En France : le maintien de l’ordre, une lente agonie policière.

Le mardi 28 mars passé, notre voisin de pays assistait ou participait (subsidiairement) à la dixième journée de grève nationale contre la réforme des retraites. Un sentiment d’impuissance, de magnitude nationale, prédominait alors.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte – 127ème post)

La gestion des foules : un véritable défi sociétal

La gestion des foules représente l’un des plus grands défis des polices européennes du 21ème siècle, aux côtés des spectres contemporains que sont le réchauffement climatique, les pandémies, la guerre, les flux migratoires et l’intelligence artificielle.

En France, la liberté de manifestation est enrayée par l’incapacité de sa police nationale à prévenir les dégénérescences. Ses seules démonstrations se résument à la réaction et à la confrontation, signes de faiblesse.

Les voyous ne méritent pas qu’on leur ressemble

L’ambivalence atteint son paroxysme lorsque des membres des forces de l’ordre se comportent à leur tour comme les voyous auxquels ils font face. Le tableau sociétal se trouble, les références existentielles de l’État de Droit vacillent, nos valeurs universelles sont bafouées par ceux-là même qui les représentent, les détiennent et sont censés les garantir.

C’est alors qu’un puissant dilemme apparaît. Les pesées d’intérêt s’annihilent.

Que des voyous puissent se comporter ainsi est évidemment intolérable et les forces de l’ordre doivent les référer en justice. Que des policiers puissent se comporter en voyous pose d’autres questions, beaucoup plus fondamentales :

Quelle police avons-nous construite, financée, cadrée et formée ?

Qui déférera les auteurs de délits et de crimes, parmi les policiers, à l’autorité judiciaire ? Et par quel instrument indépendant et distancié ?

Le destin d’une République

Tout le monde l’aura compris. Le destin de l’État République n’appartient pas aux casseurs ni aux infiltrés violents, mais bel et bien à ses représentants d’ordre… pour autant que ces derniers soient dotés de toutes les capacités à l’honorer (honorer le destin évolutif d’une Nation), dans la proportionnalité de leurs actes, dans le respect de l’intégrité physique, psychique et morale des individus, dans la règle absolue du vouvoiement* et le respect intégral de la liberté d’exercer des médias.

Les expertises sont flagrantes. Abandonner les terrains de guérilla et en substance, mettre à l’abri les personnes les plus vulnérables, afin de garantir coûte que coûte le droit de manifestation, déclaré ou non (pour autant que le rassemblement ne soit pas interdit), reste l’étalon de mesure de toute police d’État de Droit qui se mérite.

Lire mes opinions parues le 7 juin 2022 – Repenser le maintien de l’ordre, une urgence française, dans le quotidien Le Temps.

et le 29 mars 2023  – En France, le discrédit d’une République, dans le quotidien Le Temps.

Vu de Suisse – violences policières – reproduit dans le Courrier International du 03 avril 2023.

 

*Les policiers ont-ils le droit de tutoyer les civils ? “C’est le vouvoiement” qui prime, tranche Agnès Thibault-Lecuivre, cheffe de l’IGPN (Inspection Général des Services de Police Nationale), le 27 mars 2023.

 

 

La limitation de nos droits

Chers lecteurs de mon blog,

vous êtes nombreux à me solliciter depuis le début septembre 2021. M’invitant à m’exprimer sur le tragique événement meurtrier survenu en gare de Morges mais aussi sur la gestion policière des restrictions relatives à la pandémie Covid 19.

(117ème post)

Vous aurez constaté ma distanciation, relative aux exigences que je m’impose. Je ne me prononce pas sur un sujet présentant un quelconque conflit d’intérêt avec mes activités professionnelles. C’est le cas, s’agissant de la Police Région Morges en faveur de laquelle j’ai beaucoup œuvré.

Et en ce qui concerne la crise Covid, pour l’appeler ainsi, les premières corrélations influençant le travail de nos polices se laissent décoder progressivement. Avec le recul de plusieurs mois, elles me permettront de commenter l’un ou l’autre phénomène d’obédience prévisionniste. Pour cette édition, je vous propose de jeter un oeil sur le passé, dans le rétroviseur.

Quant au post suivant, le 118ème, je me pencherai sur l’immersion au long cours (une année durant) d’un journaliste du quotidien La Croix dans la vie d’un Commissariat de police français.

Le 119ème post clôturera la trilogie sur l’urgence climatique :

Urgence climatique et police

La limitation temporaire de nos droits individuels est inhérente à la préservation de notre démocratie collective.

La gestion de cette forme d’ambivalence démocratique implique d’inlassables négociations et régulations. De tels débats font souvent défaut au sein des institutions chargées précisément de « policer » le périlleux équilibre de la limitation du droit des uns au profit de la préservation du droit des autres.

Exemple concret et pratique de police dans le domaine de la circulation routière : des agents retiennent un automobiliste irrespectueux des règles en limitant, de fait, son droit à la liberté de mouvement. Il a mal garé son véhicule. L’objet obstrue une sortie de route très fréquentée. L’action des agents n’a pas pour objectif de s’acharner sur le conducteur fautif. Au contraire, leur but est de libérer la fluidité et le mouvement de circulation en faveur de tous les autres automobilistes entravés qu’ils sont dans leurs mouvements par celui qui ne respecte pas les mesures prescrites en collectivité.

L’approche est la même avec les questions environnementales…

Urgence climatique et police, suite.

 

… ainsi qu’en matière de gestion de santé publique.

C’est ce que nous laisse entrevoir l’historien Séveric Yersin dans l’interview qui l’a accordée au quotidien Le Temps ce 22 janvier passé (2022).

« En Europe, à la fin du XVIIIe, se met en place dans différents pays une «police médicale» : il s’agit d’administrer la santé des gens. »*

Détenir, à la portée de nos réflexions, l’épaisseur de faits historiques est salutaire pour mieux comprendre les phénomènes sociologiques qui nous environnent et sans nul doute, pour mieux les appréhender.

À quand l’engagement d’historiens en police ?

Serais-je tenté de revendiquer, tant il est utile de nous pencher sur les expériences passées pour saisir tous les enjeux de notre époque.

En résumé, l’apparition de problématiques déroutantes, nouvelles ou répétitives mais oubliées dans les tréfonds de notre humanité, initient de nouvelles polices. Ces dernières forgent progressivement leurs légitimités – après, évidemment, l’instauration des bases légales – dans la protection du lien mutuel ; à l’image du contrat d’assurance que chacun d’entre nous signe en vue de sa protection. Le grand nombre, sain d’esprit et de corps, se cotise pour garantir le secours – d’urgence – en faveur de celle ou de celui qui trébuche par l’accident ou la maladie ou qui subit un cambriolage ou encore qui est victime d’une grêle saccageant ses cultures agricoles, etc. Il alors question de Police d’assurance.

