Couvrez ce noir que je ne saurais voir

Le vêtement reflète les us et coutumes de l’humanité. Au cours de l’histoire, l’uniforme militaire apparaît dans le besoin de distinguer les combattants ennemis. Durant l’Ancien Régime, il sert à prévenir les désertions. On tisse, on brode. Ornements et passementeries empêchent alors les contrefaçons et autres usages inappropriés. Le statut militaire était enviable et digne de respect. L’uniforme devait impressionner les populations civiles. Les étoffes précieuses et richement décorées traduisaient les avantages sociaux de leurs détenteurs ou propriétaires. Les coiffes à plumes et épaulettes débordantes avaient pour but d’augmenter les statures physiques des officiers.

Du costume coloré à la combinaison noire

Aujourd’hui, dans la toute grande majorité des polices occidentales, l’uniforme noir, une pièce, est réservé aux unités spéciales d’intervention. Son usage poursuit deux objectifs : l’un, permettre à l’intervenant de se confondre aux environnements bâtis ou naturels, de jour comme de nuit, et l’autre, provoquer l’effroi dans la confrontation directe et physique.

 

Yuri Numerov
Yuri Numerov

 

L’habit ne fait pas le policier

 

En situation ordinaire ou d’apparat les couleurs des ordres militaires et des dignitaires religieux sont teintées de bleu ou de pourpre, parfois de vert et de gris. On porte haut les couleurs de son affiliation.

Les officiers généraux sont gantés de blanc, signe d’autorité admise et transparente, d’intention de paix, de sagesse et de confiance. Le gant noir est, à contrario, très mal perçu. Dans toutes les corporations porteuses d’armes, de sanction et d’ordre, le gant de cuir noir est réservé aux sans-grades et bourreaux à qui l’on délègue l’exécution des basses besognes, sanglantes et salissantes.

On ne badine pas avec la symbolique du noir. Le noir est sombre. Il représente la mort, la haine et le mal.

Aussi, faut-il le reconnaître, dans quelques occasions de grande solennité, il reflète également l’austérité d’une cérémonie de deuil ou l’inauguration d’une exposition d’art.

Le plus souvent, l’uniforme est la prolongation visible de l’Etat et de ses préceptes. Pas étonnant que se jouent précisément dans le déguisement et la dérision de ces attributs vestimentaires les ripostes et les grèves de certains fonctionnaires de polices. Travestir l’uniforme réglementaire reste, je suppose, assez jouissif.

En raison de ces acquis, la tenue noire est une exception. Seule une opération policière devant produire une extrême détermination face à un adversaire potentiellement dangereux justifie de se couvrir de la sorte.

 

Un policier civil, entièrement vêtu de noir, de la tête aux pieds, le long de ses journées de service n’est pas porteur de bonnes nouvelles.

 

Soit il obéit à une mission exceptionnelle, et, dans ce cas, nous sommes plutôt rassurés, soit il fomente de troubles intentions… et, dans cet autre cas, il vaudrait mieux pour tout le monde que nous découvrions quelles sont les faiblesses auxquelles il est soumis.

 

Natan Vance
Natan Vance

 

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com