Yémen : l’évêque suisse de six nations arabes…

Un Capucin suisse, Mgr Paul Hinder, a la charge des Emirats arabes unis où il réside, du Sultanat d’Oman, du Yémen, de Bahreïn, du Qatar et d’Arabie Saoudite ! Six pays pour un seul évêque, c’est la particularité de ce Vicariat. Les fidèles sont tous des étrangers, la plupart asiatiques, 900 000 dans les Emirats arabes unis qui y habitent pour des raisons professionnelles, occupant généralement des postes au bas de l’échelle sociale. Ils sont très motivés et très engagés au service de la communauté et sont animés d’un vrai génie logistique, car il y a peu d’églises (pas du tout en Arabie Saoudite) et il faut tout organiser. Elles ne doivent pas avoir de signes chrétiens extérieurs et sont toujours pleines à craquer, malgré l’enchaînement des messes chaque dimanche. La semaine avant Noël, il y avait 10 000 Philippins à chaque messe ! C’est un réconfort pour Mgr Hinder qui avoue qu’il n’aurait pas aimé être un évêque en Europe. – Dans l’ensemble, les chrétiens sont tolérés et jouissent même souvent de sympathie, car chacun sait qu’on peut compter sur eux. Paul Hinder est même reçu officiellement avec sa longue soutane blanche identique à celle des hommes musulmans. Il a demandé de nouveaux terrains pour construire de nouvelles églises, mais la réponse se fait attendre depuis 3 ans. En Suisse, il y a 150 mosquées pour une population 5 fois moins nombreuse que le nombre de chrétiens dans le Vicariat où il n’ y a que 20 églises ! Mais il reste prudemment optimiste.

Attaque contre un hospice des Sœurs de Mère Teresa

Des hommes armés ont semé la terreur le 4 mars dernier dans un hospice pour personnes âgées en tuant 16 dont 4 religieuses étrangères. A Aden des groupes djihadistes rivaux profitent du chaos dans lequel le Yémen est plongé depuis un an entre les forces sunnites gouvernementales reconnues par la communauté internationale et soutenues par l’Arabie Saoudite, et une rébellion chiite soutenue par l’Iran, les Houthis. Selon le Capucin suisse, cette attaque est liée à la religion. “Nous savions que la situation était difficile à Aden et que les Sœurs couraient un risque, mais elles avaient décidé de rester quoi qu’il arrive”. L’ONU affirme que plus de 3000 civils ont été tués depuis mars 2015, auxquels il faut ajouter au moins 3000 combattants…

Un Cheikh présent à l’inauguration d’une église à Abou Dhabi

Lors de l’inauguration de l’église St. Paul à Abou Dhabi en juillet dernier, le Ministre de la culture des Emirats, le Cheikh Nahyan ben Mubarak Al Nahyan était présent. “On ne verrait pas cela dans la France laïque, ajoute l’évêque, les gens n’ont pas peur de montrer leur identité. Je trouve que l’Europe devrait réfléchir, car on ne peut pas éliminer complètement la religion et la foi de la vie publique. Ce serait aller contre la nature de l’être humain.” Mais il y a des contraintes. Les chrétiens doivent accepter les lieux qu’on leur donne, les croix ne doivent pas être visibles, le prosélytisme est interdit. Et pourtant, en tant qu’évêque, Paul Hinder a plus de liberté dans son homélie que l’iman de la mosquée qui doit soumettre son texte aux autorités avant le vendredi ! “Nous ne sommes pas égaux, c’est vrai, mais beaucoup de choses sont quand même possibles. Quand les orthodoxes russes ont présenté leur projet d’église avec coupoles comme au Kremlin, la municipalité a dit non, mais le Cheikh a dit oui. Nous sommes le pays le plus libre de la péninsule arabique”. – Malgré tous les dangers, l’évêque suisse tient à rester. Il ne veut pas abandonner son troupeau.

Alstom construira 600 trains en Afrique du Sud

Alors que dans plusieurs pays d’Afrique centrale règne un climat de guerre civile et/ou de dictature plus ou moins latente, l’Afrique du Sud va de l’avant,  améliore ses infrastructures et ses moyens de transport déjà bien implantés. Ce 4 mars à Johannesburg, Alstom lance la production en Afrique du Sud de 600 trains X’Trapolis Mega dans sa nouvelle usine de Dunnotar qui sera inaugurée dans 18 mois et emploiera 1500 personnes. Un contrat de 4 milliards d’Euros (51 milliards de Rands) a été signé avec PRASA, l’opérateur public sud-africain responsable des transports (Passenger Rail Agency of South Africa): “Ce contrat sud-africain est le plus important jamais décroché par Alstom, avoue Gian Luca Erbacci, vice président pour le Moyen-Orient et l’Afrique. Il comprend aussi un transfert de compétences, un accompagnement technique et des pièces de rechange pour 18 ans. La construction durera 10 ans”:

Pas de renouvellement depuis 40 ans

Il est significatif de remarquer que le grand parc ferroviaire sud-africain n’a pas été renouvelé depuis 40 ans, la nouvelle Afrique du Sud sous Mandela a ainsi bénéficié des compétences de l’ancien gouvernement blanc et du savoir-faire pour la maintenance… Mais Alstom n’est pas seule. Le Canadien Bombardier a déjà construit le Gautrain, train rapide tout autour de Johannesburg. Tout porte à croire que les besoins de l’Afrique du Sud iront  en croissant. En effet,  Daech et Boko Haram ne sont pas là pour perturber la croissance de ce pays de 52 millions d’habitants dont 73 % sont chrétiens et 1,5 % musulmans d’origine indienne ou indonésienne. Donc rien à craindre de ce côté-là, du moins pour le moment…

Centrales nucléaires ?

