Nouvel an, mise au rang, pan pan pan

Une petite mise au rang pour le nouvel an ?

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Lorsqu’on m’interroge sur les causes qui entravent les évolutions de nos polices, celles qui persistent envers et contre tout, j’en évoque principalement deux.

  1. La mise au rang ou l’anesthésie des grades

J’ai constaté que bien des policiers civils* bradaient leur ambition originelle et annihilaient leurs initiatives dans une lente et rampante dilutions de leur responsabilité personnelle lorsque celle-ci était mise au rang.

C’est souvent comme ça dans les corporations détentrices d’armes, d’ordre et de sanction. L’appointé est mis au rang par l’appointé-chef qui est mis au rang par le caporal qui est mis au rang par le caporal-chef qui est mis au rang par le sergent qui est mis au rang par le sergent-chef qui est mis au rang par le sergent-major qui est mis au rang par l’adjudant qui est mis au rang par le lieutenant qui est mis au rang par le premier-lieutenant qui est mis au rang par le capitaine qui est mis au rang par le major qui est mis au rang par le lieutenant-colonel qui est mis au rang par le colonel qui ne sait plus pourquoi il est là.

 

C’est ainsi que voulant protéger son métier, notre policier le perd.

  1. Les sous-groupes informels

Ils constituent la deuxième entrave et sont encore plus sournois que la mise au rang décrite plus haut. Ces groupuscules opèrent leurs influences dans les coulisses, les carnotzets et les vestiaires. Ces sociétés, fraternités et autres clubs, plus ou moins secrets, de type mafieux, para-sportifs, pseudo-guerriers, agissent selon le principe de la redevabilité. Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette…

La franc-maçonnerie, au demeurant honorable dans ses buts, est, entre autres confréries, régulièrement suspectée par certains policiers d’influencer le choix des promotions au sein d’institutions policières suisses. C’est aussi le cas à l’étranger comme nous le révèle cette nouvelle affaire qui secoue le Royaume-Uni. Le débat fait actuellement rage dans les rangs de la Police d’Angleterre et du Pays de Galles après le départ, fin décembre 2017, du chef de la Fédération nationale de ladite police. Celui-ci critique les liens occultes qui semblent favoriser les membres de la société franc-maçonne au sein de l’institution policière. Ces mêmes compromissions bloquent, toujours selon lui, plusieurs réformes à l’interne. À l’inverse, le responsable de la Grande Loge unie d’Angleterre s’est plaint publiquement et par voie de presse des pressions subies par ses membres, notamment ceux qui exercent une fonction de police. Ceux-ci sont souvent contraints de se réfugier dans l’anonymat. L’ex-chef de la Fédération de Police d’Angleterre et du Pays de Galles, quant à lui, rétorque et précise qu’appartenir à la fois à la franc-maçonnerie et à la police expose les agents concernés à des situations délicates et à des formes d’allégeance pour le moins ambivalentes. Enfin, toujours selon cet ancien représentant de police, il semblerait que les femmes et certains ressortissants des minorités en fassent les frais.

Pas de doute, c’est plus d’une nouvelle année et ses douze mois qu’il nous sera nécessaire d’arpenter, contre vents et marées, pour restaurer le management de nos polices civiles.

*Les grades sont par contre utiles, voire nécessaires, dans les structures militaires, celles prévues pour l’état de guerre, celles soumises au régime judiciaire d’exception et devant agir dans les situations de dégénérescence et de violence généralisées. Dans pareille déconfiture, les ordres ne sauraient être discutés. À contrario, les polices civiles s’activent dans des régimes de paix et interagissent avec des organes et des appareils de pouvoirs civils et pluridisciplinaires. Dans les temps de paix, les innovations et les résolutions naissent précisément en dehors des soumissions et des gradations, elles apparaissent dans le débat contradictoire et les remises en question.

Police violentée

Inaperçues, les conclusions du rapport du Conseil fédéral publiées le 1er décembre 2017, il y a seulement quelques jours, recouvertes qu’elles ont été par d’autres faits d’actualité et harcèlements sexuels.

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Mieux protéger les employés de l’État contre les actes de violence,

tel est l’intitulé de ce rapport qui donne réponse au postulat 13.4011 de la Commission des Affaires Juridiques du Conseil National *.