Police d’assurance : une mutuelle de santé et de sécurité.

Intrinsèquement la police est ce lien, cette garantie de soutien à la cohabitation, en faveur du plus vulnérable d’entre nous, quoi qu’il en coûte et dans les limites du respect fondamental de l’intégrité physique, psychique et morale de tout un chacun. Ce contrat social que l’on peut appeler “contrat de mutualité”, issu de la nature originelle d’une police, prend vie dès lors que la communauté publique s’entend à vouloir résoudre les difficultés du vivre ensemble.

 

*réponse complète extraite de l’article du 22 janvier 2022 :

Question de la journaliste Célia Héron dans le quotidien Le Temps :

« – Concrètement, par quelles mesures cette idée se traduit-elle sur la population ? »

Réponse de l’historien Séveric Yersin :

” – En Europe, à la fin du XVIIIe, se met en place dans différents pays une «police médicale» : il s’agit d’administrer la santé des gens. La santé des populations devient une tâche de l’État moderne, appréhendée par son administration en collaboration avec les cercles médicaux notamment. C’est à ce moment-là que l’État gagne le pouvoir d’intervenir profondément dans la vie de ses sujets : par la vaccination contre la variole, découverte par l’Anglais Edward Jenner en 1796, qui devient obligatoire pour les enfants dans plusieurs cantons, comme en Thurgovie dès 1818 ; mais aussi par le contrôle de la circulation des biens et des personnes, avec l’imposition de quarantaines et de cordons sanitaires, en particulier lors des épidémies de choléra qui arrivent en Europe dès les années 1830. Puis dès 1870, les canalisations urbaines, la qualité des aliments, la salubrité des logements sont dans le viseur des réformateurs sociaux. Sans surprise, ces derniers rencontrent souvent la résistance des élites locales, qui préfèrent que l’État ne s’immisce pas dans leurs affaires.”

 

Dans la tête d’un… flic

… que se passe t-il dans la tête d’une policière confrontée à la face sombre de notre société ?

(2 minutes de lecture – Le féminin comprend le masculin)

Selon les témoignages ainsi que les avis d’expertes recueillis au sein de – l’excellente ndlr. – émission “Dans la tête d’un… ” diffusée, sans poisson, le 1er avril 2020 sur RTS 1 : des hauts et des bas…

Policière : c’est encourir le risque de se noyer dans son propre destin professionnel

L’écart est vertigineux entre la représentation fantasmée de certains spots de recrutement et la réalité quotidienne au sortir de la formation initiale de policière. Les convictions vacillent.

Les formations initiales et continues ne préparent pas suffisamment la future policière, de même que l’expérimentée après 4, 5 ou 6 années, à la gestion de ses émotions, à la régulation de ses états d’âmes, à l’hostilité de certains publics révoltés ou en détresse. Engoncée au sein d’une organisation généralement ultra-formelle et stricte, ultra-hiérarchisée et superposée de couches de services stériles et interminables, la policière encourt le risque de se noyer dans son propre destin professionnel.

Remèdes

Pour y remédier, j’entrevois trois pistes :

1. En formation : renforcer ou introduire les thématiques et les méthodologies propres à la relation d’aide, à l’observation géopolitique, à la remise en question, à l’innovation et à la collaboration pluridisciplinaire. En clair, doubler le temps de formation initiale, de 2 à 4 ans ; à l’image des travailleuses sociales, des ambulancières, des soignantes, etc.

2. Renforcer l’autonomie des agentes, cultiver l’erreur comme outil de gestion et de perfectionnement et encourager les initiatives originales. En bref, s’engager en recherche action & développement et offrir des espaces de vidage et de réhabilitation.

3. Prévoir qu’après 5 ou 6 ans d’exercice, la policière puisse être invitée à séjourner temporairement dans un autre service de l’État communal, cantonal ou fédéral ; pour changer d’air et se ressourcer. Exemples d’employabilité : les services hospitaliers, l’accueil et l’accompagnement des migrants et des requérants d’asile, les secours d’urgence pré-hospitaliers (ambulances), le travail social hors murs, l’instruction publique (prévention et instruction routière), les offices de tourisme, la protection de l’environnement, l’accueil de nouveaux habitants, etc.

Mieux comprendre son environnement sociétal permet de durer dans son job, de nuancer ses préjugés et d’élargir son horizon pour mieux respirer. Au contraire, l’isolement corporatif pervertit le pouvoir que détient la policière dans l’exagération et l’abus. Cet enfermement favorise des comportements sectaires et de compromission malsains et dangereux pour notre démocratie.

Que respire, respire la profession de policière !

Visionner “Dans la tête d’un…flic” sur RTS 1 ici

Visionner “Dans la tête d’un…flic” sur mon site fredericmaillard.com ici

Les violences contre les policiers.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

En complément de l’interview accordée au Migros Magazine, rubrique L’expert, du lundi 6 août 2018.

Y a-t-il un profil d’agresseurs de policiers ?

Non, pas à ma connaissance. Dans les témoignages que je réceptionne lors de mes analyses de pratique, me sont cités aussi bien le conducteur d’un certain âge, apparemment aisé, au volant d’une voiture de sport, soudain contrarié lors d’un contrôle routier ordinaire… que des auteurs présumés de violences conjugales. C’est pourquoi chaque témoignage doit être contextualisé.

J’encourage les policiers à dénoncer systématiquement toutes les agressions qu’ils subissent. Ainsi, auditions et enquête permettront d’établir les causes.

Le sentiment de peur est-il en hausse chez les policiers ?

Le policier négocie souvent avec la peur. Pas plus hier qu’aujourd’hui. La peur et à contrario le courage sont pour moi les pièces de voûte des matières à traiter en profondeur lors des formations de police. Je “bataille” avec certains policiers qui brandissent leurs gabarits musclés mais qui n’osent pas dénoncer l’infraction qui se produit dans leur corporation et sous leurs yeux ou qui se taisent devant les discriminations sexistes que subissent leurs collègues féminines parce que les auteurs sont des pairs, des “frères d’armes”. Ils craignent l’exclusion du groupe professionnel. Alors que tout au contraire, lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables, sans autorisation de séjour par exemple, ils débordent d’ardeur. On a le devoir, face à de telles ambivalences, de repenser la fonction de police civile en situation de paix.

Toute police qui renie ses failles et ses erreurs se mutile et s’enferme dans un cercle infernal alimenté par trois illusions : la surpuissance, l’intouchabilité et la redevabilité.

Quelles résolutions ?

La première : améliorer et augmenter le contenu et la durée de la formation initiale du policier généraliste.

