Le profilage policier…

… ou le contrôle de faciès est un dilemme de sécurité publique.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte.)

Une résolution a été développée par plusieurs polices européennes !

Il est essentiel que le policier puisse nous interpeller (tout un chacun), nous retenir physiquement et temporellement, vérifier notre identité et, suivant l’intérêt commun, nous conduire au commissariat. Nous tolérons cette intrusion dans nos vies parce que les policiers, lors de leurs assermentations, jurent fidélité à l’Etat de Droit que nous avons constitué au fil des générations et que nous contribuons à entretenir chaque jour ; ne serait-ce que par le paiement de taxes et des salaires de la fonction publique.

Dans notre démocratie, le policier est donc autorisé à limiter nos droits, à contrôler notre identité, à restreindre momentanément notre liberté de mouvement.

C’est alors que le dilemme tend sa jambe.

D’une part, comme on vient de le constater, le policier interfère dans nos droits fondamentaux. D’autre part, il en est le garant. Mandaté qu’il est à défendre de toutes les forces que nous lui accordons d’appliquer, en toute proportionnalité, ces mêmes droits fondamentaux.

Comment résoudre ce contre-sens ?

Vous en conviendrez, ce croisement d’intérêts n’est pas simple à gérer et parfois périlleux si l’on en croit les images tournées récemment à Lausanne – attention, hors contexte – où l’on distingue une patrouille de policiers malmenée par un groupe d’individus avant que des renforts ne surviennent.

Une déformation professionnelle à la peau dure.

Au fil des décennies, il a été constaté que les contrôles sur la seule apparence ou sur le comportement social n’étaient pas probants et qu’ils ne permettaient pas de cerner les présumés coupables d’une infraction ou d’une agression. Au contraire, les policiers se perdaient, une fois sur deux, dans des pistes stériles, imprécises et hasardeuses. Les institutions de polices ont fini par admettre ce demi-échec.

Comment faire pour contrôler avec discernement et sur la base de signalements objectifs, prévenir et appréhender, tout en respectant les fondements de nos vies communes, et préserver nos références de droit et nos garanties constitutionnelles ?

Comment éviter le profilage racial qui engendre, à terme, les radicalisations et les hostilités communautaires ou religieuses ?

A ces dilemmes éthiques, plusieurs polices européennes, en partenariat avec des associations de juristes, s’y sont attelées et ont développé une idée originale :

le récépissé de contrôle.

Ce récépissé est simple et concret. Il se présente sous la forme d’un petit formulaire papier ou électronique dans lequel est précisé le type d’échange vécu entre le représentant des forces de l’ordre et la personne appréhendée. Une explication notifiée et concertée qui fait beaucoup de bien aux différentes parties et clarifie d’éventuels malentendus. En Espagne et au Royaume-Uni, ces quittances de bonne conduite donnent déjà entière satisfaction et augmentent, selon les polices, l’efficience de leur travail. Cette méthodologie a aussi pour objectif de lutter contre les discriminations internes aux corporations. Ces dernières entretiennent bien souvent une sous-culture sournoise et néfaste de la compétition, de la performance et de collecte des trophées dans ce qui s’apparente parfois à de véritables chasses à l’homme.

Enfin, face à l’argument qui affirme que remplir de tels formulaires prend du temps, l’officier de police espagnol, David Martín-Abanades, prétend, qu’au contraire, le gain de temps est notable et que la démarche toute entière favorise les bonnes arrestations et permet une nette diminution des contrôles inutiles. Les policiers espagnols étaient tout d’abord sceptiques. Aujourd’hui, ce procédé est bien accepté. L’arrestation paraît alors plus légitime aux yeux du policier. De plus, les donnés obtenues grâce au récépissé offrent un aperçu conséquent des motifs pour lesquels les individus sont contrôlés.

Les polices des Pays-Bas sont parvenues aux mêmes conclusions.

A suivre.

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com