Conclusions du rapport

Nous lisons dans ce rapport qu’à défaut d’un état des lieux national il est pour l’instant quasi impossible de répertorier de façon objective les actes et tentatives de violence à l’encontre des employés de l’État (policiers, gardes-frontière, travailleurs sociaux, personnel hospitalier ou scolaire). Les disparités statistiques d’un canton, d’une Commune, d’une institution et d’une autorité à l’autre sont trop importantes. Les seuls chiffres, non définitifs, en relation avec les condamnations de l’article 285 du Code Pénal montrent une oscillation depuis 2006 et une légère baisse, inexplicable, depuis 2012 et 2013… Néanmoins, le Conseil fédéral propose quelques pistes d’amélioration ; législative, organisationnelle, pédagogique et de politique sociale.

D’autre part, l’usage des armes à feu par les agents d’ordre dans le cadre de leur fonction à diminuer de moitié depuis 2010.

Réflexion

Les violences à l’encontre des employés d’État sont aussi significatives qu’inacceptables. S’il est vrai que les policiers, par exemple, sont la représentation instituée et uniformée du gouvernement exécutif, il n’en demeure pas moins que ce sont des femmes et des hommes, en chair, en os et en émotion, qui animent la fonction.

Des responsabilités distinctes

Il est entendu que dans l’exercice courant de sa pratique, le policier engage plus de responsabilité que le citoyen ou le résident. Il représente l’État et les moyens qui lui sont conférés sont bien plus importants que ceux dont bénéficient le citoyen.

A quoi reconnaît-on un policier ?

C’est la raison pour laquelle j’interroge toujours et d’abord l’acte assermenté du policier avant la liberté du citoyen.

Deux paradoxes

  1. Comment valoriser l’humain derrière la fonction, notamment policière, tout en préservant l’uniformisation et le matricule ?
  2. Comment valoriser la fonction sans déshumaniser le policier ? Alors que d’aucun voudrait voir cette fonction augmentée et davantage robotisée ?

Ces deux questions, comme autant de dilemmes, sont lourdes de conséquences. Car privilégier l’humain derrière le policier c’est risquer son intégrité comme le montre bien les conclusions du rapport fédéral cité plus haut.

En résumé, s’en prendre à l’État c’est toucher l’humanité du fonctionnaire. Par trop surprotéger l’humanité du fonctionnaire c’est prendre le risque de dénaturer l’objectivité et la moralité de l’État.

* En octobre 2010, le Conseil national a renvoyé à sa Commission des affaires juridiques la pétition 10.2016 ” Stop à la violence contre la police” déposée par la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP), afin qu’elle élabore une intervention parlementaire dans ce sens. Ladite commission a ainsi déposé en novembre 2013 le postulat 13.4011 “Mieux protéger pénalement les employés de l’État contre les actes de violence”, qui charge le Conseil fédéral d’évaluer dans le cadre d’un rapport la nécessité de prendre des mesures pour mieux protéger les employés de l’État contre les actes de violence.

Complément avec l’Avis d’expert « Violences : qui est responsable ? » publié par le quotidien Le Temps le 24 février 2012

Policier gentil versus répressif ?

La passe d’armes pourrait lasser.

Nous sommes de plus en plus nombreux à signaler une forme de violence sournoise qui affecte quelques formations de polices. Les commandants et les élus politiques concernés – indirectement – s’en défendent. Bien normal…

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… si ce n’est cette propension à faire croire que notre intention serait de dénaturer voire de démanteler les forces de polices.

Voir article publié dans 24Heures du 10 juin 2017 : 24heures-Pichonnaz

Qui a suivi une seule heure d’un de mes cours connaît mes efforts à rendre nos polices plus fortes encore et mieux armées qu’elles le sont déjà. L’opposition du gentil policier au “robocop” nous égare. Puiser son élan, son enthousiasme et ses forces intérieures dans le profond respect de l’autre ne réduit en rien, pour un policier, sa dextérité et son action physique de coercition. Tout au contraire.

C’est que la dualité “policier prévenant – policier répressif” n’a pas lieu d’être. Ce faux débat entraîne nombre de susceptibilités vaines et le fond du fond finit par crever dans l’œuf avec son lot d’interprétations plus folâtres les unes que les autres.

La question de fond du fond

1. C’est quoi qui rend fort un policier civil d’État de Droit pour se défendre et défendre autrui, en proximité et résolution de problèmes comme en répression ?

