Les effectifs policiers et leur relativité

Carence d’effectifs il y a, à n’en pas douter, spécifiquement à la Police cantonale genevoise.

Voir sujet RTS de Raphaël Leroy du 20 mai 2019

(Le féminin est compris – 2 minutes de lecture)

Mais, attention, cette problématique de contingent ne doit pas occulter les autres questions sous-jacentes tout aussi importantes, si ce n’est plus :

Renforcer les effectifs certes, mais :

1. qu’en est-il des capacités de travail ?

2. De la simplification des procédures administratives (bien trop laborieuses selon les policiers concernés) ?

3. De l’apport des civils ?

4. Des conditions d’admission ?

5. De la reconnaissance des policiers instigateurs et innovateurs ?

6. De la suspension managériale des policiers soupçonnés de dysfonctionnement le temps de la procédure d’enquête quand les indices cumulés impliquent une rupture de confiance ?

Je crains que la seule augmentation des effectifs ne finisse par seulement renforcer l’opacité d’une organisation trop repliée sur elle-même.

Davantage ouvrir les organisations de police à la pluridisciplinarité est une réponse au déficit d’effectif.

Sujet et enquête de Raphaël Leroy RTS La Première du 19 juin 2019

La guerre des chiffres

Les paramètres de calculation sont flous et varient d’un pays à l’autre ou d’un canton à l’autre. Ils ne peuvent pas être simplement comparés. En Italie, par exemple, on dénombre environ 440 policiers pour 100’000 habitants, le double de la Suisse. La Garde des finances italienne est une force de police qui regroupe des compétences que l’on retrouve chez nous, en Suisse, dans plusieurs services administratifs publics non policiers et qui, de fait, ne sont pas comptabilisés dans nos effectifs policiers mais le sont chez nos voisins. Bien d’autres distinctions peuvent être opérées.

La situation genevoise

En République et canton de Genève, les Assistants de sécurité publique (niveau 3) armés ne sont pas comptabilisés dans les effectifs policiers mais soulagent considérablement le travail des policiers. Il en est de même des Agents de la Police Municipale, etc. Ainsi, les 1’450 policiers cantonaux actuellement en exercice pourraient augmenter à 1’750 ou 2’000 personnes selon le type de considération, de prérogatives et de distribution des tâches.

La résolution des problèmes

Et, c’est pourquoi je préconise de se remettre en question et non seulement d’augmenter les effectifs. Le manque d’effectifs genevois couve de nombreuses problématiques de gestion d’entreprise. Cette corporation bénéficie de nouveaux uniformes, d’une nouvelle gradation, de nouveaux équipements et n’est de loin pas satisfaite… elle souffre d’un manque de reconnaissance institutionnel, d’un manque d’effectif – on l’a vu – mais aussi d’un manque d’équité entre le personnel irréprochable et exemplaire et celui qui dysfonctionne et est toujours en service parce que leur hiérarchie ne sait pas ou n’ose pas statuer.

Ces difficultés sous-jacentes ressortent très bien dans les conclusions du travail de thèse de doctorat de Madame Magdalena Burba. Une étude scientifique importante et conséquente qui mérite d’être connue et sur laquelle je reviendrai dans un prochain blog.

Difficultés vécue à l’interne

Magdalena Burba, psychologue et psychothérapeute FSP

Dans une société qui a vu les menaces et violences contre les autorités et fonctionnaires presque quadrupler depuis l’an 2000, l’état de stress des policiers est devenu un enjeu majeur. Mais, pour la chercheuse, ce sont surtout des facteurs liés au cadre de travail et à la personnalité qui influencent le risque de burnout. “J’ai constaté que les difficultés relationnelles et organisationnelles à l’interne sont perçues comme plus usantes et destructrices que les intimidations vécues sur le terrain. Certains policiers ne se sentent pas soutenus par leurs supérieurs, ni par les décisions politiques. Ils ont la sensation d’être impuissants ou de devoir toujours réagir au lieu d’anticiper”. explique-t-elle dans L’uniscope mai-juin 2019 Magda Burba

