sont appliquées aujourd’hui. Il n’hésitait pas à contredire un ou une Conseillère d’État ou tout autre élu qui semblait se soumettre aveuglément aux statistiques et aux pressions électorales. “… se remettre en question, toujours…” nous répétait-il souvent. Il ne craignait pas les critiques, ni les publics jeunes et contestataires.

Ainsi, Olivier, tu as prêté vie au développement d’une police plus ouverte, plus forte. Je te jure que ni les fanfarons, ni les “va-t-en-guerre”, ni les prestidigitateurs, ni les égocentriques n’emporteront le métier de policier, la fonction publique de Polisse et notre aspiration profonde.

Olivier, je ne sais pas pourquoi tu es parti. Mais, je sais qu’interroger le monde, comme tu l’as fait, avec acuité, nous coûte la vie.

* Le Président du Conseil d’État genevois, David Hiler, signait, quant à lui, la préface du même ouvrage.