Au lieu de répondre à cette question de fond, on nous rappelle, ce sur quoi j’insiste moi-même dans toutes mes pratiques : que sur le champ sécuritaire – attention, là encore, il est nécessaire de contextualiser le résultat de l’étude de l’Académie militaire rattachée à l’EPFZ auquel d’aucun se réfère – le taux de sympathie accordé à nos polices par notre population est excellent*, que cela me réjouit, que l’usage de la force policière est légitime et nécessaire, que les moyens tactiques, techniques et armés qui appuient la parole et le geste policiers doivent être les plus efficaces et les plus sophistiqués possibles, que la protection et l’autodéfense du policier est non seulement cruciale mais garante de notre démocratie… comme une plaidoirie que je fais mienne à toute occasion et chaque jour.

La « militarité »

Le terme est emprunté aux discours de nos voisins et amis français. Il trouve son essor linguistique en 2009 dans le transfert de la Gendarmerie du Ministère des Armées à celui de l’Intérieur. Chez nous, il sonne creux. Contrairement aux policiers nationaux ou municipaux, les gendarmes français disposent d’un statut militaire. En Suisse, les policiers patrouilleurs généralistes latins (y compris des services de Police Secours) que l’on surnomme parfois gendarmes (dans le canton de Vaud notamment) sont des policiers civils et l’ont toujours été. Je parlerais donc plutôt d’une forme de militarisation. Celle-là même qui squatte passagèrement et historiquement nos institutions de police à vocation et nature civiles.

Un étrange amalgame

Je persiste et signe. Sur un plan structurel, cette militarisation n’a rien à faire dans nos polices, ni du point de vue judiciaire ni du point de vue professionnel (au contraire du citoyen militaire en très grande majorité milicien). Pas les mêmes codes pénaux, pas les mêmes attributions politiques. Les rapprochements sont tendancieux. Ils font l’amalgame de deux forces diamétralement opposées. Deux forces qui méritent distinctions. Deux forces que le politique a volontairement organisées et légiférées séparément : l’une pour les temps de paix, l’autre pour les temps de guerre.

Passé cette confusion, il est parfaitement concevable et utile que certains modes organisationnels ou logistiques militaires puissent profiter à quelques opérations de polices – elles restent toutefois minoritaires  – comme celles liées au maintien de l’ordre par exemple.

Deux autres questions subsistent et ne sont toujours pas élucidées

2. La force policière est convoquée par quelles références de Droit ?

3. Non ou mal maîtrisée, la force policière peut devenir violence, donc faiblesse. Quand est-ce que la bascule s’opère ?

Ces deux dernières questions complètent la première. Pour notre population, les références et les maîtrises policières sont invisibles – contrairement à la présence uniformée dans nos rues – inconnues ou incomprises. Pour ces raisons et en sa qualité de bénéficiaire, notre population est en droit d’examiner et d’évaluer le comportement de ses polices de service public. Ce à quoi s’appliquent des chercheurs universitaires et des experts (indépendants ou non ?), députés ou observateurs.

Quelles références de fond du fond ?

Réponse : l’assermentation à la Constitution fédérale et de surcroît, cantonales. Préambule, extrait : « … sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres… ».

Que dire et que penser si durant sa formation, un aspirant policier, qui se prédestine à porter assistance au plus faible, est moqué, insulté et bafoué, que sa dignité psychique est violée, que son physique et son genre sont discriminés ?

Quelles maîtrises ?

Réponse : la devise « Servir et protéger » dans la proportionnalité de l’usage de la force, de la contrainte et de la privation momentanée de liberté et la non discrimination négative (le profilage, appelé aussi discrimination positive, sur signalements professionnels étant naturellement admis) dans le déploiement discrétionnaire et d’opportunité. Ces dosages sont subtils et exigeants. Pas toujours faisables. Je suis le premier à comprendre et à soutenir l’agent dans l’erreur, la fatigue ou la frustration. Mais diable, que les corporations de police instaurent des lieux de vidage et de réhabilitation, quelles s’ouvrent davantage aux compétences externes et reconnaissent leurs écueils. Taire les discriminations, comme c’est encore le cas aujourd’hui au sein de certaines institutions, laisse présager des formes de démissions multiples de policiers démotivés qui abandonnent la profession ou se contentent de faire figuration.

“Comment faire pour ne pas se confondre aux attitudes criminelles que l’on combat de toutes ses forces si je ne veux pas sombrer à mon tour dans la revanche et la violence ?”  Me confiait la semaine passée un policier cantonal romand sous-officier supérieur expérimenté.

La réponse à ces questions s’étend sur une génération au moins. Elle a nécessité des critiques extérieures aux institutions de police, des efforts de transparence, une bonne dose de remise en question, de la coordination fédérale et finalement l’élaboration d’un nouveau Brevet fédéral (instauré en 2004). Cette réponse tant attendue laisse envisager de futurs cursus de formation inscrits en Haute École Spécialisée de sécurité publique civile, d’une durée de 3 à 4 années et entrecoupées de formations pratiques (stages) à l’image des autres professions.