Maintien de l’ordre : le jumelage embarrassant

Les dérives violentes* de la Police nationale française lors d’opérations de maintien de l’ordre, au cœur des manifestations des gilets jaunes notamment, ont été dénoncées par le Défenseur des droits de la République Française dans son rapport annuel et par la Haut commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, entre autres instances officielles, sans compter les ONGs accréditées d’une rigueur et d’une objectivité irréprochables comme l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture).

Voir l’article de Richard Werly, correspondant du quotidien Le Temps à Paris.

Écouter le commentaire de Ariane Hasler, correspondante de la RTS à Paris.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris)

Nos polices suisses pourraient-elles en retirer des enseignements ?

“Non, pas comparable.” Précisent les trois chefs opérationnels (deux latins et un alémanique) que j’ai sollicités pour ce blog. “… car les deux pays (Suisse et France) sont au bénéfice de dispositifs policiers très différents.”

“En Suisse, la répartition de nos forces civiles, leurs contingents et les critères d’engagement varient considérablement selon les densités et les événements cantonaux. D’autre part, dans le maintien d’ordre, nous intervenons essentiellement en marge de manifestations à caractère sportif.”

“Notre étalon opérationnel ne correspond pas aux modus operandi que l’on peut observer chez nos voisins.”

“D’ailleurs, les difficultés que nous avons à mobiliser nos effectifs en suffisance, lors de tels événements, nous poussent à anticiper et à agir davantage sur un plan judiciaire et préventif.”

“Nous collaborons aussi beaucoup avec des sociétés privées de sécurité employées par les clubs sportifs ou les organisateurs.”

Pourtant…

… les pratiques françaises de maintien de l’ordre sont une référence pour

l’Académie de Police de Savatan.

Le maintien de l’ordre est la discipline maîtresse, qui prédomine les relations publiques, de l’Académie de Police de Savatan (APS). Les aspirants prêtés à cette dernière par les Corps partenaires se forment aux tactiques et techniques de maintien de l’ordre “à la française”. L’APS affiche partout et fièrement son jumelage avec le CNEFG (Centre National – français – d’Entraînement des Forces de Gendarmerie). Lors de leurs formations initiales, les différentes volées d’apprenants se déplacent, à grands frais et pompeuses parades, à Saint-Astier (F) pour s’y entraîner intensivement.

L’initiative laisse perplexe la majorité des cadres opérationnels et d’écoles de formations de police avec lesquels j’ai eu l’occasion de m’entretenir ces dernières années. Alors même que les coopérations bilatérales d’un pays à l’autre sont encouragées dans bien des domaines policiers, s’agissant du maintien de l’ordre, l’erreur de casting de l’APS est plutôt perçue comme une diversion.

France et Suisse : deux juridictions territoriales et géopolitiques distinctes.

En France, l’organisation centralisée des deux principales polices (Police nationale dans les zones urbaines et Gendarmerie nationale, rattachée au ministère de l’intérieur depuis 2009, dans les territoires étendus) ainsi que leurs développements historiques présentent des paramètres de gouvernance quasi opposés à nos quatre vingts polices (pour les principales) étatiques suisses fractionnées (communales, intercommunales, régionales et cantonales).

Toujours est-il que le nouveau directeur (de tutelle ?) du Conseil pédagogique de l’Académie de Police de Savatan sait par quoi il peut commencer son périlleux chantier de réforme…

Existe-t-il une alternative ?

