La vidéosurveillance nous rend borgnes !

Peut-on s’y accoutumer, au point de n’y prêter plus aucune attention ?

La banalisation de l’image continue neutralise-t-elle nos capacités de discernement, de remise en question et de prévention ?

La prolifération des vidéosurveillances est une menace pour le développement des habilités policières… et fait de nous des citoyens borgnes !

Dans l’Arc jurassien suisse, plusieurs projets de surveillance filmée des déchetteries ont été abandonnés; les bases légales étant – heureusement – très exigeantes. L’arrêt du Tribunal fédéral du 13 octobre 2010 précise que la vidéosurveillance dans les espaces publics est une atteinte à la vie privée et qu’elle doit être l’ultime moyen d’assurer l’ordre.

Qu’on produise les meilleures technologies pour assurer notre sécurité ne souffre d’aucun pli. Néanmoins, selon moi, nous devrions préalablement répondre à une première question et se déterminer sur les quatre points qui suivent :

S’agit-il d’une démarche de sécurité privée ou publique ?

Privée : toute personne physique ou morale est libre d’organiser sa sécurité et sa sûreté sous le couvert des lois en vigueur.

Publique : les précautions sociales du “vivre ensemble” ainsi que les compétences discrétionnaires des policiers doivent être préservées. Ces dernières, en particulier, sont les meilleurs atouts que possèdent les policiers dans la lutte contre les criminalités. En plus du respect des dispositions légales, je recommande donc :

  1. qu’une réflexion et qu’une concertation entre les autorités et la population locale précède l’acquisition d’une installation vidéo.
  2. Que sa programmation informatique soit maîtrisée par deux parties civiles, au moins, disposant de compétences variées et complémentaires.
  3. Que cette démarche de vidéosurveillance soit accompagnée d’une communication publique proactive et d’une formation gratuite ouverte à toutes les personnes concernées et intéressées. Enfin,
  4. qu’une instance d’Etat (exemples : police communale, justice de paix, préfecture, etc.) se porte garante du traitement des images avant d’éventuelles transmissions aux pouvoirs exécutif (polices cantonales ou municipales ou régionales disposant des prérogatives judiciaires requises) et judiciaire.

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Du cas particulier vers une dérive de la surveillance généralisée (ou dite de  masse – voir lien de sensibilisation actif – cliquer ici)et le risque d’aliénation du travail d’investigation policière !

Le premier danger pour le policier : qu’il perde progressivement ses moyens d’interprétation (à discrétion et de façon opportune), son flair professionnel dans le courant des enquêtes ainsi que la bonne et respectueuse compréhensions des origines des maux de société. Il deviendrait alors l’auxiliaire d’une robotique sans état d’âme avant de lui céder sa place.

Deuxième danger pour le policier : qu’il puisse s’imaginer poursuivre les malversations – principalement – sur la base de données filmées et enregistrées l’éloignerait peu à peu des causes criminologiques, des résolutions de problèmes et de la collaboration avec d’autres acteurs de bonne volonté.

Danger pour nous tous : placer au sein des espaces collectifs d’éducation, d’orientation professionnelle et de responsabilisation (écoles, centres de tri des déchets, centres communautaires et d’animation socioculturelle, etc.) des caméras de surveillance signifie – en apparence du moins – que l’on renonce à nos facultés humaines de gérer nos propres lieux de vies par nos propres compétences comportementales, y compris celles que l’on délègue à nos policiers assermentés.

 

 

Le profilage policier…

… ou le contrôle de faciès est un dilemme de sécurité publique.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte.)

Une résolution a été développée par plusieurs polices européennes !

Il est essentiel que le policier puisse nous interpeller (tout un chacun), nous retenir physiquement et temporellement, vérifier notre identité et, suivant l’intérêt commun, nous conduire au commissariat. Nous tolérons cette intrusion dans nos vies parce que les policiers, lors de leurs assermentations, jurent fidélité à l’Etat de Droit que nous avons constitué au fil des générations et que nous contribuons à entretenir chaque jour ; ne serait-ce que par le paiement de taxes et des salaires de la fonction publique.

Dans notre démocratie, le policier est donc autorisé à limiter nos droits, à contrôler notre identité, à restreindre momentanément notre liberté de mouvement.

C’est alors que le dilemme tend sa jambe.

D’une part, comme on vient de le constater, le policier interfère dans nos droits fondamentaux. D’autre part, il en est le garant. Mandaté qu’il est à défendre de toutes les forces que nous lui accordons d’appliquer, en toute proportionnalité, ces mêmes droits fondamentaux.

Comment résoudre ce contre-sens ?

Vous en conviendrez, ce croisement d’intérêts n’est pas simple à gérer et parfois périlleux si l’on en croit les images tournées récemment à Lausanne – attention, hors contexte – où l’on distingue une patrouille de policiers malmenée par un groupe d’individus avant que des renforts ne surviennent.

Une déformation professionnelle à la peau dure.

Au fil des décennies, il a été constaté que les contrôles sur la seule apparence ou sur le comportement social n’étaient pas probants et qu’ils ne permettaient pas de cerner les présumés coupables d’une infraction ou d’une agression. Au contraire, les policiers se perdaient, une fois sur deux, dans des pistes stériles, imprécises et hasardeuses. Les institutions de polices ont fini par admettre ce demi-échec.