Toujours en lien avec la question précédente, nous devons renforcer les cours ayant trait aux valeurs constitutives de notre État de Droit, les cours de sociologie des foules, de prévention et de proximité. Cela nécessite de tripler la durée de formation de base (actuellement neuf mois ou 1’800 leçons/périodes d’environ 45 minutres pour la formation initiale de policier généraliste en Suisse ndlr.) et de l’agencer dans des centres de compétences pluridisciplinaires à l’exemple des Hautes écoles spécialisées. Ainsi, la durée de formation initiale pour un policier accéderait à celles des professions du social ou de la santé.

Une formation plus large, documentée, impliquant davantage de ressources et de compétences extérieures et pluridisciplinaires offre une couverture de protection plus importante au policier victime d’agression. Ce dernier peut alors recourir à des références et des soutiens distanciés, bien plus variés que ceux qu’ils trouvent conventionnellement dans son corps et sa chaîne de commandement.

La deuxième : élargir les conditions d’admission dans les corporations.

Et non plus privilégier, comme c’est toujours le cas actuellement, les conditions physiques. Susciter des talents policiers implique de se pencher sur des candidats qui sont capables d’objecter, de critiquer et de proposer des innovations permanentes. Je rencontre encore trop de policiers de terrain qui subissent, se taisent et souffrent dans leur personne. Ils craignent d’incommoder leur carrière et de se faire mal voir par leur hiérarchie, écrasés qu’ils sont par les ordres de service et la crainte d’être disqualifiés. On en revient à la fameuse redevabilité, évoquée plus haut, qui survient comme une désillusion après avoir cru durant les premières années d’exercice aux sentiments de surpuissance et d’intouchabilité.

Témoignages de policiers dans le dernier Migros Magazine du 6 août 2018

Blog du 4 décembre 2017 traitant des violences à l’encontre les policiers

“… expert autoproclamé, à la recherche de mandats…”

«…expert autoproclamé, à la recherche de mandats… »

dixit Pierre Maudet sur RTS La 1ère le 20 février 2017 en réponse à mon intervention sur RTS La 1ère du 16 février 2017.

Chers lecteurs,

après 41 blogs traitant du métier de policier – que j’aime par dessus tout, est-ce nécessaire de le préciser ? –  et de géopolitique, vous ne m’en voudrez pas de parler de moi sur une telle longueur. Il s’agit sans doute du prix et de la valeur de mon expertise… comme celui de la liberté d’expression.

Monsieur Maudet défend ses intérêts politiques. Je le comprends.

Je défends le respect de la dignité humaine pour tous et par tous. Ai-je tort ?

 

Commentaire personnel 

Une fois n’est pas coutume.

Par respect des faits, des dates et des chiffres, je décline, ici, une fraction de ma trajectoire professionnelle en Suisse romande. Plusieurs mandats au profit de polices cantonales et municipales romandes ne sont pas divulgués car ils ont été contractés sous ordre de confidentialité totale. Je me tiens également à disposition pour traduire mes autres prestations alémaniques et européennes.

Contexte historique des années 2003 et 2004

Le Brevet fédéral du policier suisse opté par le Conseil fédéral doit être opérationnel pour 2004. Le Module Droits humains et éthique appliquée est l’un des quatre modules qui charpente le Brevet. Une forte pression se fait sentir dans les Corps de police.

On reconnaît mes compétences en matière de Droits humains.

Je poursuis une formation continue en Sciences de gestion à l’Université de Genève. On me sollicite.

D’emblée, j’implique les agents de terrain. Jusque-là, ils étaient peu considérés.

Je découvre un grand malaise – également observé et signalé dans le rapport de l’auditeur en chef de l’Institut Suisse de Police, voir ci-après, en date du 12 mai 2009.

J’insiste et donne la parole « au terrain », étant convaincu ainsi de pouvoir prévenir d’éventuels débordements, ou pire des exactions, résultants des insatisfactions chroniques constatées.

Mes cours sont unanimement appréciés par les participants. Je dispose de toutes leurs évaluations personnelles écrites (1.).

La parole se délie.

On essaie de me faire taire, de me mettre à l’écart, sans succès, grâce, entre autres, aux soutiens des Conseillers d’État David Hiler et Isabel Rochat.

Actualité

Il a fallu attendre treize années et l’audition de 4’500 policiers romands… pour qu’à des fins politiques Monsieur Pierre Maudet renie mon expertise ce 20 février 2017 sur les ondes de la radio romande. Ce dernier a pourtant sollicité mes conseils et m’a mandaté en mars 2009 pour la supervision de la refonte de la Police municipale genevoise dont il avait la responsabilité.

 

Les faits par ordre chronologique

1993 à 1996, Berne. Frédéric Maillard est président de la Commission nationale suisse de prévention et de vigilance des violences policières (sous l’égide de l’ONG ACAT-Suisse) réunissant une quinzaine de responsables policiers, militaires et politiques suisses. Cette commission de travail inaugure l’Observatoire des pratiques des polices en Suisse et forge les toutes premières propositions et résolutions en faveur d’un futur Brevet fédéral de policier.

2003. Sollicitation de Frédéric Maillard (FM) par la Police cantonale genevoise (Polcantge). A cette occasion, on lui précise : « Nous savons que vous aimez la police et avez comme nul autre compris son rôle vital, n’hésitez pas à être critique avec nous, nous en avons besoin. »

17 décembre 2004. Engagement formel de FM par la Commission de pilotage (composée de cinq cadres policiers représentant la Gendarmerie, la Police Judiciaire et la Police de Sécurité Internationale de la République et canton de Genève). Commission chargée de la préparation et de l’introduction du Brevet fédéral au sein de la Polcantge.

Janvier 2005 jusqu’à fin juin 2013. Conception, administration, ingénierie et animation principale du cours Formation de base (FOBA) en Droits humains (DH) et des cours Formations continues (FOCO) en Analyse de pratique professionnelle et Modèles de gestion d’affaires et de résolution des problèmes par l’éthique et la déontologie.

Janvier 2005 jusqu’à fin juin 2013. FM élabore et rédige la totalité des examens tests et officiels finaux et éliminatoires en DH du Brevet fédéral pour le compte de la Polcantge, sous l’égide de l’Institut Suisse de Police (ISP).

Volées 2009, 2010 et 2011. FM est chargé d’organiser les remédiations de l’examen final et éliminatoire en DH du Brevet fédéral pour le compte de l’Académie de Police de Savatan. A ces occasions, il reçoit des témoignages accablants.