Pour ma part, je préconise un maintien d’ordre qui puisse être délégué à d’autres agents d’État assermentés et spécialement formés aux contours sociologiques et politiques de notre Confédération helvétique. Ces agents (professionnels, semi-professionnels ou miliciens suivant la cadence des mobilisations) seraient rattachés à un concordat intercantonal. Nous avons su créer une telle entité spécifique aux flux de mobilité avec la Police des transports. Ce devrait être aussi envisageable pour la gestion des manifestations. Les policiers généralistes et les inspecteurs judiciaires, en nombre réduit car libérés de cette fonction d’ordre, pourraient, quant à eux, se tenir à l’écart, observer, identifier et se concentrer sur d’éventuelles interpellations.

Voir ma proposition détaillée en date du 30 août 2016 et publiée par le quotidien Le Temps.

 

 

 

* Les violences sont improductives.

Celles commises par les manifestants engagent leurs auteurs, uniquement. Je prie que ces derniers puissent être interpellés et conduits au procès équitable. L’acte 18 des gilets jaunes ce samedi passé à Paris a provoqué une hausse de violence très inquiétante et inacceptable.

Mais, celles commises par les agents des forces de l’ordre nous engagent, chacune et chacun, par association directe. Ce sont nos forces armées, déléguées, assermentées, rémunérées et formées selon nos prescriptions et nos ressources.

Je tiens donc le bon bout.

Celui de l’exemplarité.

Mais, tu crois quoi ?

Le tutoiement de la part des agents du service public est irrespectueux.

(1 minute de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Il y a cette réaction du service de médiation de la Ville de Zurich – et oui, la Ville de Zurich bénéficie d’un service de médiation ! Exemple à suivre.

Et, il y a cette lancinante impolitesse qui galope toujours dans les us et coutumes de plusieurs polices de notre pays… selon le type d’usager, d’interlocuteur… bien entendu. À tel point, que la semaine passée encore un député m’offrit la désolation suivante : ” Vous pensez ? Vraiment Monsieur Maillard ? Moi, qui suis connu, vous voyez, jamais un policier ne m’a tutoyé”.

Le tutoiement de la part d’agents policiers n’est pas digne d’une délégation ou d’une représentation d’État.

Pourquoi ?

1. Parce qu’il disqualifie la posture de l’État – qui se trouve être une personne morale aux multiples visages -, qu’elle soit communale, cantonale ou fédérale.

2. Parce qu’il fragmente l’attention policière portée à l’autre en raison d’un préjugé basé sur l’âge, la provenance, le statut, la vulnérabilité sociale ou la maîtrise d’une langue. Autant de facteurs qui réduisent l’habilité du policier à discerner et à établir le plus objectivement possible les raisons et les faits de son interpellation.

3. Toute ascendance est infondée. L’assermentation octroie à l’agent une légitimité qui revêt un caractère de serviabilité et non de supériorité.

4. Parce que la réciprocité ne serait pas admise alors que notre démocratie promet l’égalité, sans distinctions.

Résultat : autogoal et négation constitutionnelle.

Autant dire Vous !

Policiers et journalistes : les frères ennemis

En marge des manifestations des gilets jaunes à Paris, des confrontations violentes entre certains manifestants et certains policiers et du recours par les forces de l’ordre aux LBD (lanceurs de balles de défense), nombre d’interrogations subsistent dans le traitement de cette actualité par les médias et du rapport de force entre journalistes et policiers.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Policiers et journalistes : les frères ennemis

Telles ont été les questions – entre autres – abordées dans l’émission Médialogues d’Antoine Droux sur RTS La 1ère ce samedi passé 2 février 2019.

Policiers – journalistes, de nombreuses similitudes…

Deux professions qui présentent des similitudes mais aussi des dissonances et quelques hostilités.

En effet, toutes deux sont existentielles à la démocratie active, l’une dans le domaine de la sécurité publique et l’autre dans celui de l’information publique. Toutes deux sont légitimées par des reconnaissances professionnelles officielles (Assermentation et Registre Professionnel) et toutes deux se nourrissent d’investigations. La première sert le résultat de ses recherches au pouvoir judiciaire, séparé et indépendant ; la deuxième au tout-public (premier organe de démocratie semi-directe) via les médias – médiums.

