L’Eurofoot de l’ambivalence

Ne pas céder à la peur. Ne minimiser aucun risque.

Paris, capitale de la discorde et du feu, devrait retrouver son habit de fête dès ce soir. Et pourtant, la tension est palpable.

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Contagion suisse

« Chez nous, en Suisse, sous l’influence des événements qui ont lourdement affecté nos voisins, on leur fait peur à nos jeunes policiers apprenants…» me confiait récemment un commandant de police. On les équipe de nouvelles couches, de gilets, d’armes lourdes et d’artifices divers. D’aucuns revendiquent même, et en dehors de toute pesée d’intérêts, un plan Vigipirate. Les services de la Confédération (Police fédérale et Services de renseignements ndlr.), quant à eux, n’abondent pas dans ce sens. Ses deux voisins, l’un chef de corps et l’autre chef opérationnel, renchérissent : «tout cela ne sert à rien. On entraîne nos gens dans une fausse voie. Nous conduisons nos policiers à la guerre alors que leurs prérogatives servent la paix. A terme, leurs cerveaux seront déconnectés des valeurs civiles. Le policier se doit d’être rassurant pour, à son tour, produire des liens de confiance. » Et : « en les suréquipant, on les disperse et on les fragilise. Ils n’acquièrent pas les bonnes capacités à résoudre les problèmes mais foncent dans le tas… ».

Ne pas céder à la peur et ne pas sombrer dans l’état de guerre pour lequel nos policiers n’ont ni attribution ni légitimité me paraît être la première précaution d’usage. Il est curieux – et malsain – de constater durant ces temps de trouble et de crise qu’il y a toujours un ou l’autre prélat de police, généralement déchu de ses premières conquêtes, pour se frotter les mains et mettre au pas de guerre ses juvéniles troupes.

L’amiral Alain Coldefy, ancien inspecteur général des armées françaises, est pourtant formel. Faire face à un parent (en dehors de tout danger imminent de mort ndlr.) lors, par exemple, d’une quelconque manifestation de mécontentement « … ce n’est pas du tout le métier de l’armée. Il y a donc une ambiguïté qu’on n’a pas intérêt à faire durer. » Et à l’homme d’expérience de conclure sur l’état d’urgence qui règne actuellement en France : « il fallait prendre cette décision pour un temps, mais le terrorisme ne se combat que par les voies normales qu’offre la République. » En clair, nous ne sommes pas en guerre et l’armée interviendra que lorsqu’il sera trop tard. Jamais, j’espère ! Pour l’heure, nous avons besoin de policières et policiers à l’esprit de paix et à la pratique de bonne et juste proportions. “Souples et légers” dit l’adage du métier.

La réponse ne se trouve pas dans les suréquipements, mais dans la détermination de nos gardiens de paix à maintenir ce subtile équilibre des rapports de force, quoiqu’il arrive.

Bière d’une main et pouce serré de l’autre !

 

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com