A la police, les étrangers sont les bienvenus !

Les personnes d’origine étrangère représentent une plus-value pour nos polices suisses.

(2 minutes de lecture – Le féminin est compris dans le texte)

Dans plusieurs cantons leur naturalisation est facilitée. A la Police cantonale genevoise, par exemple, les personnes étrangères de plus de 25 ans sont admises en formation. Celles-ci doivent finaliser leur naturalisation suisse avant le terme de l’école de police.

Dans les analyses de pratique professionnelle, les apprenants policiers d’origine étrangère font preuve d’un esprit civique souvent plus développé que les Suisses.

Pas une semaine ne s’écoule sans que je sois impressionné par les compétences de jeunes aspirants policiers d’origine étrangère de deuxième ou troisième génération. Ces derniers saisissent avec épaisseur les valeurs de notre démocratie. Leurs décisions de s’engager dans un Corps de police reposent sur des vécus et des prises de conscience éprouvés. Notamment ceux dont les parents ont fui des pays en guerre. Leurs enfants saisissent – puissamment – le prix de la paix et de la liberté que leur offre la Suisse. Leurs motivations sont claires : ils veulent contribuer à la sauvegarde de nos valeurs fondamentales. Quant à ceux qui sont originaires d’Europe de l’Ouest ou du Sud, ils discernent la maturité politique de leur pays d’accueil et en sont reconnaissants. Ce qui n’est pas le cas de tous les aspirants suisses, dont certains laissent paraître une certaine suffisance et sont finalement assez peu conscients de la chance qu’ils ont de vivre ici.

La semaine passée, j’avais devant moi une classe de 36 étudiants policiers. Les deux tiers étaient d’origine étrangère; leur niveau de conscientisation politique et démocratique était supérieur à la norme.

Des policiers au passeport étranger sont actifs dans plusieurs cantons suisses. 

Les polices cantonales de Bâle-Ville (depuis 1996), de Schwyz, Neuchâtel et Jura comptent dans leurs rangs des policiers de nationalité étrangère. D’autres gouvernements cantonaux envisagent d’ouvrir leurs effectifs aux étrangers.

Si de telles dispositions sont précieuses et gratifiantes pour nos polices, je ne m’imagine pas qu’il puisse en être autrement au sein de notre société civile grâce à la naturalisation facilitée des jeunes étrangers de troisième génération.

 

Infantilisation à l’Académie de Savatan ?

Telle est la question que l’on se pose à la lecture – surréaliste – du Guide de l’aspirant de l’Académie de Police de Savatan.

(Le féminin est compris dans le texte – 2 minutes de lecture)

Des aspirants immatures ?

– Sait-on là-haut sur le rocher que les apprenants sont adultes et ont été éduqués avant leur entrée en cursus ? Dans le doute, pourquoi les aurait-on engagés ?

– Sait-on qu’ils ont été auditionnés, sélectionnés tout au long du processus d’admission par des corporations étatiques municipales, régionales et cantonales vaudoises, valaisannes et genevoise ? Ceci, bien avant que ces mêmes corporations les confient à l’Académie.

– Sait-on que ces aspirants bénéficient de contrats de travail les liant exclusivement à leurs Corps et Départements respectifs (par exemple celui de l’État de Vaud avec sa loi sur le personnel) avant, pendant et après (en cas de réussite) leur formation d’adulte ?

Ces questions ne sont pas anodines. L’Académie de Savatan n’est pas une entité policière en soi et n’a pas pour vocation de mener des actions coercitives, elle n’a pas l’autorité ni ne dispose de capacités opérationnelles.

Ce « guide » continue de faire parler de lui, comme dimanche passé 30 octobre (2016) sous la plume de Raphaël Leroy dans Le Matin Dimanche. Depuis 2013, il est aussi l’objet iconique des retrouvailles et des carnavals des anciens aspirants.

Je vous invite à vous le procurer et à lire ces 20 pages (sans compter la somme des annexes). Dans le menu détail, il explique à la mère et au père de famille comment se moucher, comment serrer une main, comment marcher… Bref, comment subir dans la plus minable des positions humaines les innombrables conventions dogmatiques de ladite académie… conventions qui, pour le coup… de grâce, ne collent absolument pas aux exigences des employeurs responsables du recrutement des aspirants…

Le contre-exemple parfait !

Un “guide” qui pourrait bien induire auprès des futurs agents du service public l’inverse de ce que nous sommes en droit d’attendre d’eux.