Les deux professions sont médiums dans leur domaine d’activité.

Des médiums ou filtres que l’une et l’autre des professions incarnent dans le but d’objectiver l’établissement des faits pour les policiers et le traitement de l’actualité pour les journalistes.

Cette cohabitation dans le médium public et démocratique est source de tensions.

Les policiers ayant tendance à cultiver le secret et les journalistes à promouvoir à tout prix la transparence.

Policiers – journalistes, de la défiance…

Le policier, détenteur, représentant et répondant public de nos droits et devoirs peine à rendre compte de ses actes. Peu de policiers sont réellement conscientisés à leur obligation de justification. Dans la plupart de leurs formations initiales, les instructeurs cultivent, au contraire, l’exception, la force virile, une forme de suprématie avec cette propension, fort bien diagnostiquée par le sociologue David Pichonnaz (Dr.) dans son ouvrage “Devenirs policiers” aux éditions Antipodes, voir ici l’interview qu’il accorde à Migros Magazine le 09.08.2017, à vouloir se persuader d’être supérieurs (et irréprochables) aux autres citoyens, résidents, touristes ou migrants.

Les notions intrinsèques de service public avec tout ce que cela représente sont trop peu étudiées en formation de base de policier.

Si cette prise de conscience, cet honneur et cette fierté qu’incombe le service public, en parfaite conformité avec la devise “Servir et protéger”, présideraient les séances d’admission, bien des postulants revisiteraient, voire renonceraient, à leur engagement alors que d’autres, s’étant sentis peu concernés jusque-là ou ayant été écartés lors des recrutements, rejoindraient la police. Probablement qu’une meilleure adéquation s’instaurerait alors entre la personne et sa fonction pour moins de désillusions et de dépit, tels qu’enregistrés actuellement dans les rangs policiers.

Policiers – journalistes, certaines conséquences néfastes…

Notamment lorsqu’il s’agit pour le journaliste de publier son travail. Parfois, ce dernier encourt le risque de jeter l’opprobre sur des personnes innocentes et de violer leurs sphères privées dans le rendu d’une actualité par trop immédiate et vulgarisée. Et, pour le policier, le risque existe de couvrir des affaires ou de travestir des rapports afin de surprotéger ses pairs ou quelques accointances.

Lire aussi l’excellente analyse de Richard Werly, correspondant à Paris pour Le Temps, du 31 janvier 2019.

Lié aux questions de rapports entre journalistes et policiers, voir mon Avis d’expert du 13.10.2015 publié par Le Temps.

La police est une force de résolution

… et non d’opposition.

La police doit se voir comme une force de résolution – à notre service public – et non d’opposition.

La terminologie ne s’y trompe pas

La politia* nous vient des tréfonds de l’humanité et de son idée non négociable de vouloir et pouvoir vivre ensemble au cœur de la cité à une condition : que toute justice puisse franchir son temps de gestation.

Le temps de gestation

Les prémices de l’enquête jusqu’au procès équitable

Déléguer la protection de son bien-être à des tiers assermentés c’est croire à la distanciation nécessaire que réclame toute investigation, c’est plaider la séparation des pouvoirs et leur équité. Je ne saurais être juge et partie de toute affaire qui m’affecte au premier degré, encore moins si je suis victime d’un préjudice. Je charge donc les différentes entités de police d’enquêter, d’établir les faits et d’enregistrer les témoignages.

Cela correspond à une forme de gestation pouvant et devant donner naissance au procès le plus équitable possible.

Ce travail d’enquête – souvent long, les inspecteurs judiciaires les plus chevronnés vous le diront – requiert des qualités de persévérance et de minutie qui bien souvent s’opposent aux actions viriles, guerrières et d’opposition telles qu’elles s’observent, par exemple, dans le maintien d’ordre.

