Détecter les signes avant-coureurs du crime

Les polices cantonales de Soleure puis de Zurich, suivies de Lucerne, de Thurgovie et de Bâle-Campagne misent sur l’organisation de réseaux interprofessionnels de détection et de prévention des dégénérescences des incidents pouvant conduire jusqu’au crime.

Ces modèles d’analyse des risques et de gestion des menaces prédéfinissent l’avenir policier.

La procédure est simple mais pas évidente à instaurer. Pas évident car les milieux policiers traditionnels peinent à accueillir d’autres disciplines et d’autres pratiques. Pourtant, les cantons alémaniques précités l’ont fait et s’en réjouissent.

La méthode ?

Simple et concrète :

les professionnels de tous milieux, témoins d’agissements équivoques ou alarmants, déposent leurs signalements dans un cercle d’analyse, de détection, d’alerte opérationnelle et d’intérêt public.

Réunir les employés des administrations communales, les enseignants, les travailleurs sociaux, les spécialistes de la protection des enfants, les psychologues, etc. autour de la police dans une plateforme d’échanges et de signalements : tel est le but de ce cercle ou réseau d’analyse. Que l’ensemble des partenaires puisse se tenir en alerte autour des risques de dérive que peuvent engendrer, par exemple, les absences scolaires d’un élève turbulent ou des violences domestiques répétées ou encore des plaintes de voisinage.

Comme précisé dans le sujet d’Ariane Gigon, correspondante de plusieurs quotidiens romands à Zurich, « Le partage des compétences (des professionnels de tels réseaux ndlr.) repose sur des bases légales réglant notamment la question du secret professionnel et de la protection des données. »

J’approuve, j’encourage et j’accompagne la mise en place de ces systèmes d’analyse pour autant que les responsabilités soient clairement définies et réparties. Pour les partenaires de la police, il ne s’agit pas de dénoncer mais de partager une inquiétude qui est déposée en un lieu de régulation. Contrairement à la délation qui est une démarche bilatérale, ce système de mise en réseau est animé par une dynamique multilatérale d’autocontrôle démocratique.

J’invite les cantons romands et leurs polices à s’y mettre sans plus tarder.

Qui doit porter la parole policière ?

L’invité du quotidien La Liberté du 26 septembre 2016, responsable de la communication de la police cantonale fribourgeoise, relève l‘importance d’être policier de métier et issu du rang pour exercer cette fonction médiatique.

Question du journaliste : vous êtes le premier responsable de la communication à être policier. Un atout ?

Réponse du policier : oui clairement ! Ma hiérarchie voulait améliorer ce secteur. Mes collègues me font confiance. Ils savent de quoi je parle car j’ai travaillé dans l’opérationnel durant plusieurs années. Connaître le fonctionnement interne facilite mon rôle de communicateur. Il y a aussi davantage de respect.

(2 minutes de lecture. Le féminin est compris dans le texte)

J’entends toujours ces mêmes arguments. Ils ne me convainquent point. … parce que je ne suis pas policier ? Non, car je suis bénéficiaire des prestations de police, comme chacun d’entre nous. Je me trouve être au point de finalité du processus policier et le mieux placé pour connaître mes besoins et ceux de ma communauté. C’est précisément à ce croisement d’échanges de procédés, entre le prestataire et l’usager (ou le contrevenant ?), que certaines corporations policières se figent, repliées sur elles-mêmes.

Une population multiple, une police multiple

Prenons l’exemple du secteur de l’habillement qui intègre depuis des décennies des professionnels issus de la clientèle au service de leur communication afin de concilier les intérêts des uns et des autres et surtout répondre le mieux possible aux exigences des consommateurs. En police, « nous » – j’utilise le « nous » dans l’idée du service public – devons être encore plus soucieux que les entreprises de l’économie privée n’étant pas soumis à la rentabilité ni à la concurrence. « Nous » devons traduire nos prestations policières, y compris contraignantes, d’une façon vulgarisée, ouverte et autocritique.

Dans l’idée d’un carrefour commun d’intérêts, digne des diversités qui fabriquent notre démocratie, le service de communication publique d’une institution de police devrait réunir en son sein des ressortissants du Corps policier mais aussi des personnes aux compétences étrangères.

Une parole plus libre qui ouvre de nouvelles perspectives

  • Comme les personnes provenant de l’extérieur ne connaissent pas les ficelles de la profession, elles questionneront les praticiens policiers et les obligeront à s’expliquer autrement, à revisiter leurs conditionnements et peut-être même, dans certains cas, à se corriger.
  • Mais encore, ces personnes de l’extérieur échappent aux pressions hiérarchiques et aux qualifications internes souvent compromettantes et subjectives. Elles se sentent plus libres de réformer certaines méthodes désuètes et d’inventer de nouvelles stratégies.
  • Enfin, elles révèlent d’autres points de vue et d’autres perspectives nécessaires à la sauvegarde de la paix et au respect des différences dans un État de Droit comme le nôtre.