Courant 2009. FM reçoit l’aide volontaire de 34 policières et policiers (y c. des officiers et des spécialistes du Groupe d’intervention) cantonaux genevois qu’il réunit et sollicite régulièrement en cours comme témoins et experts. FM met en place des relais multiplicateurs Droits humains et des conseils de terrain dans les postes et les Brigades. Malgré ses quatre rapports écrits et ses sollicitations, FM ne reçoit aucun signe, aucune approbation, aucune réponse de la direction. Les agent-e-s se portent volontaires mais ne reçoivent jamais aucun soutien. Ils s’en plaignent régulièrement. Dégoutés et continuellement désavoués – dans le cas présent, par un silence pesant – , ils n’ont pas de mots assez durs contre leur direction. FM a beaucoup de peine à canaliser leurs colères.

Mars 2009. Inscription, conception et dispense des cours FOCO dans le processus d’acquisition et de reconnaissance du Diplôme supérieur de policier, maîtrise fédérale ou Brevet fédéral II, sous la houlette de FM.

31 mars 2009. M. Pierre Maudet, Conseiller administratif de la Ville de Genève, confie le mandat de supervision du groupe de travail chargé de la mise en œuvre de la nouvelle organisation de la Police Municipale genevoise à FM et Yves Patrick Delachaux (YPD).

Courant 2009. Introduction du Diplôme supérieur de policier et de ses deux modules introductifs traitant du comportement policier par les analyses de pratiques professionnelles (après 6 ans de service) et de résolution des problèmes (après 12 ans de service) sous la responsabilité de FM.

12 mai 2009. Accréditation de FM par l’Institut Suisse de Police (ISP). Audition, inspection in vivo, validation et accréditation des cours de FM par le directeur des examens fédéraux et l’auditeur en chef, le Dr. M. Kurt Hügi (2.), vice-directeur de l’Institut Suisse de Police. Validation et accréditation obtenue et fournie sans conditions. M. Hügi précise par écrit dans son rapport (3.) : « M. Maillard est un excellent formateur… Excellents modèles présentés par l’instructeur (Frédéric Maillard ndlr.). L’auditeur a été impressionné par la qualité et l’engagement de l’instructeur. M. Frédéric Maillard est un spécialiste des matières traitées et connaît très bien la Police genevoise, élément qu’il convient de relever pour un instructeur externe. »

Remarque écrite de l’auditeur en chef dans le même rapport : « Le sentiment de malaise général dans la police, rapporté par les participants, a eu tendance à bloquer le processus d’apprentissage. »

15 et 16 décembre 2009. A Couvet/NE. Participation active et complète de FM au cours pour formateurs en Droits humains et éthique professionnelle de l’ISP.

Décembre 2009. Publication de l’ouvrage de FM (avec YPD) « Police, état de crise ? Une réforme nécessaire. » Préface du Conseiller d’État David Hiler, Président du Conseil dÉtat de la République et canton de Genève. Postface du Dr. M. Olivier Guéniat, docteur en sciences forensiques, criminologue et chef de la Police judiciaire du canton de Neuchâtel.

2009 – 2011. FM est consultant et formateur continu (avec YPD) des polices municipales de Vernier et de Veyrier (sises en République et canton de Genève).

1er mars 2010. Lettre de M. Pierre Maudet remerciant FM et YPD « …le rendu de votre rapport final met un terme à votre mandat et je vous réitère mes remerciements pour le travail fourni. »

17 mai 2011. Implication de FM en qualité d’expert-consultant extérieur autour du projet « Phénix » par Madame la Conseillère d’État Isabel Rochat en vue des nouvelles visions et stratégies de réorganisation de la Polcantge.

Courant 2011. Engagement de FM et YPD pour la formation de base obligatoire et éliminatoire en Droits humains et relations interculturelles de l’ensemble des Polices municipales genevoises.

16 mai 2012. FM réorganise la pédagogie des formations continues dispensées à la Police cantonale genevoise et instaure, à la demande de la cheffe Mme Monica Bonfanti, une nouvelle gestion des ressources éthiques et déontologiques.

19 juin 2013. FM reçoit une lettre de la cheffe Mme Monica Bonfanti et du DRH de la Polcantge signifiant le terme de son mandat. Extrait : « … nous souhaitons encore préciser que cette décision ne relève en rien de votre compétence en tant que chargé de formation, mais bien d’une divergence d’opinion sur l’exemplarité et le devoir de réserve. Nous ajoutons que le fait de ne pas avoir été informés de vos projets de communication et de vos publications… » (en référence à l’ouvrage daté de décembre 2009 cité plus haut et préfacé par le Président du Conseil d’État David Hiler, ndlr.)

Commentaire personnel 

Cette rupture de collaboration intervient peu avant le terme du mandat politique d’élu de M. David Hiler, Conseiller d’État jusqu’au 10 décembre 2013. « Jusque-là j’étais protégé par sa présence et subsidiairement par celle de Madame Isabel Rochat. A l’approche de la fin du mandat exécutif de M. Hiler, j’ai été surveillé par deux policiers lors d’une conférence publique à Genève et auditionné le 11 juin 2013 par le responsable ad intérim du Centre de Formation de la Police de Genève en des termes et des moyens dignes de la Stasi. »

28 juin 2013. FM écrit à M. le Conseiller d’État Pierre Maudet (successeur d’Isabel Rochat) pour faire rapport de fin de mandat. Ce dernier le reçoit dans son bureau quelques jours plus tard. L’entente est franche et cordiale. M. Maudet désapprouve la rupture du mandat de FM. Au terme de l’entretien, il précise « N’est-ce pas que cette police est malade ? » Frédéric Maillard lui rétorque : « Non, elle est composée de gens extraordinaires, mais les flux de communication son bouchés. »

9 juillet 2013. FM répond en pli recommandé à la Cheffe et au DRH de Polcantge. En vertu de la Loi fédérale sur le principe de transparence au sein de l’Administration publique, FM demande les copies des documents le concernant. A ce jour, il n’a toujours pas reçu d’avis de réception à son courrier.

2 février 2015. Sur sollicitation, FM intervient, avec le partenariat du CICR (Comité International de la Croix-Rouge), auprès d’une dizaine de représentants officiers de la Garde nationale et de la Sûreté nationale de Tunisie au sein de Police de Lausanne.

6 juillet 2015. Le municipal M. Grégoire Junod sollicite, signe et confirme l’engagement de FM et YPD comme chargés de mission et consultants à Police de Lausanne. Mandat : examiner et rapporter la qualité de l’accueil du public dans les postes de quartier et à l’Hôtel de Police.

20 novembre 2015. Remise du Plan d’action pour une nouvelle gestion de l’accueil dans les postes et à l’Hôtel de Police de Police Lausanne.

2015 – 2016. FM (avec YPD) est formateur des correspondants et médiateurs de nuit de Police Nord Vaudois et du service de jeunesse et cohésion sociale d’Yverdon les Bains.

2017. FM accompagne aujourd’hui quatre corporations de police dans divers mandats en cours, dispense des cours en Haute école spécialisée et répond plusieurs fois par semaine aux médias et à diverses sollicitations de conseil en faveur d’Administrations publiques.

