Crimes, délits et châtiments

Lire également le blog de Suzette Sandoz du 22 janvier 2016 intitulé “Chers concitoyens, on vous trompe : réagissez” – avec une précision chronologique remarquable – qui démontre l’usurpation de l’UDC.

Nous l’avons été, nous le sommes, ou le serons, un jour ou l’autre, tous, confrontés ou liés à un délit ou à une irrégularité de nature criminelle. C’est la vie.

C’est même la condition d’apprentissage de la vie.

Ce sont les difficultés que nous devons traverser ou que nous héritons.

C’est par cette prise de conscience que je débute tous les cours du diplôme supérieur de policier suisse.

L’exercice policier s’essouffle très vite sans cet effort d’introspection. Une introspection qui est professionnelle et institutionnelle. Naturellement, elle survient après le soin élémentaire apporté aux victimes, lorsqu’il s’en trouvent, et après les condamnations judiciaires.

Le policier maîtrise ses pouvoirs, avec soin, parce qu’il ne les détient pas. A l’échelle de l’état social, il en est de même. Vouloir déjouer les anticorps de notre construction démocratique et confier au peuple un pouvoir non maîtrisé ne résoudra aucune criminalité. Au contraire, les maux augmenteront, tel un cancer. Le corps social est fragile.

J’entends que l’on puisse me répondre que la décision du peuple en démocratie directe doit prédominer. Et bien non. Nous le savons tous, notre volonté et nos décisions sont soumises à notre état de santé, à nos facultés physiques, morales et psychiques et à notre environnement. Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons. Je ne peux pas obliger mon corps à gravir tous les sommets d’une chaîne de montagne même si je témoigne de la plus grande volonté.

La sauvegarde du système immunitaire de notre Etat de Droit est à ce prix.

L’ individu n’est rien sans les autres. L’interdépendance est vitale. Le peuple ne peut rien sans les institutions de Droit. La démocratie directe c’est le peuple et les organes d’Etat. L’un ne saurait dénigrer l’autre.

Sans vis-à-vis, je n’existe pas.

Sans contre-pouvoir, il y a abus.

Détourner l’équité des individus, se moquer des garde-fous forgés au fil des siècles, trier, ranger et exclure les criminels étrangers, arbitrairement et sans distinction, comme le propose l’initiative de renvoi des étrangers criminels revient à rompre cet état d’équilibre et de santé.

Enfin  –  et cela me désole –  je reconnais dans le parterre des initiants d’anciens policiers ou de frais émoulus retraités policiers qui essaient, tardivement, de jouer le rôle de leur vie : celui d’effacer au grand public leurs propres manquements passés, leurs déboires ou pire, leurs frustrations. Un peu d’introspection ne leur ferait pas de mal.

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com