Commencer par dire NON !

Ne pas pouvoir répondre d’emblée à ces trois questions nous convie, pour le moins, à proclamer un NON ferme au spectre de l’autoritarisme et de la discrimination à chaque fois qu’il pointe son museau, qu’il souille notre Constitution et qu’il incite nos policiers au contre exemple.

 

 

 

* Extrait du rapport 2017 du centre d’études des questions de sécurité et de l’Académie militaire de l’EPFZ – Zurich sur le sentiment et la perception de la sécurité des Suisses.

« La confiance moyenne générale a significativement progressé en 2017 et est aujourd’hui supérieure à la moyenne enregistrée depuis de nombreuses années (6.3, 2017: 6.7, +0.1 par rapport à 2016). La police (7.9) continue de bénéficier de la plus haute confiance, suivie des tribunaux (7.4) et du Conseil fédéral (7.1) en troisième place. L’économie suisse (6.8), l’armée (6.8) et le parlement (6.6) se situent en milieu du peloton. Les partis politiques et les médias (avec 5.5), relégués au bas du classement, sont les institutions auxquelles on accorde le moins de confiance. Par rapport à l’année précédente, on accorde toutefois plus de confiance aux médias en particulier et aux partis politiques dans une moindre proportion. »

 

TRIAL, Public Eye, ONGs de police

L’ONG Trial International ou encore Public Eye s’apparentent à de véritables organismes policiers indépendants.

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La récente distinction universitaire du fondateur de TRIAL International, Philip Grant (Dr – Unige), nous rappelle l’œuvre courageuse et laborieuse qu’accomplit l’organisation qu’il dirige. Une telle organisation est comparable à une Startup de police.

Cinq régies définissent le travail policier

Les principes de base – hormis les exceptions dictées par le pouvoir judiciaire ou quelque forme d’état d’urgence et de préservation de la sécurité de l’État – qui régissent les missions de toute police d’État de Droit sont :

  1. Respect de la présomption d’innocence. Seule l’autorité judiciaire statue la culpabilité.
  2. Respect de la sphère privée.
  3. Conduite au procès le plus équitable possible. C’est la raison pour laquelle les polices sont chargées d’établir, par le travail d’enquête, les faits, les preuves et de définir les meilleurs signalements, indices, arguments et dossiers à l’adresse des juges.
  4. Énoncé des motifs de l’interpellation ou de l’arrestation momentanée, appelée garde-à-vue en France.
  5. Respect inconditionnel de l’intégrité physique, psychique et morale de tout individu en toutes circonstances.

En Suisse, il existe déjà une très large diversité policière

Toute autorité reconnue et assermentée qui applique l’une ou plusieurs de ces cinq régies engendre un acte policier. Que ce soit par le contrat privé d’une assurance, l’autorisation de construire un bien immobilier, la régulation d’un territoire et d’une temporalité de chasse de la faune, la préservation d’un patrimoine, la protection des eaux, l’officialité civile d’un mariage, la conduite d’un véhicule à usage public, le respect des normes d’hygiène ou encore l’inspection du droit au travail. Toutes ces prestations, non exhaustives, sont délivrées par des officiers d’État civil ou des notaires ou des inspecteurs assermentés et dotés de pouvoirs policiers et de représentation des autorités. Selon les cantons, ces fonctionnaires sont d’ailleurs dénommés officiers ou agents de police. Tous portent sur eux une carte de légitimation policière aux prérogatives plus ou moins étendues.

Les ONGs apparentées aux polices

Qu’en est-il des ONGs telles que Trial International ou Public Eye, qui, pour partie, agissent dans l’intérêt des régies policières décrites plus haut ?

Sont-elles apparentées aux polices usuelles ?

Selon moi, il ne fait aucun doute que de telles organisations contribuent de manière existentielle au travail de nos polices. Lorsque l’organisation TRIAL porte plainte contre l’ancien chef de la police du Guatemala ou que Public Eye dresse un dossier circonstancié sur les agissements douteux d’une société de négoce, l’une comme l’autre favorisent et facilitent la tenue de procès équitables et, in fine, le maintien de la justice et de la paix.

Félicitations à ces équipes performantes qui agissent comme de véritables polices !

 

 

Lâcher le formel pour convaincre

Vous êtes nombreux à me questionner sur les interprétations du « formel » en police.