Il trompe l’aspiration policière et brise son évolution. Je ne sais pas vous ? Mais moi, j’aspire à forger une assermentation de policiers qui puissent interroger la légitimité des grades qui les entourent et auxquels ils seront naturellement conviés un jour. Je rêve de policiers qui puissent s’opposer, et le cas échéant, dénoncer ou corriger sur le champ le comportement indigne et immoral de plusieurs instructeurs et intervenants de cette même Académie. Je rêve de policiers qui puissent initier leur développement personnel en toute responsabilité – tel que le prévoit légalement leur pouvoir discrétionnaire -, marcher à contre-courant, au nom du Droit, s’il le faut. Autant de qualités et de caractéristiques intrinsèques à la nature du policier qui ne démord pas face aux crimes puissants, mobiles et maléfiques.

Je crains que les ressortissants de Savatan s’écraseront, encore et toujours, devant les injustices auxquelles ils sont parfois confrontés dans le cadre de leur formation. Continueront-ils de se murer dans un silence de plomb jusqu’à l’obtention de leur Brevet fédéral ?

Pour terminer, j’aimerais rappeler la faille cruciale qui ressort de toutes les analyses de pratique professionnelles et comportementales effectuées auprès de policiers suisses en exercice, et ce, depuis neuf ans : une majorité d’entre eux nous signale souffrir d’un manque de reconnaissance et de considération.

Ce guide n’aide pas.

Deux courts extraits du Guide de l’aspirant :

7.1 L’entretien

… Ne faites rien de votre propre chef sauf oubli manifeste de votre interlocuteur… ne vous balancez pas d’une jambe sur l’autre, ne triturez pas d’objet pour vous donner une contenance,…

7.2 Attitude à l’extérieur

Lors de déplacements à pied en compagnie d’un supérieur vous devez vous placer à sa gauche. Si vous êtes deux, le plus gradé se place à sa gauche et le second à sa droite ou à quelques pas en arrière.

 

Qui doit porter la parole policière ?

L’invité du quotidien La Liberté du 26 septembre 2016, responsable de la communication de la police cantonale fribourgeoise, relève l‘importance d’être policier de métier et issu du rang pour exercer cette fonction médiatique.

Question du journaliste : vous êtes le premier responsable de la communication à être policier. Un atout ?

Réponse du policier : oui clairement ! Ma hiérarchie voulait améliorer ce secteur. Mes collègues me font confiance. Ils savent de quoi je parle car j’ai travaillé dans l’opérationnel durant plusieurs années. Connaître le fonctionnement interne facilite mon rôle de communicateur. Il y a aussi davantage de respect.

(2 minutes de lecture. Le féminin est compris dans le texte)

J’entends toujours ces mêmes arguments. Ils ne me convainquent point. … parce que je ne suis pas policier ? Non, car je suis bénéficiaire des prestations de police, comme chacun d’entre nous. Je me trouve être au point de finalité du processus policier et le mieux placé pour connaître mes besoins et ceux de ma communauté. C’est précisément à ce croisement d’échanges de procédés, entre le prestataire et l’usager (ou le contrevenant ?), que certaines corporations policières se figent, repliées sur elles-mêmes.

Une population multiple, une police multiple

Prenons l’exemple du secteur de l’habillement qui intègre depuis des décennies des professionnels issus de la clientèle au service de leur communication afin de concilier les intérêts des uns et des autres et surtout répondre le mieux possible aux exigences des consommateurs. En police, « nous » – j’utilise le « nous » dans l’idée du service public – devons être encore plus soucieux que les entreprises de l’économie privée n’étant pas soumis à la rentabilité ni à la concurrence. « Nous » devons traduire nos prestations policières, y compris contraignantes, d’une façon vulgarisée, ouverte et autocritique.

Dans l’idée d’un carrefour commun d’intérêts, digne des diversités qui fabriquent notre démocratie, le service de communication publique d’une institution de police devrait réunir en son sein des ressortissants du Corps policier mais aussi des personnes aux compétences étrangères.

Une parole plus libre qui ouvre de nouvelles perspectives

  • Comme les personnes provenant de l’extérieur ne connaissent pas les ficelles de la profession, elles questionneront les praticiens policiers et les obligeront à s’expliquer autrement, à revisiter leurs conditionnements et peut-être même, dans certains cas, à se corriger.
  • Mais encore, ces personnes de l’extérieur échappent aux pressions hiérarchiques et aux qualifications internes souvent compromettantes et subjectives. Elles se sentent plus libres de réformer certaines méthodes désuètes et d’inventer de nouvelles stratégies.
  • Enfin, elles révèlent d’autres points de vue et d’autres perspectives nécessaires à la sauvegarde de la paix et au respect des différences dans un État de Droit comme le nôtre.

