La terre de nos désillusions

Mon monde à moi

J’ai choisi de développer nos polices parce que dans la pire extrémité, celle que personne ne peut exclure, ce sont bien elles, avant toutes autres organisations, qui me réveilleront au cœur de la nuit et m’emmèneront Dieu sait où.

Le “monde” policier

Les trajectoires de nos polices croisent ou croiseront les nôtres, un jour ou l’autre, qu’on le veuille ou non. Nos terrains de vies cohabitent.

Et pourtant, il n’est pas rare que j’essuie de telles formules :

«De quoi parle-t-il ? Il n’a jamais menotté. », «Que connaît-il de notre terrain, et la nuit ? »

À toutes ces paraphrases, je pourrais en livrer une autre, plus répandue encore : « Les cordonniers sont les plus mal chaussés. »

 

Trêve de réparties.

 

Le terrain policier m’échapperait comme il échapperait à une majorité d’entre nous ?

On finirait par le croire à écouter certains fonctionnaires du service public. Ces derniers semblent se ranger dans un monde à part auquel ni vous ni moi ne saurions accéder.

Franchement, demande-t-on à son médecin de famille s’il a contracté préalablement la maladie qui nous ronge ou s’il a subi l’accident qui nous invalide ? Peuvent-ils, les professionnels des soins d’urgence, ou de la médecine, nous prodiguer conseils et attention alors qu’ils n’ont certainement jamais exercé notre activité professionnelle ni effleuré nos conditions de vies ?

Qui aurait la prétention d’exiger du policier qu’il commette préalablement délits, infractions et crimes de toutes espèces afin de pouvoir en mesurer les épaisseurs ? Qu’est-ce donc cette notion toute policière de suprématie sur les aléas, sur les failles et les troubles de nos existences ?

Cette forme d’intouchabilité ?

Les policiers connaîtraient-ils mieux les fêlures de toutes vies, mieux que celles et ceux qui les endurent ?

« Et la présomption d’innocence ? À sens unique ? Elle est aussi valable pour nous autres les policiers. »

Me rétorque-t-on encore.

Comme je ne commente jamais la personne du policier en particulier, l’allusion a, sans doute, trait à l’institution… Mais, je vous le demande. Cette institution ; est-ce bien la leur ? N’est-elle point critiquable ? Je les entends ces mêmes agents, tous les jours, dans leurs voitures de patrouille et dans les vestiaires, incendier leur employeur, critiquer l’État, la justice et se plaindre de leurs conditions de travail.

Je ne me permets pas d’hypothéquer le métier de policier, leur métier au sens technique, celui qu’ils accomplissent souvent avec efficience.

Un métier que je respecte beaucoup

Par contre, toutes les références de droit qui nous unissent et qui fondent le lien social, notre bien commun ; la fonction policière déléguée, assermentée et rémunérée par les citoyens bénéficiaires que nous sommes, toutes ces attributions publiques de service et de protection, elles, et bien elles continueront de forger mes exigences à la mesure des difficultés du monde. Car rien qui ne me concerne ou implique la quête de nos polices m’est étranger.

Une fonction commune

Enfin, ces terrains policiers que je ne saurais fréquenter ne peuvent pas se trouver ailleurs que dans notre monde. Autre part qu’en Suisse, dans un canton ou une localité avec lesquels je partage le sort comme tout résident.

Comment est-ce possible et par quel miracle ou quelle déportation corporelle puis-je en être davantage éloigné que nos policiers ?

Arpentent-ils un autre monde que le mien, une autre terre que celle que nous empruntons à nos enfants ?

Un monde à partager

Nous n’avons pas besoin de policiers qui sécurisent un autre terrain que celui où nous vivons.

Nouvel an, mise au rang, pan pan pan

Une petite mise au rang pour le nouvel an ?

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Lorsqu’on m’interroge sur les causes qui entravent les évolutions de nos polices, celles qui persistent envers et contre tout, j’en évoque principalement deux.

  1. La mise au rang ou l’anesthésie des grades

J’ai constaté que bien des policiers civils* bradaient leur ambition originelle et annihilaient leurs initiatives dans une lente et rampante dilutions de leur responsabilité personnelle lorsque celle-ci était mise au rang.

C’est souvent comme ça dans les corporations détentrices d’armes, d’ordre et de sanction. L’appointé est mis au rang par l’appointé-chef qui est mis au rang par le caporal qui est mis au rang par le caporal-chef qui est mis au rang par le sergent qui est mis au rang par le sergent-chef qui est mis au rang par le sergent-major qui est mis au rang par l’adjudant qui est mis au rang par le lieutenant qui est mis au rang par le premier-lieutenant qui est mis au rang par le capitaine qui est mis au rang par le major qui est mis au rang par le lieutenant-colonel qui est mis au rang par le colonel qui ne sait plus pourquoi il est là.

 

C’est ainsi que voulant protéger son métier, notre policier le perd.

  1. Les sous-groupes informels

Ils constituent la deuxième entrave et sont encore plus sournois que la mise au rang décrite plus haut. Ces groupuscules opèrent leurs influences dans les coulisses, les carnotzets et les vestiaires. Ces sociétés, fraternités et autres clubs, plus ou moins secrets, de type mafieux, para-sportifs, pseudo-guerriers, agissent selon le principe de la redevabilité. Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette…

La franc-maçonnerie, au demeurant honorable dans ses buts, est, entre autres confréries, régulièrement suspectée par certains policiers d’influencer le choix des promotions au sein d’institutions policières suisses. C’est aussi le cas à l’étranger comme nous le révèle cette nouvelle affaire qui secoue le Royaume-Uni. Le débat fait actuellement rage dans les rangs de la Police d’Angleterre et du Pays de Galles après le départ, fin décembre 2017, du chef de la Fédération nationale de ladite police. Celui-ci critique les liens occultes qui semblent favoriser les membres de la société franc-maçonne au sein de l’institution policière. Ces mêmes compromissions bloquent, toujours selon lui, plusieurs réformes à l’interne. À l’inverse, le responsable de la Grande Loge unie d’Angleterre s’est plaint publiquement et par voie de presse des pressions subies par ses membres, notamment ceux qui exercent une fonction de police. Ceux-ci sont souvent contraints de se réfugier dans l’anonymat. L’ex-chef de la Fédération de Police d’Angleterre et du Pays de Galles, quant à lui, rétorque et précise qu’appartenir à la fois à la franc-maçonnerie et à la police expose les agents concernés à des situations délicates et à des formes d’allégeance pour le moins ambivalentes. Enfin, toujours selon cet ancien représentant de police, il semblerait que les femmes et certains ressortissants des minorités en fassent les frais.

Pas de doute, c’est plus d’une nouvelle année et ses douze mois qu’il nous sera nécessaire d’arpenter, contre vents et marées, pour restaurer le management de nos polices civiles.

*Les grades sont par contre utiles, voire nécessaires, dans les structures militaires, celles prévues pour l’état de guerre, celles soumises au régime judiciaire d’exception et devant agir dans les situations de dégénérescence et de violence généralisées. Dans pareille déconfiture, les ordres ne sauraient être discutés. À contrario, les polices civiles s’activent dans des régimes de paix et interagissent avec des organes et des appareils de pouvoirs civils et pluridisciplinaires. Dans les temps de paix, les innovations et les résolutions naissent précisément en dehors des soumissions et des gradations, elles apparaissent dans le débat contradictoire et les remises en question.