Terrorisme : l’appel à la population comporte des risques !

Titre :

Terrorisme : l’appel* à la population comporte des risques !

* à ne pas confondre avec l’appel aux témoins. Nos polices sollicitent régulièrement les témoins d’un incident ou d’un accident avec raison et justesse.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Extraits des articles du Matin dimanche et de la SonntagsZeitung du 31 juillet 2016 :

Après la vague d’attaques qui a frappé l’Europe, les policiers suisses veulent s’inspirer de leurs confrères finlandais pour mieux prévenir la radicalisation des personnes. Ces derniers tablent sur les dénonciations des proches. « Il y a des signes observables chez les délinquants potentiels », comme des modifications du comportement, explique au Matin Dimanche et à la SonntagsZeitung le commissaire en chef de la police centrale finlandaise.

Les cantons suisses se disent intéressés par l’expérience nordique. « Nous allons discuter quels éléments prendre du Community Policing finnois », déclare le président de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, le Bernois Hans-Juerg Kaeser.

L’émission radio “Tout un monde” RTS La Première de ce lundi matin 15 août donnait la parole à un représentant de la police nationale finlandaise :

 

Mon opinion :

Citoyens, résidents, touristes, saisonniers ou migrants, tous sont les bénéficiaires des polices, les plus faibles en priorité. Ils offrent le bassin de recrutement des futurs agents, ils financent leurs salaires et les infrastructures, ils légitiment l’usage de la force et s’assurent de leurs bienveillances publiques.

Historiquement, les populations ont délégué les tâches de police à des tiers, recrutés en leur sein, afin de distancier l’appréhension des soupçons et des événements dégénérescents. Ce, dans un intérêt commun d’objectivité et d’établissement rigoureux des faits, sous forme de preuves… et surtout pas de suppositions ou de rumeurs.

Les populations sont naturellement instigatrices, plaignantes ou indicatrices auprès des forces de polices. Faut-il, maintenant et en plus, insuffler auprès de tout un chacun une velléité d’auxiliaire de police ?

Faire appel pro-activement à la collaboration des populations pour la dénonciation de ce qui paraît étrange et potentiellement à risque présente des dangers que la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police ne doit pas sous-estimer.

Car l’histoire a aussi démontré que le zèle, la délation ou la pré-programmation des coupables par les populations peuvent considérablement réduire l’efficience du travail d’investigation et dénaturer les signalements ainsi révélés.

Contextualisation

La République de Finlande n’est pas notre Confédération de vingt six États. Ce vaste pays aux 3’000 lacs compte la plus faible densité de population de l’Union Européenne. Pour une surface huit fois supérieures à la Suisse, la Finlande dénombre 5,3 millions d’habitants. Le tissu socioculturel est donc d’une toute autre nature. De plus, le modèle finnois confie à des psychologues, religieux, infirmiers et travailleurs sociaux un rôle prédominant dans l’analyse des données ainsi recueillies. Chaque renseignement fourni par les citoyens ou résidents est passé au crible pluridisciplinaire de spécialistes précautionneux qui confrontent leur avis et les sources d’information, en toute transparence. Enfin, tous les policiers de la capitale ont été formés à la détection des signes et menaces terroristes. Autant de précautions qu’il s’agirait de mettre en place dans chacun de nos cantons et villes ou régions disposant de leurs polices propres.

Action concrète et pratique

Par contre, en Suisse, il est nécessaire, selon moi, de renforcer le rôle des acteurs professionnels déjà en place le long de la chaîne sécuritaire. Pompiers, soignants, urgentistes, enseignants, travailleurs sociaux, concierges, exploitants de régies communales et cantonales, employés d’édilité, contrôleurs et conducteurs de transports publics, etc. doivent être formés à la levée de renseignements. Ils contribueront ainsi à prévenir les discriminations négatives et contre-productives.

Enjeu genevois

Seulement en République et canton de Genève, les employés de l’État et des institutions parallèles représentent 46’000 personnes dont une fraction est assermentée. Toutes et tous suivent, plusieurs jours par année, des formations continues. Ces journées sont programmées. Alors, commençons avec ces  oreilles et ces yeux par milliers !