Commentaire personnel

J’ai bien assez de travail, je vous remercie. Mais, pour en avoir davantage, que je ne saurais supporter, je devrais me taire, non ?

Bilan quantitatif résumé

2004 à juin 2013. Frédéric Maillard a accompagné et dispensé le cours en Droits humains du Brevet fédéral de policier (FOBA – 16 à 24 heures selon les écoles) auprès de 26 écoles de polices cantonales et municipales et formé (FOCO – 8 à 16 heures) 1’500 policiers-ères confirmé-e-s, en Suisse romande. De plus, il a été chargé d’étudier la pratique professionnelle de 1’500 policières et policiers en trois configurations distinctes : municipales (milieu urbain), régionales et cantonales, aussi bien suisses alémaniques que romandes.

De fin 2003 à ce jour (20 février 2017 ndlr.) Frédéric Maillard a formé et analysé en continu la pratique de 2’000 policières et policiers au sein de quinze corporations suisses.

« J’ai passé la barre des 5’000 personnes avec la 3ème formation continue que j’ai dispensé à Police Région Morges le mardi 21 avril 2015. »

« Ce mercredi 1er mars 2017, je clôture la 12ème formation de base en faveur des policiers municipaux genevois, telle que je la dispense depuis 2008. »

Précisions

(1.) FM détient, pour chaque journée de formation, une évaluation écrite et rédigée par chacune et chacun des participant-e-s. L’identité des auteurs participants et les contenus à caractère policier sont garantis par la confidentialité.

(2.) M. Kurt Hügi est aujourd’hui directeur du centre de formation des polices zurichoises, deuxième centre de formation de police par importance de Suisse.

(3.) Pour chaque pièce évoquée dans ce texte, FM dispose d’un justificatif écrit et signé par le mandant ou le partenaire.

Fin, Frédéric Maillard, le 20 février 2017 à Berne et Lausanne

 

Le paradoxe discrétionnaire ou comment bannir le contrôle “au faciès”

Pas une semaine ne s’écoule sans qu’un agent de sanction ou d’ordre (policier, inspecteur du travail, garde-frontière, garde-faune, surveillant de détention, etc… ) ne m’interroge sur l’étendue de son moyen discrétionnaire.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Autour de l’usage de ce moyen s’évaporent moultes interprétations. Il existe bel et bien une base juridique qui détermine le moyen – appelé aussi pouvoir – discrétionnaire. Les écoles de magistrature traitent de son étendue et de ses conséquences. Et les écoles de police ? Trop peu. C’est sans doute la raison pour laquelle la plus haute juridiction administrative de France (la Cour de cassation) a condamné l’État français pour avoir violé le respect de l’égalité de traitement lors de plusieurs contrôles “au faciès” effectués par ses policiers.

Définition du moyen discrétionnaire

Le moyen discrétionnaire permet à l’agent étatique assermenté d’ordre et de sanction de choisir la personne qu’il juge utile de contrôler ou l’orientation qu’il donne à son enquête. Il peut ainsi sélectionner son travail, fixer des priorités, privilégier son intuition professionnelle et confirmer ou non les soupçons, les signalements et les indices en sa possession. C’est le propre d’une mise à l’écart d’un danger ou d’une détérioration.

Rappelons que le policier municipal, cantonal ou fédéral – tout comme l’agent de détention malgré ses prérogatives réduites – bénéficie de deux pouvoirs exclusifs et exceptionnels nécessaires à l’accomplissement de son action professionnelle représentative de l’État, exposée et uniformée : le pouvoir de coercition et le moyen discrétionnaire. La coercition est maîtrisée par la proportionnalité et le discrétionnaire par la non discrimination négative. Ces deux maîtrises sont le b.a.-ba du job d’agent policier ou des parentés et constituent l’essentiel de son programme de formation.

Détails complémentaires

Ces deux attributs – ou ces privilèges – n’appartiennent qu’aux agents détenteurs de pouvoirs et assermentés par une entité (municipale, cantonale ou fédérale) d’État. Un employé administratif de l’État qui n’est pas concerné par l’assermentation ni ne dispose des pouvoirs d’intervention cités plus haut ne peut pas sélectionner l’orientation de ses prestations ni les destinataires de celles-ci. L’agent policier ou de détention, quant à lui, peut choisir d’interpeller une personne en particulier ou de fouiller telle cellule dès lors qu’il ne discrimine pas négativement le destinataire comparé aux autres. Mais, encore une fois, il ne peut pas discriminer négativement sur la base du genre, de l’origine culturelle, l’appartenance religieuse, etc. Le cas échéant, une telle dérive s’assimilerait à de la discrimination négative. Alors qu’une arrestation provisoire ou la recherche d’un individu répondant à des signalements précis correspond à de la détermination professionnelle ou à de la discrimination dite positive ou constructive.

Précisons encore que le moyen discrétionnaire se confond parfois au principe d’opportunité. Ce dernier n’étant reconnu et développé que par certaines doctrines et lois cantonales. Le principe d’opportunité concerne les polices et s’applique essentiellement lors de manifestations publiques.

Notre Constitution fédérale donne un cadre avec son article 5. Les lois, quant à elles, régissent les compétences des polices, de cas en cas, selon les cantons, les communes ou les ententes intercommunales (à l’exemple vaudois et ses neuf polices communales et régionales).

Le contrôle au “faciès” viole le respect à notre Constitution et est inefficace

On l’a vu, quand le policier ou l’agent de détention use de coercition, il se doit de maîtriser une juste proportionnalité de la force ou de la contrainte afin de préserver l’intérêt du public, sa propre sécurité et l’intégrité de la personne interceptée. Quant le même agent d’ordre étatique use de discrétion(-naire) pour s’engager dans une poursuite automobile ou toute autre investigation et enfin interpeller un individu plutôt qu’un autre, dans le but de prévenir un incident imminent, il se doit de maîtriser toute tentation ou toute facilité pouvant le conduire à de la discrimination négative vulgairement appelée contrôle “au faciès”.

Deux exemples :

La Police de Los Angeles exclut de ses pratiques tout contrôle de personne sur la base du statut ou des apparences. La Police Région Morges prend soin de former et d’analyser les pratiques de son personnel d’intervention sur ces questions et en continu.

