Crimes, délits et châtiments (suite…)

Le processus de fabrication démocratique et parlementaire a été bafoué. L’initiative de renvoi des étrangers délinquants est injustifiée et dangereuse. Elle ne soutient pas le travail de la justice ni de la police.

En cas d’acceptation, le retrait de l’autorisation de séjour provoquerait une recrudescence de clandestins. L’expulsion automatique, sans discernement, ouvrirait la voie à l’arbitraire… portant atteinte, tôt ou tard, à nos liens familiaux et professionnels.

Même les missions des polices s’en trouveraient affectées.

Des policiers au passeport étranger sont actifs dans plusieurs cantons suisses !

Les polices cantonales de Bâle-Ville (depuis 1996), de Schwyz, Neuchâtel et Jura comptent dans leurs rangs des policiers de nationalité étrangère. A Genève, les personnes étrangères sont admises en formation de police mais doivent obtenir leurs naturalisations pour l’examen du Brevet fédéral. – En passant, permettez-moi de douter des intentions de plusieurs militants genevois en faveur de cette initiative de renvoi. Eux-mêmes sont d’anciens policiers, ressortissants étrangers, et recruteurs de personnes étrangères …  –

Bref, dans ces cantons, l’expérience est saluée. D’autres gouvernements cantonaux envisagent d’ouvrir leurs effectifs aux étrangers.

Pour conclure, je voudrais exposer un exemple, plus que probant, auquel je serais confronté, sur le plan professionnel, si le peuple suivait l’avis des initiants. En analyse de pratique, on appelle cela un dilemme éthique.

Cas de figure

Voici la situation du policier bâlois prénommé Diego (fictif) arrêté par ses pairs et contraint à l’expulsion. Pourquoi ? Deux condamnations. Une première fois, il a été condamné pour conduite en état alcoolisé. Suite à son divorce, il a traversé une période difficile. Dans les milieux de police comme partout ailleurs de tels incidents se produisent. Les aléas de la vie le conduisent, ensuite, dans une seconde affaire privée. Il est maintenant impliqué dans une bagarre, avec blessés, malheureusement. Mon hypothèse est la suivante :

tandis que l’expulsion du pays serait certaine, celle de la police… ? Beaucoup moins.

La hiérarchie policière sanctionnerait son employé mais saurait, assurément, le protéger de toute expulsion de sa famille corporative.

 

 

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com