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“Est-ce vraiment nécessaire d’user de tant de discipline, de “garde à vous !” et de mises en rang dans nos formations de police ?”

“Une pléthore de grades nous empêche d’agir spontanément.”

“Dans l’exercice de notre fonction, ne devons-nous pas improviser à tout instant et prendre de nombreuses initiatives ? C’est tout le contraire d’un esprit soumis au formel… non ?”

“Ne dit-on pas qu’un bon policier doit être souple et léger ?”

“Pourquoi surenchérir dans la chaîne des ordres et des protocoles ? Nous ne sommes pas des militaires qui nous préparons à la guerre… “

Un antagonisme

D’une part, il y a cette nécessité du formel imposée par la guerre et, d’autre part, il y a notre liberté, gage de toute paix durable. L’état de guerre implique, malheureusement, une forte discipline et une stricte hiérarchie. Notre survie de soldat incorporé peut en dépendre. En situation de paix, au contraire, le formel étouffe les initiatives, les remises en question et l’imagination. Pourtant ces dernières facultés sont indispensables à la résolution des problèmes que les policiers rencontrent au quotidien.

L’incroyable histoire de l’officier russe, Stanislav Petrov, qui, par son libre arbitre, évita la guerre (en septembre 1983), démontre l’importance de renoncer au formel en situation de paix. Voir le sujet développé par Luis Lema dans le quotidien Le Temps du 19 septembre 2017 en activant ce lien. Cet ancien Lieutenant-colonel russe empêcha une guerre qui aurait été dévastatrice. Extrait de l’article : « …à l’inverse de ses collègues, tous issus des écoles militaires, Stanislav Petrov avait été formé dans le civil, ce qui le rendait un peu moins enclin à suivre aveuglément les ordres.»

Faire un choix

Nous nous trouvons donc devant un choix à faire : conserver le formel pour nous préparer à la guerre ou réduire le formel pour maintenir la paix. Il y a dans ce dilemme deux écoles de pensée, deux aspirations, deux codes pénaux et deux organisations judiciaires.

L’expérience diplomatique suisse

Voici ce que me confiait récemment une chercheuse et ancienne fonctionnaire fédérale en charge de négociations interétatiques :

« Plus il y a de formel, de formalités, plus le cadre est stricte, moins il y a de sincérité, de spontanéité et de projets qui en résultent. Moins il y a d’espace pour bouger et moins d’engouement dans les prises de décisions novatrices. D’où l’importance de lâcher le formel pour convaincre.

Le but des rencontres formelles ? Elles permettent d’étouffer toute velléité et d’éviter les gaffes ministérielles. »

Moins de formel et nos polices seront plus fortes. Les talents qui les composent pourront éclore.

 

Remerciements

J’en profite pour remercier celles et ceux, la plupart policières et policiers – ils se reconnaîtront – qui me font régulièrement part de leurs suggestions.

Tel fut le cas pour ce 56ème blog.

Appel

Dans le prolongement de cette thématique liée au formel, plusieurs d’entre vous m’ont suggéré d’explorer le suréquipement policier mais aussi les insignes ainsi que les tatouages affichés ou non dans les métiers de sanction. Si vous détenez des sources sérieuses et objectives en la matière, je suis preneur.

Briser les tabous !

… dans quelque milieu institutionnel que ce soit.

C’est l’intrinsèque nature des institutions que de distordre le rapport humain, de l’enfouir sous les justifications administratives, logistiques et hiérarchiques. Comme autant de prétextes qui font place au silence et à la résignation. Le phénomène est connu. Il court depuis l’origine de nos conquêtes.

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Le sujet de Caroline Christinaz, du quotidien Le Temps, publié le 7 septembre 2017, est excellent parce qu’il enfonce le clou.

L’article en question :

Violences obstétricales : les femmes percent le tabou

“Le débat se ravive autour de pratiques exercées en milieu hospitalier notamment sur des femmes sous anesthésie. Les étudiants témoignent, certaines femmes dénoncent…”

Il enfonce le clou alors que tout semble aller pour le mieux.

Nos routes sont sûres, les prises en charge médicales suisses et voisines les meilleures du monde, nos maisons de retraite très bien dotées, nos prisons frisent le luxe…, nos édilités performantes et nos polices plébiscitées. Mais, se pose-t-on une seule fois la question du pourquoi ?

