La pénibilité policière…

… trouve plusieurs de ses causes au sein de sa propre organisation.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Elles ne sont pas si nombreuses que ça les études scientifiques en Suisse romande qui se sont penchées sur les difficultés d’accomplir les métiers de la profession policière, contrairement à d’autres pays ou régions (France, Québec, etc.).

Ces dernières années, deux thèses de doctorat ont attiré mon attention. L’une et l’autre se font écho. La première du sociologue David Pichonnaz (voir mon blog du 6 juin 2017) a été produite en 2014 et publiée chez Antipodes en 2017, la deuxième, toute récente, de la psychologue Magdalena Burba a été rédigée, soutenue et validée en mai 2019.

(Référence lui a été faite le 20 juin 2019 dans mon blog intitulé Les effectifs policiers et leur relativité.)

Magdalena Burba

Psychologue et psychothérapeute FSP

(Photographie de Noura Gauper – 2018)

Problématique

Dans une société qui a vu les menaces et les violences contre les autorités et leurs fonctionnaires presque quadrupler depuis l’an 2000, l’état de stress des policiers est devenu un enjeu majeur. Mais, pour la chercheuse, ce sont surtout des facteurs liés au cadre de travail et à la personnalité qui influencent le risque de burnout. “J’ai constaté que les difficultés relationnelles et organisationnelles à l’interne sont perçues comme plus usantes et destructrices que les intimidations vécues sur le terrain. Certains policiers ne se sentent pas soutenus par leurs supérieurs, ni par les décisions politiques. Ils ont la sensation d’être impuissants ou de devoir toujours réagir au lieu d’anticiper”. explique-t-elle dans L’uniscope mai-juin 2019.

Résolution

Pour répondre à ces troubles, une des pistes proposée par la psychologue consiste à augmenter la marge de manœuvre des policiers. « Mais pour cela – affirme-t-elle – il faudrait repenser l’entièreté du système hiérarchique… ».

Quant à moi, j’ajouterais – l’ayant documenté dans mes analyses de pratiques – qu’il serait également nécessaire de renforcer la connaissance du moyen discrétionnaire du policier (voir définition dans mon blog du 14 septembre 2015), par trop méconnu des agents eux-mêmes. Ce moyen complète le pouvoir coercitif autorisant le policier à faire usage proportionné de la force, de la contrainte et de la privation momentanée de liberté.

Ce moyen et ce pouvoir sont exceptionnels et exclusifs. Ils doivent être maîtrisés avec intelligence et dextérité. Tout l’enjeu de la faculté d’exercer d’un policier se niche dans la bonne application de ces deux attributs. Par exemple, le moyen discrétionnaire autorise l’agent d’ordre à faire le choix d’une interpellation ou non en raison de son discernement personnel. Ce moyen est un facteur essentiel pour augmenter la marge de manœuvre du policier dont parle Magdalena Burba. Il est également une source de développement et de motivation. Les travaux de recherche de Madame Burba révèlent ce point sensible, malheureusement sous-développé dans les formations de base et continues de nos polices.

Une hiérarchie rigide n’est pas Swiss Made

Enfin, tel que Magdalena Burba le précise dans sa thèse, faisant référence aux dimensions culturelles développées par Geert Hofstede, il y a aussi notre lien collectif, de surcroît le lien du policier, agent du service public, avec le pouvoir de nos autorités suisses. En effet, « les citoyens suisses cultivent une distribution relativement égale du pouvoir dans la structure sociétale alors que les policiers évoluent dans une structure hiérarchique forte. » Cet écart renforce le malaise que ressentent plusieurs policiers écartelés qu’ils se trouvent entre une organisation très hiérarchisée et une société helvétique qui cultive la participation décisionnelle.

Voir une deuxième définition du Moyen discrétionnaire parue dans le blog du 17 novembre 2016.

Voir l’article sur le travail de Magdalena Burba paru dans le journal de l’université de Lausanne L’uniscope de mai-juin 2019.