Des polices d’État en Recherche action & innovation

L’exemple fribourgeois

Développer les compétences de résolution civile à l’image de l’UGM (Unité de gestion des menaces ) créée par l’Etat de Fribourg et sa Police cantonale, c’est reporter l’opposition au dernier recours et privilégier l’anticipation et la détection. C’est faire preuve de politia*.

 

* Étymologie du mot police :

Le mot français police provient du mot latin politia, romanisation du mot grec πολιτεία (politeia), qui signifie « régime politique, citoyenneté, administration, partie civile » et du mot πόλις (polis), qui signifie « cité ».

L’extrême droite dans les polices ?

Ce n’est pas la première fois que l’actualité nous révèle cette accointance idéologique nauséabonde. Telles sont la lente et rampante découvertes faites à Francfort – lire l’article de Nathalie Versieux du 17 décembre passé (2018), correspondante en Allemagne du quotidien Le Temps.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

En Suisse, à Genève, un policier cantonal adepte du nazisme avait été dénoncé par sa commandante en août 2014. Il n’était pas le seul. Aujourd’hui encore, il m’arrive, au détour d’un vestiaire de l’une ou l’autre corporation de police de notre pays, de me trouver face à des insignes ou des slogans équivoques.

Les métiers armés d’ordre et de sanction ont toujours présenté un terreau sous-culturel enclin à une certaine doctrine arbitraire. C’est donc, entre autres, la raison pour laquelle, en 2013, le Conseil fédéral instaura, en première ligne du Brevet de policier, le cours obligatoire et éliminatoire sur les valeurs fondamentales de notre Constitution d’État de Droit nommé Module de formation Droits de l’Homme et éthique appliquée. Force est de constater que la prescription du médicament en Droits de l’Homme, dans le but de soigner d’éventuelles contagions, ne suffit pas. Les gouvernances de polices toutes entières doivent montrer l’exemple et rappeler manifestement et à chaque échelon leur foi et leur fidélité inaliénables aux valeurs fondamentales et universelles, garantes de notre démocratie active.

Les effets secondaires d’une prophylaxie enseignée au corps apprenant sans l’incarnation des dirigeants…

… génère des carences connues :

1. Un processus d’admission (appelé couramment recrutement) qui ne se soucie pas suffisamment de l’attachement du candidat aux valeurs universelles, à son ouverture au monde, à sa sensibilité sociale, au service et à la protection du plus faible. Cette dernière attention est au cœur du préambule de notre Constitution, devant laquelle le futur policier prêtera serment.

2. Une longue chaîne hiérarchique – peu adéquate en temps de paix – rigide et laborieuse qui, finalement, incite à la diversion les agents les plus influençables, ceux qui n’osent pas résister aux effets de groupe, aux pressions sociales et au “rendre-compte” public.

3. L’absence de contre-maîtrise institutionnelle, telle qu’on pourrait l’imaginer avec une direction de police collégiale et pluridisciplinaire ou la présence permanente d’un office de médiation neutre et indépendant.

4. Enfin, une formation de base qui n’investit pas ou trop peu l’histoire et la sociologie.

Prévenir le management plutôt que guérir le corps apprenant

Sans une radiographie structurelle et organisationnelle des institutions de sanction, la seule transmission des fondements constitutifs de notre cohabitation peut produire un effet biaisé voire contraire. La dispense valeureuse se dépose alors, telle une couche supplémentaire, sur les uniformes glacés et réfractaires de policiers saturés de consignes, d’ordres et de contre-ordres. Déjà agacés qu’ils sont dès leur instruction initiale, nombre d’agents policiers développent mille et une astuces pour se détourner des directives officielles et agir le plus secrètement possible en coulisses.

C’est dans ce retranchement institutionnel que, par cooptation mafieuse, prolifère des franges xénophobes et d’extrême droite *. Une élection de pseudos-justiciers s’émancipe alors et opère à l’abri de tout contre-pouvoir. Phénomène connu et largement documenté, notamment au Canada et dans les pays nordiques.

