Police violentée

Inaperçues, les conclusions du rapport du Conseil fédéral publiées le 1er décembre 2017, il y a seulement quelques jours, recouvertes qu’elles ont été par d’autres faits d’actualité et harcèlements sexuels.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Mieux protéger les employés de l’État contre les actes de violence,

tel est l’intitulé de ce rapport qui donne réponse au postulat 13.4011 de la Commission des Affaires Juridiques du Conseil National *.

Conclusions du rapport

Nous lisons dans ce rapport qu’à défaut d’un état des lieux national il est pour l’instant quasi impossible de répertorier de façon objective les actes et tentatives de violence à l’encontre des employés de l’État (policiers, gardes-frontière, travailleurs sociaux, personnel hospitalier ou scolaire). Les disparités statistiques d’un canton, d’une Commune, d’une institution et d’une autorité à l’autre sont trop importantes. Les seuls chiffres, non définitifs, en relation avec les condamnations de l’article 285 du Code Pénal montrent une oscillation depuis 2006 et une légère baisse, inexplicable, depuis 2012 et 2013… Néanmoins, le Conseil fédéral propose quelques pistes d’amélioration ; législative, organisationnelle, pédagogique et de politique sociale.

D’autre part, l’usage des armes à feu par les agents d’ordre dans le cadre de leur fonction à diminuer de moitié depuis 2010.

Réflexion

Les violences à l’encontre des employés d’État sont aussi significatives qu’inacceptables. S’il est vrai que les policiers, par exemple, sont la représentation instituée et uniformée du gouvernement exécutif, il n’en demeure pas moins que ce sont des femmes et des hommes, en chair, en os et en émotion, qui animent la fonction.

Des responsabilités distinctes

Il est entendu que dans l’exercice courant de sa pratique, le policier engage plus de responsabilité que le citoyen ou le résident. Il représente l’État et les moyens qui lui sont conférés sont bien plus importants que ceux dont bénéficient le citoyen.

A quoi reconnaît-on un policier ?

C’est la raison pour laquelle j’interroge toujours et d’abord l’acte assermenté du policier avant la liberté du citoyen.

Deux paradoxes

  1. Comment valoriser l’humain derrière la fonction, notamment policière, tout en préservant l’uniformisation et le matricule ?
  2. Comment valoriser la fonction sans déshumaniser le policier ? Alors que d’aucun voudrait voir cette fonction augmentée et davantage robotisée ?

Ces deux questions, comme autant de dilemmes, sont lourdes de conséquences. Car privilégier l’humain derrière le policier c’est risquer son intégrité comme le montre bien les conclusions du rapport fédéral cité plus haut.

En résumé, s’en prendre à l’État c’est toucher l’humanité du fonctionnaire. Par trop surprotéger l’humanité du fonctionnaire c’est prendre le risque de dénaturer l’objectivité et la moralité de l’État.

* En octobre 2010, le Conseil national a renvoyé à sa Commission des affaires juridiques la pétition 10.2016 ” Stop à la violence contre la police” déposée par la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP), afin qu’elle élabore une intervention parlementaire dans ce sens. Ladite commission a ainsi déposé en novembre 2013 le postulat 13.4011 “Mieux protéger pénalement les employés de l’État contre les actes de violence”, qui charge le Conseil fédéral d’évaluer dans le cadre d’un rapport la nécessité de prendre des mesures pour mieux protéger les employés de l’État contre les actes de violence.

Complément avec l’Avis d’expert « Violences : qui est responsable ? » publié par le quotidien Le Temps le 24 février 2012

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com