Comment faire pour contrôler avec discernement et sur la base de signalements objectifs, prévenir et appréhender, tout en respectant les fondements de nos vies communes, et préserver nos références de droit et nos garanties constitutionnelles ?

Comment éviter le profilage racial qui engendre, à terme, les radicalisations et les hostilités communautaires ou religieuses ?

A ces dilemmes éthiques, plusieurs polices européennes, en partenariat avec des associations de juristes, s’y sont attelées et ont développé une idée originale :

le récépissé de contrôle.

Ce récépissé est simple et concret. Il se présente sous la forme d’un petit formulaire papier ou électronique dans lequel est précisé le type d’échange vécu entre le représentant des forces de l’ordre et la personne appréhendée. Une explication notifiée et concertée qui fait beaucoup de bien aux différentes parties et clarifie d’éventuels malentendus. En Espagne et au Royaume-Uni, ces quittances de bonne conduite donnent déjà entière satisfaction et augmentent, selon les polices, l’efficience de leur travail. Cette méthodologie a aussi pour objectif de lutter contre les discriminations internes aux corporations. Ces dernières entretiennent bien souvent une sous-culture sournoise et néfaste de la compétition, de la performance et de collecte des trophées dans ce qui s’apparente parfois à de véritables chasses à l’homme.

Enfin, face à l’argument qui affirme que remplir de tels formulaires prend du temps, l’officier de police espagnol, David Martín-Abanades, prétend, qu’au contraire, le gain de temps est notable et que la démarche toute entière favorise les bonnes arrestations et permet une nette diminution des contrôles inutiles. Les policiers espagnols étaient tout d’abord sceptiques. Aujourd’hui, ce procédé est bien accepté. L’arrestation paraît alors plus légitime aux yeux du policier. De plus, les donnés obtenues grâce au récépissé offrent un aperçu conséquent des motifs pour lesquels les individus sont contrôlés.

Les polices des Pays-Bas sont parvenues aux mêmes conclusions.

A suivre.

Lente agonie des vertus policières françaises ?

Le retour des oiseaux migrateurs confère à notre printemps un air de désinvolture. Les sujets d’actualité, quant à eux, se sont ultra-sédentarisés, comme s’ils restaient figés dans les pages les plus sombres de notre histoire.

En France, l’Etat d’urgence régurgite son lot d’abus, de violences et d’immaturités policières.

C’est ce que nous révèle le rapport de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), publié en mars 2016. Cette ONG internationale est réputée pour son indépendance et sa rigueur. Elle compte parmi ses membres actifs des fonctionnaires d’armée et de police de tous rangs.

L’enquête en question est préoccupante, pour deux raisons. D’une part, la légitimité et l’exemplarité des polices de la République voisine sont compromises, notamment aux yeux des jeunes générations. D’autre part, les forces de polices françaises semblent ne point disposer d’outils pour résoudre leurs propres carences.

Chaque institution publique doit pouvoir compter sur des organes d’évaluation critique, et si possible, indépendants.

La menace terroriste

Actuellement, sur nos terres européennes, je distingue quatre axes de prévention et de lutte contre le terrorisme :

  1. Harmonisation des codes juridiques et judiciaires d’un pays à l’autre.
  2. Sécurisation et échanges des paramètres informatiques entre pays dotés des instruments adéquats (les 28 membres de l’UE ne sont pas égaux dans leurs moyens).
  3. Conduite de missions opérationnelles et d’investigations sur le terrain par l’enquête, la récolte d’indices probants et la neutralisation des personnes dangereuses ou potentiellement dangereuses.
  4. Information, sensibilisation et promotion des expériences et réflexions socioculturelles dans les cercles scolaires et les milieux associatifs.

Cette dernière action est capitale. Elle solidifie les trois premières.

“A quoi sert de nous battre si nous asséchons nos valeurs culturelles et morales ?” Avertissait Churchill au coeur de la deuxième guerre mondiale. Les mêmes propos ont été tenus par les défenseurs armés de Sarajevo qui subissaient le plus long siège de l’histoire de la guerre moderne (du 5 avril 1992 au 29 février 1996). Les mauvais gestes policiers, extrêmement dommageables, répertoriés dans le rapport de l’ACAT-France desservent non seulement la prévention des menaces terroristes mais aussi et surtout l’esprit constitutif de nos démocraties.

Nos constitutions sont forgées dans le respect et la protection des intégrités et des libertés humaines, sociales et culturelles.

Résolution & innovation

Peut-on, enfin, imaginer voir des policiers, actifs du bout à l’autre de la chaîne sécuritaire – radieux dans le sauvetage d’un animal domestique et hargneux dans l’usage de la force proportionnée -,  intervenir dans les cycles scolaires obligatoires ? Accompagnés de tous les volontaires de la démocratisation active, les animateurs socioculturels, les soignants, philosophes, théologiens, etc… ; ils témoigneraient, ensemble, de la complexité de la lutte antiterroriste, à toute échelle : temporelle, informatique, juridique et géographique.

Et, par la même occasion, ces agents du service public pourraient se valoriser personnellement et restaurer les essences des polices d’Etat de Droit… avant qu’elles n’agonisent.