 

* toute autre extrémité politisée poserait le même problème.

 

 

Bravo le CHUV ! À quand le tour des polices ?

Remarquable initiative du CHUV, qui fait tout juste.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Je suis impatient de voir naître pareille action du côté de certaines polices… C’est pas faute d’avoir proposé. Mais, chut ! Le culte du secret, les “circulez y’a rien à voir” prédominent encore dans quelques “hôtels” barricadés.

Le CHUV s’engage contre le sexisme !

Lundi 26 novembre passé (2018), le CHUV a lancé une campagne d’affichage et ouvert une ligne téléphonique d’écoute pour prévenir et traiter les harcèlements sexuels dont sont victimes des étudiantes en médecine.

Sur RTS info, l’interview complète du directeur des ressources humaines du CHUV, Monsieur Antonio Racciatti.

Question de Nadine Haltiner, Radio La 1ère : “Est-ce que le milieu médical est particulièrement sexiste ?”

Réponse de M. Racciatti, DRH du CHUV : “Moi, je ne sais pas ce qui se passe dans les autres secteurs, je ne sais pas si le milieu médical est plus sexiste que d’autres. Ce que je peux vous dire c’est que dans l’institution du CHUV ça existe… et puis qu’on a décidé d’y remédier. Ce qui nous distingue peut-être des autres secteurs, c’est que nous on en parle et ouvertement.”

Les ingrédients d’une entreprise responsable

1. Un collectif officieux, informel, que la direction générale du CHUV reconnaît.

Je pense à un autre collectif qui dénonce depuis cinq ans les malveillances et le sexisme qui arpentent les couloirs et les salles d’entraînement de l’Académie de Police de Savatan sans que rien de conséquent ne soit entrepris pour y remédier, contrairement à ce que prétendent les représentants politiques parmi lesquels on compte Madame Béatrice Métraux et Monsieur Pierre Maudet. Ces derniers ont pourtant été alertés et interpellés de nombreuses fois par une psychologue, des intervenants juridiques, des témoins, des syndicats et les médias.

2. Les paroles sont libérées se réjouit le CHUV. La direction du CHUV, à son tour, décide d’en parler ouvertement.

Il existe encore des polices, membres assermentées du service public que nous finançons, qui craignent l’autocritique.

3. Ce collectif est pris au sérieux, il est sincèrement remercié. On lui fait confiance. Le collectif est associé, à part entière, à la direction générale du CHUV dans l’élaboration de la campagne de prévention et lors des présentations publiques.

4. Une vraie remise en question est initiée, concrètement. Elle est largement communiquée à l’interne et à l’externe, et rendue visible, tangible.

5. Le DRH du CHUV annonce sa détermination de vouloir changer de culture.

Le contre-exemple du secteur policier

est le plus dommageable que je connaisse…

(Pourquoi ?)

… car il oppose le sens de la mission étatique la plus visible et la plus emblématique ainsi que son devoir de dénonciation à la passivité, au silence. Il en est de même face aux discriminations raciales. À ce propos, lire le blog du 6 novembre passé 2018.

Avez-vous déjà entendu un commandant de police ou un DRH police reconnaître que sa corporation n’avait pas tout fait juste ?

Pour des institutions de police constituées au service et à la protection des plus faibles, la comparaison avec le CHUV fait pâle figure. Les polices que je connais, pour partie, ne sont pas promptes à se remettre en question. Elles ne sont non plus encouragées par leurs politiques, dont certains ne montrent en rien l’exemple de la transparence…

Si ce manque de courage prévaut également dans la lutte contre les criminalités, à l’extérieur, nos policiers détiennent alors une des explications majeures de l’amertume qui affecte nombre d’entre eux.

Le fusil d’assaut* policier ne suffit pas

Les menaces d’attentat sont réelles.