 

Armes et espace public

“Acquérir une arme létale vous engage dans un processus lent et complexe pour aboutir à une action rapide. » C’est en ces termes que les policiers instructeurs de tirs, avec lesquels je collabore, introduisent leurs cours.

En effet, aucune arme de défense, qu’elle soit morale, politique, spirituelle ou létale n’est efficiente, à terme, sans qu’au préalable, son détenteur ait pu discerner son intention initiale, réfléchir son comportement et finalement entraîner sa parole, son geste et son attitude le long du processus d’apprentissage.

Une population porteuse d’armes au quotidien : une idée mort-née !

Bernard Wicht, Professeur à l’Institut d’études politiques, historiques et internationales de l’Université de Lausanne et invité du journal RTS La Première du vendredi 16 septembre passé (2016), est favorable au port d’armes généralisé, selon le principe de liberté accordée aux citoyens. Monsieur Wicht pense qu’il faut diffuser le port d’armes auprès de la population.

Ce principe pourrait me plaire. À priori, il me semble juste. Pourtant, à y lire les risques de plus près, son application détournerait la vocation de l’espace public.

Armer l’espace public nécessite l’arbitrage d’une autorité déléguée, reconnue par tous et détentrice du pouvoir d’interpellation.

Une autorité investie par nos soins et qui puisse nous rendre compte de chacun de ses gestes comme devra le faire cette policière de l’Oklahoma, aux Etats-Unis, ayant abattu un homme noir le 16 septembre passé (2016). Comment gérer les actions armées de personnes privés au sein de l’espace public, détentrices du pouvoir de neutralisation, sans qu’elles aient été investies et mandatées sous assermentation, sans qu’elles puissent bénéficier de formations continues, sans qu’elles soient dotées d’un pouvoir public et transparent ?

Que les populations soient responsables de leur défense, y compris en situation de paix, ne fait naître aucun doute en moi. Raison pour laquelle nous devons nous mêler de très près de la gouvernance de nos polices et de notre armée de défense. Nous devons aussi étendre les prérogatives et augmenter les champs disciplinaires de nos corporations policières.

Pourquoi alors ne suis-je donc point favorable à l’armement généralisé de la population ?

Armée de milice

En Suisse, plus de 180’000 adultes sont déjà armés, incorporés et prêts à nous défendre en cas de guerre. On peut y ajouter les milliers de membres des sociétés de tirs, les milliers d’amateurs et toutes celles et ceux qui ont épuisé leurs obligations militaires. La population adulte suisse est accoutumée aux armes et un grand nombre en dispose déjà.

Temps de paix

Nous ne sommes pas en guerre. La tentation politique – émotionnelle – d’imprimer la guerre sur nos fronts, depuis les attentats de Paris, est mortifère. Les menaces terroristes ne nous réduisent pas à la guerre. Aucunement. En ce sens, je partage l’avis de Michel Serres exprimé dans le quotidien Le Monde du 10 septembre 2016. En Europe, nous vivons des temps de paix comme jamais nous n’en avions connus. Prétendre le contraire, reviendrait à ignorer ce que représente le basculement et les ravages destructeurs de la vraie guerre. Celle qui vous déracine et broie vos lendemains, celle qui entrave vos libertés et votre dignité, de fond en comble. A ce que je sache, nos militaires ne contrôlent pas nos mouvements au bas de nos rues, dans nos quartiers. Darius Rochebin ne présente par le TJ en uniforme et le code pénal ainsi que les tribunaux sont toujours civils. Équiper d’armes létales les citoyens suisses reviendrait implicitement à reconnaître, dans les usages et coutumes de notre pays, l’entrée, de fait, en guerre. Ce serait forcer le scénario catastrophe, sans mesure aucune, et bousiller du jour au lendemain nos espérances et nos tentatives de prévention et d’éducation.

S’incliner et se coucher devant la propagande et les attaques des terroristes : jamais !

Il n’est pas question, pour moi et tant d’autres, d’accorder nos pas au rythme de danse macabre que ces cinglés tentent de nous imposer. Sans compter ces autres individus, esseulés et désabusés, qui se jettent sur la même piste de danse à la conquête d’un partenaire de mort.