Nos institutions sont faites pour être critiquées

L’institution est ce contenant moral qui accueille nos compétences et nos diversités individuelles comme autant de contenus mobilisés en vue de l’accomplissement d’une prestation. En critiquer l’organisation interne revient à en épargner les individus, en deçà des infractions. Leur permettre à ces individus de se former, de se corriger et de progresser. Ne rien faire c’est encourir le risque d’une dégradation qui se répandra, à coup sûr, sur les “Une-s” des médias et dans l’achèvement de quelques réputations personnelles. Ces seules raisons devraient nous inviter à maintenir la pression pour que nos rues soient toujours aussi propres alors même qu’elles surclassent les moyennes européennes; devraient nous encourager à faire la lumière sur cette problématique médicale et d’atteinte à l’intimité féminine, décrite plus haut, et qui présente tant de similitudes avec les discriminations persistantes dans certains comportements policiers. Voyez ce pharmacien qui publie sur un blog, cette étudiante qui témoigne et cet autre via une revue scientifique, sans pour autant démanteler la profession médicale. Au contraire, de telles critiques favorisent les évolutions institutionnelles et épargnent les individus dans leurs quêtes du bien-être.

Le seul mot “discriminations” fait encore bondir nos corporations de police. Et pourtant, elles n ‘ont pas à craindre la mise à jour de ces tabous.

Seul le déni peut salir leur profession.

 

Non à la peine de mort !

La peine de mort entrave le long et minutieux travail de la police. A son insu, cette dernière se voit soudain privée de toute remédiation possible.

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Une exécution capitale est non seulement un gravissime autogoal pour l’État de Droit mais représente aussi un cinglant revers dans l’évolution des enquêtes policières. N’oublions pas que nos polices sont codétentrices des archives pénales (au côté de l’autorité judiciaire). Une peine capitale et irréversible signe le désaveu de toute détermination policière dans les investigations criminelles.

Sauver des vies avant tout !

Nous le savons tous, une personne peut être condamnée à tort. Or, il est de plus plus fréquent, aux États-Unis notamment, de voir surgir, par le fruit du hasard, le regroupement d’affaires judiciaires et les progrès technologiques, de nouvelles preuves de culpabilité ou d’innocence. C’est à ce stade précis qu’interviennent les polices douées de compétence criminalistique et de persévérance pour ré-ouvrir certains dossiers et, in fine, libérer des individus du couloir de la mort, parfois bien des années après leur condamnation.

L’intention policière de « servir et protéger », à commencer par le plus faible, détermine les règles (ou régies policières) permettant de respecter toute loi démocratique. Condition sine qua non pour se voir conférer en sa qualité d’agent de police, sous assermentation, les deux pouvoirs exclusifs et exceptionnels que sont la coercition et le discrétionnaire. L’interpellation ou l’arrestation provisoire ne sont, à ce stade, que des conséquences.

Les régies policières ?

Au nombre de cinq et universellement admises en procédure judiciaire :

  1. Le respect de la présomption d’innocence.
  2. Le respect de l’intégrité physique, morale et psychique.
  3. Le respect de la sphère privée.
  4. L’énoncé des motifs d’interpellation et de privation de liberté momentanée (garde à vue) à la faveur de tout individu concerné.
  5. La conduite – ou l’amenée – au procès équitable (le policier établit les circonstances, les faits, les preuves, les témoins et les indices pour soutenir le déroulement d’un procès dont il/on espère l’issue la plus juste possible).

Actualité

Le travail des polices ne devrait jamais s’interrompre, même après une condamnation définitive par les tribunaux. Comme le démontre la suspension – quatre heures avant son exécution par injection létale -, mardi passé 22 août 2017, de la mise à mort de cet homme noir âgé de 48 ans dans l’État américain du Missouri. Condamné à la peine capitale en 2001, pour avoir tué une femme, des molécules ADN le sauvent in extremis. La récente analyse génétique a révélé que les traces trouvées sur l’arme du crime n’étaient pas les siennes. De plus, il s’est avéré que les témoignages recueillis à l’époque n’étaient pas fiables.

Découvrir, ici, d’autres cas innocentés (RTS info – 2014).

Policiers déterminés

Ils sont de plus en plus nombreux les policiers nords-amériains qui entreprennent de dépoussiérer, y compris sur leur temps libre, de vieux dossiers ou d’anciennes condamnations. Ils ont raison. La consécration du métier de policier consiste bel et bien à libérer les individus, leur opinion, leur mobilité et non à les détenir.

 

Les crimes contre l’environnement 2/2

Le concept de préservation de la nature à l’égal d’une personnalité juridique gagne les consciences. De plus en plus de gouvernements locaux, régionaux et nationaux s’engagent à faire respecter l’intégrité des éléments naturels ainsi que leurs habitants à l’exemple d’une trentaine de villes et Comtés Étasuniens, de la Nouvelle-Zélande, de la Bolivie, de l’Équateur, du Mexique, etc.