Nos polices civiles sont garantes de notre sécurité publique. Elles doivent donc y répondre en améliorant leurs connaissances des terrains de vie et d’habitation notamment dans les quartiers à forte densité. Elles ne sauraient répondre aux menaces terroristes par une course aux équipements. Améliorer l’armement de nos polices est nécessaire mais cela ne suffit pas. Les polices ne doivent pas suivre les montées en puissance des groupes criminels mais plutôt les déjouer.

Nous devons éviter que nos polices soient entraînées dans des formes de militarisation pour lesquelles elles ne sont pas habilitées.

Si les polices civiles entrent en guerre, elles seront perdantes.

Elles ne sont pas destinées au conflit armé.

Les polices ne doivent pas s’abaisser aux seules confrontations ni devenir une pâle copie de l’armée. Elles ont tant de facultés intrinsèques à développer.

Le piège existe

Ce que je crains : une course à l’équipement et aux investissements financiers et temporels (acquisitions et formations à l’usage du fusil d’assaut) qui se produirait au détriment du développement des compétences civiles de nos polices. Pour déjouer d’éventuels attentats seules les attributions intrinsèques de nos polices civiles sont efficaces. Les voici :

– L’investigation

– Le renseignement

– La proximité et la présence sur les terrains sociaux, la connaissance et le maillage des territoires pour prévenir les radicalisations et d’éventuels passages à l’acte.

– La collaboration pluridisciplinaire à l’exemple de la réponse de Winterthour, sujet de Céline Zünd pour Le Temps du 13 novembre 2018

– L’archivage studieux des indices et signalements

Néanmoins, je le répète, j’approuve ces acquisitions de fusil type SIG 553. Ce fusil est spécialement destiné à la police, comme le précise le Commandant Allain de la Police cantonale de Fribourg, et ne sert pas à conduire un assaut mais à contrer un risque de fusillade.

(Photo :  fusil d’assaut court facile à la manipulation, tire au coup par coup, se range dans les coffres des véhicules de police et dispose d’un système d’aide à la visée.)

Voir le sujet TJ RTS du 13 novembre 2018 – 19h30′

Voir mes blogs précédents du 21 août 2018 et 2 décembre 2016

« Je persiste et signe … » Andréas Janin…

… policier municipal lausannois du 1er mars 2014 au 30 novembre 2015.

Découvert, au sens propre, lors du reportage de Temps Présent sur la RTS le 27 septembre 2018, Andréas Janin confirme la recrudescence des discriminations lors des interpellations de police notamment à Lausanne où il exerçait au sein de Police secours.

Questions

  1. Aujourd’hui, vous vous exprimez ouvertement. Comment pouvez-vous expliquer cette pression qui réduit au silence et à la contradiction une majorité de vos anciens collègues ?

Andréas Janin. Clairement, c’est la sécurité et la stabilité qu’offre le job. La charge du travail est dense et dès notre entrée en fonction on se retrouve devant des rapports qu’on ne sait pas rédiger, qu’on n’a pas examiné dans notre formation initiale. À cela s’ajoute la pression du groupe basé sur l’encensement du maillon fort et l’exclusion du maillon faible. Se détacher du Corps de police en étant jeune, sans tarder, comme je l’ai fait est alors un avantage. Je ne m’étais pas encore trop livré et n’avais pas donné toute ma vie à la police… vie que je ne saurais renier ensuite.

  1. Si l’on vous rétorquait aujourd’hui que vous n’étiez pas fait pour ce métier ?

Andréas Janin. Je me sentais mal. Je ne pouvais pas rester complice de telles injustices. Soit je me battais à l’intérieur, c’est à dire contre plusieurs de mes collègues, soit je prenais de la distance pour comprendre puis en parler. Vous n’avez pas le choix. Prendre du temps c’est s’extraire de l’emprise du Corps.

 

“Policier, c’est être au service de l’humain.

Je le suis davantage aujourd’hui étant à l’extérieur de la police.”