Pour l’agent policier ou de détention, user de discrétionnaire sans discriminer c’est gagner en efficacité,

pour trois raisons :

  1. Il obéit à de vrais indices et à des signalements objectifs. Il évite ainsi que des préjugés personnels le commandent, selon l’adage qu’un corps fort obéit et qu’un corps faible est commandé. Les critères objectifs qui priment sur toute apparence offrent de bonnes garanties à la procédure judiciaire. Ce ne serait pas la première fois qu’une piste criminelle échappe à la police à cause des préjugés récurrents et infondés de certains agents.
  2. Il contient son champ d’action professionnelle. Combien de policiers s’épuisent et s’élancent dans toutes les directions lorsqu’ils cèdent à leur arbitraire personnel.
  3. Il est alors autorisé à quittancer (ou à clore) son travail. Si l’agent de sanction ne parvient pas à faire les bons choix dans sa large palette de “discrétion”, il peut “mourir” ou étouffer dans l’exercice même de sa fonction, ne parvenant pas à prendre suffisamment de recul.

 

 

Policier et journaliste : même combat ?

Le policier est à la sécurité publique ce que le journaliste est à l’information publique.

 

Dans le paysage médiatique suisse on trouve des acteurs de droit public et privé. La concurrence que se livrent les médias exige de ceux-ci une lutte acharnée pour survivre. Les trois cents polices suisses ne sont pas épargnées par quelques formes de concurrence, d’abord entre elles mais aussi face à certaines prestations des sociétés privées. Par contre, et heureusement pour nous, les polices ne sont pas astreintes à la rentabilité.

Depuis une génération les médias numériques sont à la portée de tout-un-chacun grâce à l’essor fulgurant des nouvelles technologies. N’importe qui peut relayer un fait divers, soumettre quelques traits d’investigation et le publier sur son blog personnel par exemple. C’est comme si la sécurité publique se passait progressivement du policier.

 

Pouvons-nous imaginer vivre, demain, la même mutation en matière sécuritaire que celle vécue, aujourd’hui, par les médias ?

 

Le journaliste fait face aux transformations du monde de l’information. Le journaliste se mue en médiateur et superviseur de forums, de blogs avec autant de chroniqueurs et contributeurs volontaires. Il offre à ses derniers une crédibilité et la notoriété de son journal.

A la police, le même phénomène s’opère, et, presque comme toujours, débute sur le continent américain. Là-bas, courir derrière le voleur n’est déjà plus l’exclusivité du flic. Dans une dizaine d’états, des chasseurs de prime s’en chargent. Chez nous aussi, nos polices ne pourront bientôt plus assumer toutes les tâches qui leurs sont dévolues.

Roger-H.goun
Roger H.Goun

Afin d’anticiper cette transformation sociétale et de ne point la subir, le policier devra, tout comme le journaliste le fait déjà, muter sa posture.

 

Le policier doit rester le seul rapporteur des preuves et des signalements auprès du pouvoir judiciaire. Tout le reste, il devra, tôt ou tard, s’en décharger ou le déléguer. Le policier est moins bon que le militaire dans la tactique de combat ; il est moins bon que l’informaticien dans les méandres d’internet. Le policier est potentiellement bon, excellent même, quand il doit poser un discernement ou une régie d’ordre sur les pièces à conviction, le constat des faits, l’enregistrement des témoignages et la détection des actes répréhensibles.

 

Le policier saura-t-il s’adapter à son temps comme le journaliste est en train de le faire ?

Ce sont les femmes qui humaniseront la police

Pour la première fois, les aspirantes policières de l’école régionale de Colombier (NE) sont plus nombreuses que leurs homologues hommes. Une tendance qui rassure ? J’ai sondé les représentants d’une dizaine de corporations. Il en ressort quelques peurs, dont celle de perdre le pouvoir – masculin –, et le constat d’un temps qui évolue.

A mon sens, cette tendance est un espoir. Comme le vœu – qu’on n’espère pas pieux – que la féminisation des polices puisse contribuer à mettre fin à une certaine suprématie des mâles. En tout cas de certains mâles, dominants, en certaines circonstances bien définies. Au-delà des questions de parité, toutes relatives, ou des capacités musculaires, tout aussi relatives au vu du développement des sciences bioniques, il y a clairement péril en la demeure pour les vieux de la vieille. Même s’ils seront bientôt une minorité.

Je le constate tous les jours, les profils féminins interrogent l’ancestrale discipline policière, bien plus que la discipline militaire suisse qui s’est vue réformée par la force du scrutin populaire et par les apports insolites de multiples compétences civiles, pluridisciplinaires et miliciennes. Car oui, il existe encore des institutions où les effets d’une féminisation policière sont redoutés. L’Académie de Savatan en est une. Elle a récemment fait parler d’elle en intégrant une grande partie de la formation de base des futurs policiers cantonaux genevois. Les dirigeants de cette école sont tous des hommes. Plusieurs ont été refoulés de leurs corporations respectives pour divers motifs. Vous aurez beaucoup de peine à déceler leurs cursus d’études. Ils n’apparaissent nulle part. Peuvent-ils revendiquer une formation initiale de policier ? Pas tous, tant il est vrai qu’elle n’est nullement nécessaire pour diriger une école de police. Alors, sont-ils titulaires d’une formation pédagogique ? Ce qui serait, vous en conviendrez, utile, pour former… d’autant qu’ils ne se contentent pas d’instruire mais prétendent éduquer des adultes, mères et pères de famille, candidats aux polices. Ni les uns, ni les autres ne sont diplômés en gestion institutionnelle ou en administration de biens publics. Il faut le dire franchement, ces lacunes sont très dommageables à terme. Formation juridique alors ? N’en jetez plus.

La gouvernance qui prévaut à la tête des polices doit retenir notre souffle de citoyennes et citoyens car elle conditionne celles et ceux qui, dans la partie latine de notre pays, nous serviront et nous protégeront demain. Les effets pour le moins compromettants de la situation actuelle se feront sentir plus vite qu’on ne le pense et les générations futures le paieront très cher.

Pourquoi ce détour à Savatan ? Imaginez un seul instant la venue de femmes au milieu de cet état-major d’hommes, rien qu’entre eux. Aucune chance.

Elles seront instantanément bluffées par la soldatesque, sur le champ d’une guerre imaginaire et des gloires… tant espérées. Les injonctions seront assassines. Quel grade Madame ? P’tite dame, avez-vous déjà menotté ? Les postulantes auront beau plaider leur tour du monde linguistique, leur doctorat en anthropologie, leur master en sciences criminelles, leur brevet d’avocate, leurs expériences dans les entreprises multinationales, elles seront toutes assignées à de la sous-traitance et à l’aumônerie. C’est-à-dire à tous les enseignements existentiels et fondateurs de notre démocratie – donc de nos polices – considérés par nombre de galonnés comme des jobs de «femmelette» et de «chochotte». Intimidés de la sorte, nos futures policières et futurs policiers hériteront d’un métier au socle vacillant, sans âme; d’un métier «qui s’exécute le cerveau dans les talons, un pas derrière l’autre», aligné, assujetti, inféodé. Le contre-exemple parfait à tous les profils plus que nécessaires à la lutte antiterroriste, aux investigations laborieuses et au courage de rompre la routine et d’investiguer par-delà les ordres. Sur ce plan, nos politiques sont, soit naïves, soit calculatrices. Elles ne sauraient ignorer les problèmes de casting et de gestion. Les notes de service, les rapports écrits et consignés, les témoignages, le nombre de départs plus ou moins volontaires, sont significatifs et de plus en plus nombreux… qu’ils devraient rompre les digues tôt ou tard.