Multiplicité des armes

Les armes sont diverses. Pas question pour moi non plus de désarmer les citoyens mais plutôt de promouvoir la multitude d’armes à notre disposition. Dans une démocratie vivante, la prévention des dégénérescences des conflits violents s’opère de mille manières et par des moyens, instruments et armes tels que le savoir, la transparence, l’initiative, le référendum, le service milicien non obligatoire et, entre autres, l’usage formé et encadré d’armes létales.

Je suis favorable au service militaire milicien mais pas à la généralisation du port des armes.

Pas de confusion entre sphère privée et espace public

L’espace public ne saurait succomber aux velléités privées de quelques téméraires.

Nos bibliothèques sont ouvertes et libres d’accès, nos écoles, nos institutions, nos fondations culturelles battent le plein… Ne disposons-nous pas d’armes suffisantes pour résister à la tentation de nos peurs ?

Enfin, en relation à la posture policière, je suggère d’armer nos comportements et de réduire les risques mortels d’accidents de voiture, de pollution, d’incendie, qui, à ce jour, comptabilisent des probabilités bien plus fortes de nous atteindre de plein fouet qu’une attaque terroriste. Je ne minimise pas les menaces terroristes et leur augmentation mais je refuse de m’y soumettre.

Oui, je l’entends cet instinct qui clame l’action fortuite pour taire les assauts d’un tireur fou déboulant sur la terrasse de mon café. Je l’entends. Je la comprends. Dans ce cas hypothétique, la dégaine de mon arme automatique que je devrais avoir sur moi, après me l’être procurée, et l’avoir révisée, et chargée, tout en la protégeant du tempérament joueur de mes enfants, engendrera tout au plus un vaste business sournois et une lourde régulation juridique, ce, au détriment de notre vivacité démocratique.

L’entreprise est disproportionnée.

Ne greffons pas une deuxième tête d’armement industriel et généralisé sur le monstre terroriste.

 

Libérons les policiers de tout maintien d’ordre !

(3 minutes de lecture)

(Le féminin est compris dans le texte)

Une activité chronophage

Le maintien d’ordre engloutit des milliers d’heures d’entraînement et de présence, fort onéreuses. Ce, au détriment des urgentes et complexes investigations des milieux et réseaux pédophiles, terroristes et extrémistes de tous bords.

Le maintien d’ordre éloigne le policier de ses missions essentielles que sont la prévention, la protection des personnes, l’accueil des plaintes, l’enquête, l’interpellation et la garde à vue (appelée aussi arrestation provisoire ou de courte durée). Voir Habilité du policier suisse.

Le maintien d’ordre n’est pas une nécessité policière

A l’examen des principales compétences de police, notamment celles nécessitant un solide secret de fonction, le maintien de l’ordre est bel et bien une des tâches que l’on pourrait soustraire sans conséquences néfastes. La prestation du maintien d’ordre est étrangère à l’intrinsèque vocation des polices de bien public. Elle se réfère à des tactiques militaires et fait appel, dans les situations extrêmes, à des modes opératoires qui s’apparentent à une forme de guérilla urbaine.

Qui pourrait s’en charger alors ?

Des agents d’Etat assermentés, autres que policiers, pourraient se charger des opérations de maintien d’ordre, accompagnés qu’ils seraient de quelques policiers judiciaires ou tacticiens.

Par exemple, en Suisse, les Assistants de Sécurité Publique Niveau 3. (ASP3), moyennant un complément de formation, seraient tout à fait aptes au maintien d’ordre lors de manifestations publiques ou sportives. Ils seraient encadrés par des policiers expérimentés qui, le cas échéant, procéderaient aux contrôles, fouilles ou interpellations. Ces ASP3 sont des auxiliaires de police aux compétences variées (voir l’exemple genevois). Il sont uniformés et armés.

Quatre avantages d’intérêt public

Je vois quatre avantages à libérer nos policiers de terrain de tout maintien d’ordre lors des manifestations publiques.