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Deuxième partie succédant au blog précédent : La police environnementale du 4 août 2017

En 2010, la juriste britannique, Polly Higgins, postule la reconnaissance du crime d’écocide. Elle a ainsi proposé à la Commission du droit international des Nations Unies que les crimes contre l’environnement composent le cinquième crime contre la paix aux côtés des crimes contre l’Humanité ou des crimes de guerre. Postulat que partage la juriste française Valérie Cabanes.

Les crimes contre l’environnement

Une définition qui progresse et s’émancipe

En l’an 2000, un rapport du gouvernement américain précise que l’atteinte à la nature par le biais d’une activité criminelle s’applique notamment au commerce d’animaux, à la pêche abusive et illégale, à l’exploitation sauvage des forêts, au commerce de matières précieuses en filières criminelles, à l’exploitation de matières nocives et à toutes pollutions par déchets et trafic de déchets, le tout à des fins financières.

Selon Interpol et d’autres sources concordantes comme la DGSE France, les revenus liés au trafic criminel des espèces et des biens naturels sont colossaux. Par exemple, les commerces d’essences de bois protégées atteignent la proportion d’un tiers du marché global et mondial. Cette activité illégale représente environ 30 milliards de dollars par année. La pêche interdite, quant à elle, rapporte environ 23 milliards de dollars. Les mafias (d’origine italiennes) ne sont pas en reste puisqu’elles généreraient 27 à 30 milliards de dollars uniquement dans l’évacuation des déchets toxiques à destination de pays d’Afrique ou d’autres contrées défavorisées. Enfin, le trafic d’espèces sauvages rapporterait 20  milliards de dollars par an.

Des précédents pour agir

Depuis le 15 septembre 2016, le tribunal international de La Haye*, aux Pays-Bas, peut enfin traiter les affaires qui lient la destruction de l’environnement aux violations des droits de l’homme. « La procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé l’élargissement de son champ d’action, pour la première fois, à certains crimes environnementaux. Désormais, la Cour, qui juge entre autres des affaires de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, s’intéressera également aux crimes liés à «l’exploitation illicite de ressources naturelles», à «l’appropriation illicite de terres ou à la destruction de l’environnement».

Pour Gillian Caldwell, directrice de l’ONG Global Witness, «cette décision montre que l’âge de l’impunité arrive à sa fin. Les dirigeants d’entreprises et les politiciens complices de l’expropriation de terres, de la destruction des forêts tropicales ou de la pollution de sources d’eaux pourraient bientôt se trouver assignés en justice à la Haye, aux côtés de criminels de guerre et de dictateurs. L’aide de la Cour pénale internationale pourrait permettre d’améliorer la vie de millions de personnes et de protéger des écosystèmes dans un état critique.»

Source de ce dernier paragraphe : Aude Massiot pour Libération le 16 septembre 2016

(Photo libre de droit)

Note

* Pour qu’un crime puisse être jugé par le Tribunal de La Haye, il doit avoir eu lieu après le 1er juillet 2002 dans un des 139 pays qui ont ratifié le statut de Rome ou que le prévenu soit originaire d’un de ces pays, ou encore que l’affaire soit transférée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Pour en savoir plus :

Un procès en cas d ‘école

Le dernier ouvrage de Valérie Cabanes

Radio émission Prise de terre

 

La police environnementale 1/2

Les incendies qui sévissent au sud de la France ou au Portugal nous rappellent l’extrême vulnérabilité de nos environnements naturels dont dépendent nos vies.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Première partie

Ces catastrophes révèlent aussi la complexité des forces opérationnelles à l’œuvre composées, entre autres, des polices environnementales et des services de protection ou de sécurité civiles (ces dernières engagent, par exemple, les avions bombardiers d’eau). Deux maillons de la longue chaîne sécuritaire qui interviennent en concert avec les pompiers.

L’occasion de nous pencher sur les polices environnementales.

Qui sont-elles ?

À quoi servent-elles ?

Les polices environnementales, telles qu’elles se nomment en France, sont essentiellement gardiennes des espaces protégés. En Suisse, nous disposons de gardes-faune ou gardes-chasse comme par exemple en République et canton de Genève ou encore d’un service particulier, intégré à la Police cantonale, s’agissant du canton de Berne.