La féminisation des polices est bien plus qu’une question de genre. Elle est la mise au tapis des mécanismes machistes et hiérarchisés à outrance.

En l’état, aucune femme ne peut franchir de postulation, de recrutement, d’admission professionnelle supérieure et, le cas échéant, serait épargnée par le couperet des qualifications – dont, par exemple, ladite académie tient le secret –, sur ses seuls faits d’armes. Aucune femme ne saurait diriger une école professionnelle, en Suisse, au seul motif de ses galons. Que la féminisation parvienne dans la police et la pratique évoluera; qu’elle entre en direction d’école de police et le mythe s’effondrera.

Bien entendu, nous ne pouvons pas généraliser. La femme «comme on ne fait plus d’hommes» existe aussi. Mais, en de telles circonstances, elle est et restera une exception. En effet, la femme doit faire preuve de toutes les ingéniosités du monde, celles-là même qui manquent aujourd’hui à plusieurs polices. Elle n’a pas le choix. Elle aiguise ses compétences sur les contours de la nature humaine et développe d’autres armes, par dizaines, mieux affûtées, plus fortes, audacieuses et perspicaces. Non pas qu’elle supplante le genre colosse d’avec celui de la prévention ou celui de la médiation mais, avec et par elle, la bête primitive est revisitée, critiquée, et en vient à s’autodéterminer. Le pouvoir imposé et menaçant devient autorité concertée, admise et reconnue. La femme en police n’est pas meilleure que l’homme mais elle oblige les récalcitrants à cultiver de vraies compétences de marché et non plus seulement quelques privilèges autarciques.

La féminisation des polices est bien plus qu’une question de genre. Elle est la mise au tapis des mécanismes machistes et hiérarchisés à outrance. Des mécanismes aliénants qui préjudicient gravement les capacités de nos polices. A quoi bon être un homme, un «vrai», sportif, discipliné, si je n’ose pas dénoncer l’indignité, si je n’ose pas m’opposer, par peur et par soumission, aux malfaisances qui rongent mon propre destin de vie professionnelle ?

C’est quoi un bon policier ?

L’évolution de nos sociétés provoque de fortes mutations sociales. Il existe encore des organisations de police qui les subissent. Chez elles, le statut policier se perd en conjectures. C’est quoi un policier ? A quoi reconnaît-on un policier ? Est-ce que le Brevet fédéral de policier fait d’un policier un bon policier ? Une habitante de Genève ou d’Yverdon peut se retrouver, par hasard, au coeur de l’action de trois, quatre, cinq, six polices différentes et parfois concurrentes. La police des transports est-elle une police comme les autres ? Les assistants de sécurité publique ou les gardes-frontière sont-ils policiers ?

Si nous nous penchons maintenant sur les fonctions policières, nous sommes davantage désorientés. Typiquement, le maintien de l’ordre est-il une tâche de sécurité publique ou de police ? Quelle est la différence ?

Les confusions naissent dès le recrutement puis s’échouent sur les plages des formations. En effet, plusieurs institutions de police conditionnent leurs aspirants dans le moule étroit d’une gymnastique guerrière. Durant mes analyses de pratique, j’ai répertorié quatre raisons, extraites des aveux policiers, qui conduisent à ce vice de forme. Les exigences d’engagements disciplinaires et physiques réduisent le policier à la confrontation militaire, alors qu’il n’a pas à s’y trouver. Cette sournoise sélection nous prive de nombreuses personnalités compétentes, qui manifestement ne peuvent pas répondre aux attentes des instructeurs recruteurs bodybuildés. Cette étroitesse managériale prétérite gravement les effectifs; insuffisants selon les déclarations de plusieurs syndicats et états-majors. Ce culte du corps bluffe la population, autant que le politique, sur les intentions et les réelles actions à mener. Dommage, parce que la police exerce un rôle bien plus important en amont et, si possible, avant que le crime ne vomisse ses effets visibles et désobligeants. De un. Je ne me lasse pas de le répéter. Je veux voir des policières et des policiers très bien entraînés. Mais qu’à leur entraînement optimal corresponde la meilleure formation tactique et technique possible. Cette catégorie de policiers ne représente qu’une fraction des 120 métiers que l’on trouve dans les polices suisses; métiers qui sont répartis dans plus de quatre-vingts corporations ou groupements thématiques et territoriaux. Réduire la police, et donc les facultés des jeunes filles et des jeunes gars que l’on recrute, à des gabarits physiques est une hérésie et une pure méprise; c’est ignorer les compétences et les réelles capacités de notre jeunesse; c’est aussi faire fi de notre fédéralisme.

Je souhaite des filles et des gars qui aient du courage, qui prennent des initiatives, qui sachent contredire s’il le faut, qui ne se laissent pas faire, qui nagent à contrecourant, qui en imposent, qui maîtrisent leurs verbalisations et leurs argumentaires, et encore qui ne craignent pas de passer des milliers d’heures derrière les écrans, devant les cartes géographiques, dans les laboratoires scientifiques, au coeur des réseaux sociaux, et qui puissent traquer tout ce qui peut nuire à la sécurité de nos enfants. Et, s’il le faut, après tout ça, les unités dites spéciales interviendront. J’ai vu les dégâts qu’entraîne le fait de retenir des patrouilleurs équipés de leurs lourdes ceintures de charges dans les bureaux: un lot de désolations, de frustrations, de démotivations, mais aussi des nuisances institutionnelles ainsi que des dépenses inutiles.

De deux. Le policier se situe à l’exact opposé du militaire. Le premier préserve la paix. Le deuxième fait la guerre. En Suisse, Dieu merci, le militaire milicien espère ne jamais la faire. Préparer le policier à l’affrontement avec des pratiques et des obligeances guerrières revient à sauter une étape – la nôtre et celles des anciens – qui depuis presque septante ans nous réjouit et nous invite à vivre en paix. Faire comme si on avait tout épuisé et, pire, échoué, pour faire peur, couver la menace et orienter nos jeunes dans le conflit dégénérescent est un aveu d’échec, un manque de confiance. Là encore, faut-il le rappeler, si la guerre devait, par la plus nocive des dégradations, éclater, nos policiers civils seraient assujettis aux militaires dans un rang auxiliaire. Le pouvoir judiciaire et ses tribunaux ainsi que les médias publics revêtiraient, eux aussi, l’organisation, la logistique et l’uniformisation militaires. Tous devraient abandonner leurs postures civiles. Mais, aujourd’hui le policier prête serment au pouvoir civil et non au pouvoir militaire. La manipulation qu’opèrent certains esprits commandeurs et nostalgiques est très dangereuse, décalée, inopérante et contre-productive. S’ils avaient raison, il ne nous resterait que peu de liberté pour penser nos échecs quant au maintien de la paix, quant à notre diplomatie, devenue soudainement infructueuse, et quant à nos manquements en prestations et formations d’adultes, tels que nous aurions pu les offrir à nos jeunes aspirants policiers.