Andréas Janin

le vendredi 2 novembre 2018 à Lausanne

 

  1. Maintenant que vous êtes, d’une certaine façon, libéré, quelle vision vous anime ?

Andréas Janin. Je plaide la création d’une entité indépendante et neutre à laquelle mes anciens collègues pourraient avoir recours pour des conseils, comme un lieu de vidage authentique. Actuellement tout est sous le contrôle de la hiérarchie. Les services sont muselés.

  1. Le cursus de policier dont vous bénéficiez est-il utile pour votre reconversion professionnelle ?

Andréas Janin. Ma formation de policier et son brevet fédéral ne me servent pas à grand-chose hormis l’expérience humaine. C’est aussi pour cette raison que très peu de policiers n’osent protester. Vous êtes très vite démunis en dehors de la grande famille police. La formation initiale de policier devrait offrir davantage de compétences sociales et approfondir les causes des maux et des criminalités. La vraie question c’est : que pouvons-nous faire pour mieux connaître les réalités sociales que nous côtoyons dans notre métier ?

  1. Sur la base des témoignages directs dont je dispose et de mes analyses, j’affirme que depuis plusieurs années nous assistons à une détérioration des comportements policiers et qu’une interpellation sur cinq comporte une discrimination. Pouvez-vous infirmer ou confirmer cette proportion ?

Andréas Janin. Oui, je confirme. C’est inquiétant. Dans le quotidien de Police secours une intervention est poussée par la suivante. Nos actions sont marquées par la méfiance. On n’arrive plus à faire la différence entre le danger et le service public. À la fin, on se venge. On se défoule sur les faibles. De mon point de vue, à Lausanne, là où j’agissais, c’est encore plus important comme proportion, jusqu’à deux, trois interpellations sur cinq sont discriminantes.

 

 

 

Délit de faciès : l’enlisement policier

Une demi génération au moins, c’est le retard qu’accuse la Police de Lausanne et d’autres dans l’exercice opportun de l’interpellation et dans l’application du moyen discrétionnaire lors des contrôles de personnes. C’est un déficit dommageable sachant que ces polices, principalement urbaines, doivent se positionner puis intégrer partiellement ou totalement les nouvelles sciences et modus operandi génétiques, prédictifs et autres méthodes d’anticipation et de robotisation. Il y a lieu de parier qu’elles resteront à la traîne encore une ou deux décennies.

Les conséquences sont connues : agents de terrain frustrés et désabusés, statistiques remodelées à la veille des élections, hiérarchies qui se couvrent et se recouvrent d’insignifiance.

L’excellent reportage de Shyaka Kagame et Gabriel Tejedor diffusé par Temps Présent RTS le 27 septembre passé (2018) révèle avec finesse et intelligence la problématique du délit de faciès et l’incapacité policière à la résoudre.

Discriminations persistantes au sein de plusieurs polices

Nombreux sont les intervenant-e-s externes qui ont constaté puis dénoncé publiquement une détérioration des pratiques d’interpellation et une augmentation des discriminations raciales depuis 2015, après s’être réjouis d’une accalmie liée à l’introduction du Brevet fédéral de policier dès 2004. Voir mon opinion publiée par Le Temps le 17 avril 2018.

La clairvoyance du policier courageux

Dans ce reportage, nous découvrons un – jeune ex – policier qui témoigne à visage découvert. Son diagnostic ne souffre d’aucune subjectivité. Il est le reflet des dizaines de policières et policiers que je croise chaque semaine et qui, pour diverses raisons, n’osent ou ne peuvent pas s’exprimer. Ils le feront, me rassurent-ils, une fois libérés du métier trompe-l’oeil.

Ce seul témoignage suffit par sa qualité argumentative.

Néanmoins, on peut regretter que ses anciens pairs aient oublié que la parole libérée reste l’arme la plus efficace du policier.

Articles de lois contre la discrimination raciale et professionnelle