  1. Soulager les ressources humaines et les dépenses publiques. Transférer le maintien d’ordre préserverait les forces policières judiciaires, d’enquête, de proximité, de prévention des violences et déprédations, de sensibilisation et de protection de l’environnement.
  2. Encourager et faciliter l’entraide intercantonale. Les différentes directions et corporations de polices pourraient plus facilement mettre à la disposition de leurs pairs et voisins le personnel non policier affecté au maintien de l’ordre sans obliger les policiers en exercice à interrompre le fil des enquêtes et des procédures en cours.
  3. Élargir le rayon dissuasif. Confier le maintien de l’ordre à des agents professionnels (exemple : les ASP3 – voir plus haut) et/ou à des miliciens de sécurité publique formés et assermentés permettrait encore de diversifier l’identité des interlocuteurs de sanction et par là même de renforcer la dissuasion.
  4. Maintenir l’autorité de l’État de Droit. Ces agents d’État s’investiraient, en dehors des mobilisations de maintien d’ordre, dans diverses tâches de surveillance, de protection et de rétention. Les Assistants de Sécurité Publique le font déjà dans plusieurs cantons. Ainsi, la parenté policière d’une commune ou d’un canton s’en trouverait enrichie.

La violence. Quelle violence ?

La violence humaine et privée n’est pas comparable à la violence étatique et morale commise par des représentants de l’État; la police étant la branche la plus visible.

(Le féminin est compris dans le texte.)

(2 minutes de lecture)

La violence dite privée est inacceptable, mais… inévitable*.

La violence d’État, quant à elle, est injustifiable et à proscrire, quelles que soient les circonstances. Elle est évitable.

Plusieurs fonctionnaires de police ont sollicité mon opinion après les récents événements de Payerne qui font écho à leur champagne “Stop à la violence contre les policiers !”.

Les violences contre les policiers n’engagent pas directement notre qualité de citoyen. Évidemment, leurs auteurs doivent être identifiés, interpellés, jugés et condamnés.

Les violences commises par des policiers à l’encontre de citoyens, de résidents ou autres usagers, par contre, nous engagent directement. Elles engagent l’État et par voie de délégation : nous autres. Nous avons confié la force légitime aux policiers. Nous sommes donc en droit d’exiger une application proportionnelle. Et, pour en être assurés, les aspirants policiers bénéficient de formations d’adultes, initiales et continues (… et rémunérées), à l’application professionnelle des droits humains, de l’éthique et aux techniques et tactiques d’interpellation, d’intervention et de défense.

Je n’ai – heureusement sur le plan des libertés individuelles et sociales – pas d’emprise sur mes concitoyens et autres personnes qui usent de violence à l’encontre de nos fonctionnaires de police. Je ne suis pas responsable de leur éducation ni de leurs comportements. Je peux que le déplorer avec vigueur et quelque-fois du dégoût. Par contre, je suis témoin tacite et coresponsable, à de nombreuses occasions publiques et solennelles – telles que les journées portes ouvertes des centres de formation de polices, les assermentations, les manifestations d’honneur, les cérémonies de passations de commandement et dans certains cantons, les bureaux de vote, les écoles, etc. – de la vocation, des paroles et des gestes de nos représentants de la force publique en ma qualité de bénéficiaire de leurs services et de leur protection.

Il m’arrive régulièrement, lors des cours de perfectionnement, d’accueillir les complaintes de policiers qui justifient leurs brutalités en réponse aux violences qu’ils subissent. Je récuse cet argument et plaide ce qui suit :

« Vous pouvez vous plaindre de la saleté qui réside dans votre quartier et de la malpropreté de votre voisinage, mais, il vous adviendra toujours de nettoyer votre demeure; et de commencer par celle-ci puis de transmettre votre exemple à la nouvelle génération policière. Il ne vous sert à rien de prétexter la saleté ambiante pour ne pas entretenir votre stature, votre honneur et votre lieu de résidence. De plus, je vous fais remarquer que votre hôtel corporatif est public et qu’il officie comme modèle pour le plus grand nombre. »

Enfin, je recommande l’ouvrage de référence et de définition : Dictionnaire de la violence. Edition puf. Sous la direction de Michela Marzano.

* dans le champ professionnel, l’interdiction de consommer de l’alcool ou des produits stupéfiants, l’encadrement institutionnel et le cadre juridique préservent le fonctionnaire de toute dérive. Alors que le champ privé renferme parfois des colères et des désillusions insoupçonnées et incontrôlables. Seule la bienveillance de l’entourage peut, le cas échéant, pallier à quelques difficultés avant que n’interviennent les services sociaux et l’ultime secours policier.

Les outils de contrôle policier. Pas d’excès !

Faut-il permettre aux policiers de recourir plus facilement à des outils de contrôle tels que les tests ADN avec séquences codantes ?

Faut-il étendre les surveillances téléphoniques ?

Ces questions taraudent nos élus.