Dans la plupart des cantons suisses, les gardes-faune sont uniformés et armés. Leurs prérogatives et territorialités sont assez proches de celles d’un policier cantonal. Pour ma part, j’ai eu l’occasion d’offrir à plusieurs d’entre eux des formations similaires à celles dont bénéficient les policiers cantonaux, dans le cadre du Brevet fédéral, notamment à Genève.

Des polices promises à un très grand avenir…

Le réchauffement climatique, le consumérisme touristique, la destruction volontaire de zones naturelles ou autres atteintes au respect des espèces vivantes sont autant de facteurs qui augmentent les risques environnementaux et nécessiteront d’importantes adaptations législatives, juridiques et policières.

Parle-t-on des menaces environnementales dans les formations de base de nos policiers ?

Évoque-t-on les crimes pouvant être commis à l’encontre de la nature ?

La semaine passée, je me suis entretenu, sur le terrain des incendies, au sud de la France, avec un responsable policier environnemental. Son point de vue sécuritaire (…jusqu’à l’identification criminelle d’une cause d’incendie…), sa philosophie d’action, son rôle préventif et ses actions pédagogiques, tout comme son équipement d’ailleurs, n’étaient en rien comparables à ceux d’un patrouilleur généraliste – appelé gendarme en France ou dans le canton de Vaud. L’attitude de ce policier environnemental, à l’apparence fluette, adepte de mobilité douce et de non-violence, tranchait avec l’archétype de nombreux de ses pairs amateurs de gros cubes et volontiers démonstratifs. Pourtant, tous ces agents d’État œuvrent en politia.

Je reste donc persuadé que de tels antagonismes policiers présentent des opportunités d’ouverture et de résolution indispensables pour relever les défis sécuritaires d’aujourd’hui et de demain : multiplicité et pluridisciplinarité des approches et des méthodes policières afin de mieux servir et protéger nos vies, nos biens et notre environnement.

Deuxième partie : les crimes contre l’environnement, la semaine prochaine, deuxième semaine d’août 2017.

iCop : police numérique

C’est lors du 9ème Congrès de la sécurité urbaine, le 8 septembre 2011 à Zurich, que la Police municipale zurichoise (la plus importante en effectif de Suisse) nous a présenté son projet et sa volonté de vouloir s’engager sur les réseaux sociaux par l’intermédiaire d’agents de police visibles.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Je me souviens. J’étais enthousiasmé par cette idée, qui rejoignait mon postulat exprimé lors de ma conférence, le même jour, en faveur d’un meilleur usage des voies médiatiques et numériques par les polices suisses.

Aujourd’hui, six ans plus tard, après un test opéré dès 2014, le premier policier de proximité zurichois s’affiche et intervient sur la toile.

Voyez le reportage de Noémie Guignard sur RTS – TJ du 10 juin 2017

Une initiative encourageante

Je ne peux qu’encourager les autres institutions de police à suivre cet exemple. Certes, la Police cantonale vaudoise, la Police municipale lausannoise ou encore la Police municipale de Crans-Montana sont déjà présentes sur les réseaux sociaux et répercutent leurs campagnes de prévention ou des avis de recherche de personne disparue, mais la démarche zurichoise va plus loin. Dans le cas d’espèce, c’est un policier, fort de son statut public, qui interpelle, modère, prévient, renseigne, bref, interagit en direct. Au lieu d’arpenter la rue, il fréquente le monde virtuel usant de ses facultés professionnelles.

Non, la posture du policier ne change pas.

La configuration juridique oui.

Le flou juridique

Le cadre légal régissant les réseaux sociaux est encore flou.

Au constat d’une infraction, quels sont les moyens à disposition du policier pour intervenir ?

La juridiction est-il délimitée au territoire d’assermentation ?

Nous devrons répondre à ces questions. En attendant, le policier peut détecter des irrégularités sur le champ virtuel et transposer ensuite ses observations sur le champ physique puis enclencher une procédure comme il a l’habitude de le faire.

Trois avantages !

au moins…

  1. S’offrir le moyen policier d’une relation avec les personnes les plus vulnérables ou isolées, celles qui n’osent pas déranger ou se présenter au poste de quartier.
  2. Détecter par capillarité sociale diverses formes de radicalisme et les confronter au tissu de proximité policière physique (à l’exemple de l’îlotage anglo-saxon).
  3. Espérer que la présence officielle de policiers sur les réseaux sociaux contribuera à freiner les ardeurs et les rancœurs de leurs collègues qui, parfois et à titre personnel, se répandent dans des propos indignes tout en contrevenant à leur devoir de réserve.