Les outils de contrôle policier. Pas d’excès !

Faut-il permettre aux policiers de recourir plus facilement à des outils de contrôle tels que les tests ADN avec séquences codantes ?

Faut-il étendre les surveillances téléphoniques ?

Ces questions taraudent nos élus.

Contexte et actualité

Après de nouvelles violences en Ville de Berne, dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 mai passés, le municipal bernois Reto Nause a déclaré vouloir permettre aux policiers de recourir à des écoutes téléphoniques plus étendues qu’aujourd’hui.

Précédemment et à la suite du quadruple meurtre de Rupperswil, en Argovie, le 21 décembre 2016, l’idée d’extension des tests ADN est à l’examen. Le conseiller national Albert Vitali a déposé une motion dans ce sens.

Eclairages

Les polices suisses, depuis leurs créations, régissent toutes leurs opérations en respectant quatre principes de base, immuables :

  1. Tout individu, interpellé par la police, est présumé innocent. C’est le pouvoir judiciaire qui condamne, en dernière sentence, non la police; questions d’objectivité et de séparation des pouvoirs.
  2. La police respecte la sphère privée de toute personne. Normal, son champ d’action est public*.
  3. Les efforts consentis par la police et permettant d’établir les faits doivent conduire au procès le plus équitable possible.
  4. La police respecte inconditionnellement l’intégrité physique, morale et psychique de tout individu.

Ces quatre fondements nous préservent – et protègent aussi les agents policiers – des abus. Ils justifient que nous assermentions et déléguions aux tiers policiers le choix d’engagement et d’opportunité ainsi que les usages de la force, de la contrainte et de la privation momentanée de la liberté.

Les écoutes téléphoniques en Suisse sont réalisées, aujourd’hui, avec l’autorisation de l’autorité judiciaire (cantonale ou fédérale) qui dirige la procédure pénale.

Les tests ADN en Suisse sont opérés, aujourd’hui, dans plusieurs situations de contrôle d’identité ou d’enquête. Ils ne sont autorisés que pour l’examen des séquences non codantes, c’est à dire non converties en protéines. Seul le sexe des individus est décelable.

 

Prises de position

Compléments à l’écoute du débat sur Forum RTS La Première du 23 mai 2016

Extension des tests ADN

L’idée de vouloir étendre les tests ADN aux séquences codantes dans les situations de meurtres ou de viols est, selon moi, justifiée; pour, au moins, trois raisons :

  1. Les séquences codantes permettent d’identifier la couleur des yeux, des cheveux et même la stature des personnes suspectées.
  2. Les tests codants confirment les soupçons portés sur une personne mais innocenteront aussi celle qui serait accusée, voire condamnée, à tort. Aux USA, récemment, plusieurs personnes ont ainsi été innocentées et libérées après des années de prison…
  3. Le champ d’action est interpersonnel, circonscrit par les agents policiers et les scientifiques associés.

Je ne vois donc aucun problème à ce que l’on puisse procéder à de tels tests, y compris sur ma propre personne, le cas échéant. Je connais les paramètres d’une telle démarche et je donne ma confiance aux polices.

La dose fait le poison

Extension des surveillances téléphoniques

Dans l’intention d’étendre les écoutes téléphoniques, la confiance que je pourrais accordée aux policiers ne servirait pas à grand chose. Car ces derniers ne maîtrisent pas l’entier du processus de collecte des données qui, pour grande partie, est – ou sera – dépendant des entreprises commerciales de télécommunications et de gestion numérique. Plusieurs de ces firmes sont d’obédience privée. La police est administrée par le service public. Augmenter les écoutes téléphoniques à des fins préventives, collecter des milliers de conversations non contextualisées puis les analyser afin d’en extraire une action préventive est aussi problématique que bénéfique. Ce champ technologique est pratiquement illimité et les ramifications gigantesques. Qui peut me garantir que des collectes erronées à mon sujet n’aboutissent pas dans les serveurs des services secrets étrangers avec de fausses indications et des liaisons biaisées ?

L’intelligence de nos policiers serait alors engloutie par de puissants moyens technologiques non circonscrits.

La volonté d’étendre les surveillances téléphoniques ne permet pas de garantir qu’elles soient toujours ciblées, justifiées et proportionnelles.

 

* Le boulanger, avant qu’il ne devienne policier, pouvait interdire l’accès du public à son laboratoire de fabrication du pain. Il doit comprendre qu’aujourd’hui, devenu policier, les paradigmes ont changé. Il travaille au service public. Tout en préservant la confidentialité des enquêtes en cours son champ opérationnel est devenu transparent. Cette transparence est garantie par la loi.

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com