Contexte et actualité

Après de nouvelles violences en Ville de Berne, dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 mai passés, le municipal bernois Reto Nause a déclaré vouloir permettre aux policiers de recourir à des écoutes téléphoniques plus étendues qu’aujourd’hui.

Précédemment et à la suite du quadruple meurtre de Rupperswil, en Argovie, le 21 décembre 2016, l’idée d’extension des tests ADN est à l’examen. Le conseiller national Albert Vitali a déposé une motion dans ce sens.

Eclairages

Les polices suisses, depuis leurs créations, régissent toutes leurs opérations en respectant quatre principes de base, immuables :

  1. Tout individu, interpellé par la police, est présumé innocent. C’est le pouvoir judiciaire qui condamne, en dernière sentence, non la police; questions d’objectivité et de séparation des pouvoirs.
  2. La police respecte la sphère privée de toute personne. Normal, son champ d’action est public*.
  3. Les efforts consentis par la police et permettant d’établir les faits doivent conduire au procès le plus équitable possible.
  4. La police respecte inconditionnellement l’intégrité physique, morale et psychique de tout individu.

Ces quatre fondements nous préservent – et protègent aussi les agents policiers – des abus. Ils justifient que nous assermentions et déléguions aux tiers policiers le choix d’engagement et d’opportunité ainsi que les usages de la force, de la contrainte et de la privation momentanée de la liberté.

Les écoutes téléphoniques en Suisse sont réalisées, aujourd’hui, avec l’autorisation de l’autorité judiciaire (cantonale ou fédérale) qui dirige la procédure pénale.

Les tests ADN en Suisse sont opérés, aujourd’hui, dans plusieurs situations de contrôle d’identité ou d’enquête. Ils ne sont autorisés que pour l’examen des séquences non codantes, c’est à dire non converties en protéines. Seul le sexe des individus est décelable.

 

Prises de position

Compléments à l’écoute du débat sur Forum RTS La Première du 23 mai 2016

Extension des tests ADN

L’idée de vouloir étendre les tests ADN aux séquences codantes dans les situations de meurtres ou de viols est, selon moi, justifiée; pour, au moins, trois raisons :

  1. Les séquences codantes permettent d’identifier la couleur des yeux, des cheveux et même la stature des personnes suspectées.
  2. Les tests codants confirment les soupçons portés sur une personne mais innocenteront aussi celle qui serait accusée, voire condamnée, à tort. Aux USA, récemment, plusieurs personnes ont ainsi été innocentées et libérées après des années de prison…
  3. Le champ d’action est interpersonnel, circonscrit par les agents policiers et les scientifiques associés.

Je ne vois donc aucun problème à ce que l’on puisse procéder à de tels tests, y compris sur ma propre personne, le cas échéant. Je connais les paramètres d’une telle démarche et je donne ma confiance aux polices.

La dose fait le poison

Extension des surveillances téléphoniques

Dans l’intention d’étendre les écoutes téléphoniques, la confiance que je pourrais accordée aux policiers ne servirait pas à grand chose. Car ces derniers ne maîtrisent pas l’entier du processus de collecte des données qui, pour grande partie, est – ou sera – dépendant des entreprises commerciales de télécommunications et de gestion numérique. Plusieurs de ces firmes sont d’obédience privée. La police est administrée par le service public. Augmenter les écoutes téléphoniques à des fins préventives, collecter des milliers de conversations non contextualisées puis les analyser afin d’en extraire une action préventive est aussi problématique que bénéfique. Ce champ technologique est pratiquement illimité et les ramifications gigantesques. Qui peut me garantir que des collectes erronées à mon sujet n’aboutissent pas dans les serveurs des services secrets étrangers avec de fausses indications et des liaisons biaisées ?

L’intelligence de nos policiers serait alors engloutie par de puissants moyens technologiques non circonscrits.

La volonté d’étendre les surveillances téléphoniques ne permet pas de garantir qu’elles soient toujours ciblées, justifiées et proportionnelles.

 

* Le boulanger, avant qu’il ne devienne policier, pouvait interdire l’accès du public à son laboratoire de fabrication du pain. Il doit comprendre qu’aujourd’hui, devenu policier, les paradigmes ont changé. Il travaille au service public. Tout en préservant la confidentialité des enquêtes en cours son champ opérationnel est devenu transparent. Cette transparence est garantie par la loi.

Un corps faible est commandé.

Un corps fort agit.

Ne dit-on pas que le silence des bons est plus terrible que les actes des méchants ?

