Policier et journaliste : même combat ?

Le policier est à la sécurité publique ce que le journaliste est à l’information publique.

 

Dans le paysage médiatique suisse on trouve des acteurs de droit public et privé. La concurrence que se livrent les médias exige de ceux-ci une lutte acharnée pour survivre. Les trois cents polices suisses ne sont pas épargnées par quelques formes de concurrence, d’abord entre elles mais aussi face à certaines prestations des sociétés privées. Par contre, et heureusement pour nous, les polices ne sont pas astreintes à la rentabilité.

Depuis une génération les médias numériques sont à la portée de tout-un-chacun grâce à l’essor fulgurant des nouvelles technologies. N’importe qui peut relayer un fait divers, soumettre quelques traits d’investigation et le publier sur son blog personnel par exemple. C’est comme si la sécurité publique se passait progressivement du policier.

 

Pouvons-nous imaginer vivre, demain, la même mutation en matière sécuritaire que celle vécue, aujourd’hui, par les médias ?

 

Le journaliste fait face aux transformations du monde de l’information. Le journaliste se mue en médiateur et superviseur de forums, de blogs avec autant de chroniqueurs et contributeurs volontaires. Il offre à ses derniers une crédibilité et la notoriété de son journal.

A la police, le même phénomène s’opère, et, presque comme toujours, débute sur le continent américain. Là-bas, courir derrière le voleur n’est déjà plus l’exclusivité du flic. Dans une dizaine d’états, des chasseurs de prime s’en chargent. Chez nous aussi, nos polices ne pourront bientôt plus assumer toutes les tâches qui leurs sont dévolues.

Roger-H.goun
Roger H.Goun

Afin d’anticiper cette transformation sociétale et de ne point la subir, le policier devra, tout comme le journaliste le fait déjà, muter sa posture.

 

Le policier doit rester le seul rapporteur des preuves et des signalements auprès du pouvoir judiciaire. Tout le reste, il devra, tôt ou tard, s’en décharger ou le déléguer. Le policier est moins bon que le militaire dans la tactique de combat ; il est moins bon que l’informaticien dans les méandres d’internet. Le policier est potentiellement bon, excellent même, quand il doit poser un discernement ou une régie d’ordre sur les pièces à conviction, le constat des faits, l’enregistrement des témoignages et la détection des actes répréhensibles.

 

Le policier saura-t-il s’adapter à son temps comme le journaliste est en train de le faire ?

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com