La violence contre les policiers au TJ du dimanche soir

Personne ne veut commenter un tel sujet en dehors des personnes concernées que sont les agents d’État, urgentistes ou policiers.

Moi non plus, tant le contexte mérite d’être élucidé.

Mais voilà, je crois au rôle des médias, à leur vulgarisation malgré les formats d’antenne très courts et réducteurs. J’estime finalement que le débat fait naître nombre d’innovations salutaires.

J’accepte cette invitation de dernière minute et pose un préalable que la journaliste voulait garder pour elle alors qu’il venait de moi : ” Cette augmentation des violences à l’encontre des fonctionnaires, notamment des policiers, est très inquiétante et inadmissible. Heureusement que ces derniers recueillent le plus haut taux de sympathie de la part de la population suisse, année après année, comme le révèle le sondage de l’EPFZ, bien supérieur aux politiques ou aux journalistes.” J’insiste pour que cette introduction préalable soit diffusée. Il n’en sera rien.

Ces violences contre les policiers sont une réalité nauséabonde qu’il faut traiter coûte que coûte.

C’est comme le deal de rue, on ne peut pas l’empêcher et comme nous n’avons que très peu d’emprise sur les protagonistes… que faire alors ?

En dehors des condamnations judiciaires, j’esquisse trois pistes de compréhensions.

1. Les facteurs exogènes et les criminalités toujours plus complexes, sournoises et invisibles. Trop compliqué pour les téléspectateurs me répond la journaliste…

2. Les notions de service public et l’exemplarité des pouvoirs politiques qui endossent le mécontentement de certains groupuscules. Bof…

3. Enfin, des clients, patients, usagers et bénéficiaires toujours plus exigeants. C’est ce dernier point que retient la journaliste. Cela me convient aussi. Je répète plusieurs fois mon argumentaire de façon concise et précise, elle enregistre et filme.

Et de présenter la nécessité, pour les professions de foi et de vocation qui s’activent dans les services d’urgence, de s’adapter. Ne pas seulement se plaindre mais trouver de nouvelles voies d’action qui pallient tant bien que mal à ces violences. C’est possible et les premières évaluations dans les champs d’intervention pré-hospitaliers sont très encourageantes.

Contrairement à ce qui est tacitement convenu entre la journaliste et moi, mon explication n’apparaîtra nullement dans le reportage.

Au contraire, la journaliste creuse l’écart et la polémique… dans l’unique intérêt de présenter un sujet qui divise.

C’est la division qui attise les foules.

Elle retiendra une autre déclaration de ma part, quelque peu ironique, qui révèle une contradiction assez classique du métier de policier : “Je m’engage pour en découdre puis je m’en plains.”

Cette déclaration n’apporte rien.

Hors contexte, cette même déclaration servira à la journaliste pour chauffer les policiers qu’elle retrouvera peu de temps après mon interview. Tactique médiatique usuelle.

Ma déclaration devient alors un “portrait martial” dans lequel les policiers ne s’y “retrouvent pas”. Tiens donc, moi non plus. C’est trop tard, le reportage a été diffusé et les dégâts d’image sont consommés.

Pas simple de faire le pari de grandir une police qui le mérite par les efforts de transparence et de critique !

À bon entendeur !

Le sujet TJ en question

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com