Alors, pourquoi le nouveau Président de la Société suisse des officiers (SSO) s’évertue à vouloir défendre le silence compromettant de ses membres ?

Pourquoi considère-t-il les propos du chef de notre armée, devant un parterre de 150 officiers généraux d’Etat-Major à Brugg (AG), comme, finalement, si peu graves ?

Son allégeance serait-elle façonnée par deux poids, deux mesures ?

(Le féminin est compris dans le texte – 2 minutes de lecture)

Le Président de la SSO minimise les propos de son chef mais incendie l’action de dénonciation des officiers informateurs aux médias. Sur les ondes de La Première (RTS), le mercredi 11 mai 2016 passé, dans l’émission Forum, il déclare : « … scandaleux… le fait qu’il y avait dans ce séminaire… un ou deux, ou trois, officiers qui ont… accueillis les mots du Commandant de Corps et les ont distribués aux médias… »

Pourquoi ne pas se réjouir de la résistance d’hommes d’honneur face aux propos, pour le moins irrespectueux, de leur chef suprême ?

Au sein des corps de notre armée, comme de plusieurs de nos polices, notamment celles qui maintiennent des réminiscences militaires dans leurs organisations et leurs hiérarchies, le désir d’un management plus ouvert et plus transparent se fait sentir. La sous-coutume du silence et de l’omerta n’a plus la cote.

Dans cette affaire de Brugg et selon le Président de la SSO, le fait d’avoir rompu l’asservissement du groupe est bien plus grave que le fait d’avoir dénoncé les déclarations indignes du chef. C’est bien cette attitude de faiblesse qui doit changer.

Œuvrer pour un management qui ne craint plus la critique.

Une telle évolution est salutaire.

D’une part, elle renforce la lutte contre les criminalités. Je constate que les enquêtes judiciaires menées par des inspecteurs à l’esprit frondeur et indépendant aboutissent à de meilleurs résultats. Ces policiers ne se laissent pas intimider par des supérieurs blasés, frustrés ou pire, paresseux.

D’autre part, cette nouvelle forme de gouvernance transversale vivifie la démocratie et facilite la dénonciation des irrégularités et des connivences nuisibles.

Dès lors, pourquoi craindre que des officiers supérieurs prennent leurs responsabilités en estimant que le maintien en alerte de notre démocratie est bien plus important qu’une certaine forme de loyauté envers un chef déviant ?

La vidéosurveillance nous rend borgnes !

Peut-on s’y accoutumer, au point de n’y prêter plus aucune attention ?

La banalisation de l’image continue neutralise-t-elle nos capacités de discernement, de remise en question et de prévention ?

La prolifération des vidéosurveillances est une menace pour le développement des habilités policières… et fait de nous des citoyens borgnes !

Dans l’Arc jurassien suisse, plusieurs projets de surveillance filmée des déchetteries ont été abandonnés; les bases légales étant – heureusement – très exigeantes. L’arrêt du Tribunal fédéral du 13 octobre 2010 précise que la vidéosurveillance dans les espaces publics est une atteinte à la vie privée et qu’elle doit être l’ultime moyen d’assurer l’ordre.

Qu’on produise les meilleures technologies pour assurer notre sécurité ne souffre d’aucun pli. Néanmoins, selon moi, nous devrions préalablement répondre à une première question et se déterminer sur les quatre points qui suivent :

S’agit-il d’une démarche de sécurité privée ou publique ?

Privée : toute personne physique ou morale est libre d’organiser sa sécurité et sa sûreté sous le couvert des lois en vigueur.

Publique : les précautions sociales du “vivre ensemble” ainsi que les compétences discrétionnaires des policiers doivent être préservées. Ces dernières, en particulier, sont les meilleurs atouts que possèdent les policiers dans la lutte contre les criminalités. En plus du respect des dispositions légales, je recommande donc :

  1. qu’une réflexion et qu’une concertation entre les autorités et la population locale précède l’acquisition d’une installation vidéo.
  2. Que sa programmation informatique soit maîtrisée par deux parties civiles, au moins, disposant de compétences variées et complémentaires.
  3. Que cette démarche de vidéosurveillance soit accompagnée d’une communication publique proactive et d’une formation gratuite ouverte à toutes les personnes concernées et intéressées. Enfin,
  4. qu’une instance d’Etat (exemples : police communale, justice de paix, préfecture, etc.) se porte garante du traitement des images avant d’éventuelles transmissions aux pouvoirs exécutif (polices cantonales ou municipales ou régionales disposant des prérogatives judiciaires requises) et judiciaire.