De trois. Jusqu’à ce jour, pas un seul cadre de police, pas un, n’a pu et su me dire pourquoi une jeune fille douée d’intelligence investigatrice, tenace, polyglotte et diplômée en informatique, en transactions financières ou en sciences sociales, se déplaçant sur une chaise roulante, ne pourrait pas entrer dans la police ? L’embarras circule depuis des années, d’une main gantée à l’autre. «Oh, je sais…» J’ai tant de fois essuyé les mêmes excuses à propos du sexe faible dont on m’assurait l’impossibilité éternelle à rejoindre l’étalon police; ou de la taille, parce que pour combattre les grands il faut être grand; ou de la dictée; de l’âge limite avant et après; de la nationalité; du cousinage fiscal; du genre sexuel et j’en passe.

De quatre. La population semble être satisfaite lorsqu’un déploiement policier – souvent affublé d’un nom d’oiseau ridicule – est opéré dans son quartier ou à proximité de sa gare. La population peut y croire, mais pas le policier de terrain qui, lui, se sait manipulé. Enfermé des heures durant dans des fourgons aux vitres teintées, il perd progressivement le fil de ses ambitions comme de ses enquêtes au profit d’un acte de présence que des centaines d’autres agents de l’Etat pourraient accomplir, sans carte de police et sans avoir été rémunérés durant leurs formations. On en revient à la rareté et à la cherté des ressources humaines. Dans les polices inaptes au changement, ces deux armes sont savamment et quotidiennement aiguisées par ceux qui recrutent et se barricadent.

Zurich, Lucerne: les polices sont invitées à faire leur autocritique

L’interpellation de policiers zurichois, membres de la section «délits sexuels» et soupçonnés de corruption, est la part visible d’une gestion des ressources humaines au sein des corporations policières conventionnelles plus problématique qu’il n’y paraît. Ou, tout au contraire, s’agissant de la ville de Zurich, les prémices d’une nouvelle gouvernance qui soulève les problèmes afin de les résoudre. Bien que, dans les polices suisses, les affaires de corruption soient rares, chaque révélation nous oblige à l’incontournable exigence de remise en question.

Commençons par distinguer les deux organismes vivants qui composent toute police: celui, physique, de l’individu et celui, moral, de l’institution. L’individu de fonction policière n’est pas plus résistant qu’un autre. Je ne m’étonne pas qu’il puisse parfois trébucher. Nous ne pouvons pas attendre des policiers des miracles et encore moins qu’ils résolvent l’insécurité publique à eux seuls. Je m’inquiète davantage pour la personne morale, l’institution, et sa manière de gérer les défaillances internes.

Pourquoi? Parce que nombre de corporations policières fonctionnent en vase clos et perpétuent une déviance militaire qu’elles n’ont pas à revêtir, qu’elles ne savent pas porter ni supporter. Elles n’ont pas été créées pour se lancer dans la guerre, ni en vue de celle-ci, mais pour maintenir la paix. Les vices de forme se traduisent par des méthodes d’évaluation, des ordres de service et des formations qui prônent une discipline martiale, exposent une virilité dominante et soumettent les apprenants à des rapports de pouvoir qui réduisent la responsabilité, l’initiative et l’autonomie de la personne. L’armée suisse, ellemême, a abandonné nombre de ces pratiques depuis deux décennies.

Je constate tous les jours, sur le terrain, que l’essentiel, en fin de compte, réside dans notre Constitution démocratique et ses valeurs fondamentales. Celles-ci justifient et déterminent la police. Elles donnent du sens à l’exercice professionnel et autorisent le policier à résister aux exactions et aux irrégularités; du moins à les traiter ouvertement et avec l’aide de personnes extérieures, critiques et indépendantes. Conduire une enquête de police périlleuse, dangereuse et de longue haleine nécessite plus de conviction, de courage intérieur que de performance corporelle. Je ne parle même pas de l’âge qui avance, avec les premières difficultés de santé, lesquelles, naturellement, relativisent la condition physique.

C’est donc bien les valeurs qui fondent la police et soutiennent les entraînements techniques et tactiques. Non l’inverse.

Comment voulez-vous qu’un agent puisse se positionner face à des collègues à la dérive si les messages, parfois implicites, de l’organisation les employant sont basés sur des règles de domination et de confrontation?

Cette affaire zurichoise implique des individus. Alors, pourquoi la personne morale, l’institution, devrait-elle s’en inquiéter? C’est que la police représente et engage l’Etat et qu’elle dépose l’intérêt public sur les épaules de chacun de ses agents. On le voit à leur écusson ou blason, on l’entend à l’assermentation publique et on le constate à l’usage des pouvoirs de sanction et d’opportunité qui leur sont attribués. C’est toute la différence avec des employés de l’économie privée. C’est précisément dans cette juxtaposition – personne physique et organe moral d’Etat – que réside tout le danger du dysfonctionnement structurel.
Heureusement, des propositions voient le jour. A l’exemple du projet pilote initié par le gouvernement lucernois qui offre dorénavant aux collaborateurs – surtout aux collaboratrices – de la police cantonale un service de dénonciation des violences et des irrégularités internes. Ceci après qu’une enquête administrative indépendante eut reconnu le laxisme de la hiérarchie. Des médiateurs seront chargés, ensuite, de transmettre leurs recommandations à la direction du département. Hier, les personnes incriminées étaient éjectées vers le haut et prenaient du grade, ou, pire, étaient déplacées dans les centres de formation.

Le policier reçoit non seulement une force coercitive exceptionnelle (pouvoir de contrainte et de privation limitée de la liberté) mais aussi, et surtout, des moyens discrétionnaires. Ces derniers sont méconnus et négligés dans certaines écoles de police, notamment en Suisse romande. C’est pourtant ce pouvoir discrétionnaire qui forge l’excellence du policier et lui donne la garantie de pouvoir choisir l’orientation de ses actions – à discrétion – et l’invite à se remettre en question. Cette liberté d’enquête et d’initiative est le premier atout d’une police de droit. C’est aussi ce qui distingue une police civile d’une gendarmerie prévôtale ou exclusivement militaire.