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Du cas particulier vers une dérive de la surveillance généralisée (ou dite de  masse – voir lien de sensibilisation actif – cliquer ici)et le risque d’aliénation du travail d’investigation policière !

Le premier danger pour le policier : qu’il perde progressivement ses moyens d’interprétation (à discrétion et de façon opportune), son flair professionnel dans le courant des enquêtes ainsi que la bonne et respectueuse compréhensions des origines des maux de société. Il deviendrait alors l’auxiliaire d’une robotique sans état d’âme avant de lui céder sa place.

Deuxième danger pour le policier : qu’il puisse s’imaginer poursuivre les malversations – principalement – sur la base de données filmées et enregistrées l’éloignerait peu à peu des causes criminologiques, des résolutions de problèmes et de la collaboration avec d’autres acteurs de bonne volonté.

Danger pour nous tous : placer au sein des espaces collectifs d’éducation, d’orientation professionnelle et de responsabilisation (écoles, centres de tri des déchets, centres communautaires et d’animation socioculturelle, etc.) des caméras de surveillance signifie – en apparence du moins – que l’on renonce à nos facultés humaines de gérer nos propres lieux de vies par nos propres compétences comportementales, y compris celles que l’on délègue à nos policiers assermentés.

 

 

Lente agonie des vertus policières françaises ?

Le retour des oiseaux migrateurs confère à notre printemps un air de désinvolture. Les sujets d’actualité, quant à eux, se sont ultra-sédentarisés, comme s’ils restaient figés dans les pages les plus sombres de notre histoire.

En France, l’Etat d’urgence régurgite son lot d’abus, de violences et d’immaturités policières.

C’est ce que nous révèle le rapport de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), publié en mars 2016. Cette ONG internationale est réputée pour son indépendance et sa rigueur. Elle compte parmi ses membres actifs des fonctionnaires d’armée et de police de tous rangs.

L’enquête en question est préoccupante, pour deux raisons. D’une part, la légitimité et l’exemplarité des polices de la République voisine sont compromises, notamment aux yeux des jeunes générations. D’autre part, les forces de polices françaises semblent ne point disposer d’outils pour résoudre leurs propres carences.

Chaque institution publique doit pouvoir compter sur des organes d’évaluation critique, et si possible, indépendants.

La menace terroriste

Actuellement, sur nos terres européennes, je distingue quatre axes de prévention et de lutte contre le terrorisme :

  1. Harmonisation des codes juridiques et judiciaires d’un pays à l’autre.
  2. Sécurisation et échanges des paramètres informatiques entre pays dotés des instruments adéquats (les 28 membres de l’UE ne sont pas égaux dans leurs moyens).
  3. Conduite de missions opérationnelles et d’investigations sur le terrain par l’enquête, la récolte d’indices probants et la neutralisation des personnes dangereuses ou potentiellement dangereuses.
  4. Information, sensibilisation et promotion des expériences et réflexions socioculturelles dans les cercles scolaires et les milieux associatifs.

Cette dernière action est capitale. Elle solidifie les trois premières.

“A quoi sert de nous battre si nous asséchons nos valeurs culturelles et morales ?” Avertissait Churchill au coeur de la deuxième guerre mondiale. Les mêmes propos ont été tenus par les défenseurs armés de Sarajevo qui subissaient le plus long siège de l’histoire de la guerre moderne (du 5 avril 1992 au 29 février 1996). Les mauvais gestes policiers, extrêmement dommageables, répertoriés dans le rapport de l’ACAT-France desservent non seulement la prévention des menaces terroristes mais aussi et surtout l’esprit constitutif de nos démocraties.

Nos constitutions sont forgées dans le respect et la protection des intégrités et des libertés humaines, sociales et culturelles.

Résolution & innovation

Peut-on, enfin, imaginer voir des policiers, actifs du bout à l’autre de la chaîne sécuritaire – radieux dans le sauvetage d’un animal domestique et hargneux dans l’usage de la force proportionnée -,  intervenir dans les cycles scolaires obligatoires ? Accompagnés de tous les volontaires de la démocratisation active, les animateurs socioculturels, les soignants, philosophes, théologiens, etc… ; ils témoigneraient, ensemble, de la complexité de la lutte antiterroriste, à toute échelle : temporelle, informatique, juridique et géographique.

Et, par la même occasion, ces agents du service public pourraient se valoriser personnellement et restaurer les essences des polices d’Etat de Droit… avant qu’elles n’agonisent.