 L’électricité fournie par la seule centrale nucléaire de Koeberg et par l’énergie du charbon dont l’Afrique du Sud est riche, ne suffit plus. Les coupures sont fréquentes. Le gouvernement sud-africain reste discret sur ses intentions de construire plusieurs centrales nucléaires. Chine, Russie, France (Areva), Corée du Sud, Etats-Unis se sont empressées de faire des offres l’année dernière. La Russie aurait la préférence pour un contrat de 8 centrales. Mais rien n’est vraiment décisif. Les protestations ont déjà commencé, avec raison, étant donné que l’énergie solaire serait plus appropriée dans ce pays très ensoleillé et où il y a beaucoup de vent, sans parler de la dangerosité. De toute manière, l’Afrique du Sud comme les autres pays émergents (Inde, Chine, Brésil, notamment) semblent se moquer de la COP21, car  selon eux, c’est aux pays industrialisés à faire le plus d’efforts, eux qui ont pollué le plus. Et qui dit multinationales en Afrique ne peut que s’inquiéter des probables dégâts sociaux et environnementaux, contestés bien sûr la main sur le cœur. Heureusement les puissants syndicats bien implantés déjà depuis les débuts du gouvernement blanc, veillent à la justice sociale. Intéressant retour des choses…

Les sociétés pétrolières européennes, le Nigéria et Boko Haram

Il n’est pas étonnant que Boko Haram (“l’éducation européenne est un péché”) ait pris pied au nord du Nigéria, essentiellement musulman,  depuis plus d’une décennie. Le gouvernement nigérian dit ne pas avoir assez d’argent pour financer l’éducation et la santé des 182 millions d’habitants dont 110 millions vivent avec moins de un dollar par jour. Onze millions d’enfants ne vont pas à l’école et 15 enfants sur 100 meurent avant l’âge de 5 ans. Voilà engendrés tous les ingrédients pour favoriser la naissance de Boko Haram. Comment cela est-il possible étant donné les richesses pétrolières de ce grand pays ? La corruption d’abord, bien sûr, mais encore ? Les grandes sociétés pétrolières européennes Shell (Grande-Bretagne et Pays-Bas), Total (France) et ENI (Italie) ont bénéficié depuis 1999 d’énormes réductions d’impôts, 3,3, milliards de dollars, alors qu’à partir de 2005, elles faisaient des profits ! Cette somme représente 2x le budget annuel de la santé du Nigéria.

L’opacité est de règle

Unies dans un consortium (NLNG) qui produit du gaz liquéfié, les trois compagnies continuent ainsi de jouir de réductions d’impôts malgré leurs profits habituels. Ces allégations ressortent des rapports annuels de deux organisations ActionAid et SOMO (Centre de recherche sur les multinationales, Pays-Bas). Elles ont été vérifiées par des experts fiscaux en Europe et au Nigéria, et ont été envoyées début 2016 aux compagnies du consortium NLNG qui n’ont pas réfuté ces recherches. Auparavant, ActionAid avait déjà révélé que les pays en voie de développement avaient perdu en tout 138 milliards de déductions d’impôts.  La charité voudrait que ces compagnies contribuent au développement des pays où elles opèrent et qu’elles publient des rapports transparents indiquant leurs profits, les impôts qu’elles payent et les déductions. Mais elles n’en sont pas là. L’opacité est de règle.

Le basculement dans Boko Haram

On comprend donc mieux pourquoi au Nigéria, des gens privés d’éducation et de soins, vivant dans l’ignorance et l’obscurantisme, ont basculé dans les tentacules de Boko Haram, et ceci avec l’aide indirecte de grandes compagnies pétrolières européennes et la complicité des élites nigériannes. En plus, une nouvelle loi est en discussion qui donnerait des réductions d’impôts à encore plus de compagnies ! ActionAid au Nigeria a demandé au Parlement nigérian d’abroger la loi générale sur les réductions d’impôts afin que les compagnies actuelles contribuent enfin au développement du pays. ActionAid aux Pays-Bas, de son côté, a demandé au gouvernement hollandais de discuter avec Shell pour faire cesser ces réductions d’impôts excessives dans les pays en voie de développement. Plusieurs organisations font actuellement campagne pour plus de justice concernant les réductions d’impôts. On attend les résultats…

 

Djibouti, capitale de la Chinafrique

Vous doutez encore de l’emprise de la Chine sur l’Afrique ? C’est pourtant chose faite. Après avoir amélioré ou construit des ports sur l’Est du continent, et via Le Cap jusqu’en Namibie et en Angola, la Chine a aussi construit des routes, des ponts, des voies de chemins de fer, majoritairement avec ses propres ressortissants. Elle termine maintenant son étau par le port de Djibouti. Il devrait accueillir d’ici fin 2017, 10 000 militaires chinois. Officiellement pour ravitailler en nourriture et carburant leurs escortes navales dans le Golfe d’Aden et dans les eaux somaliennes (voir http://chinafrique.info). Evidemment cela doit aussi permettre à ses sous-marins nucléaires de se rendre maître de toute la région Est de l’Afrique. La France, les Etats-Unis et le Japon disposent déjà de bases militaires à Djibouti. La France paie 30 millions d’euros chaque année pour sa garnison de 2700 hommes, le Japon et les Etats-Unis chacun 30 millions de dollars pour leurs bases… La base américaine de Djibouti (4000 hommes) a même dû déménager d’Obock sur son autre base de Camp Lemonnier pour faire de la place aux Chinois qui ne paient rien, mais construisent toutes les infrastructures nécessaires pour relier Djibouti au reste de l’Afrique, et surtout pour son commerce avec l’Ethiopie (minerais). Le président de cette Cité-Etat, Ismaïl Omar Guelleh veut transformer son petit pays en un Singapour de la Corne de l’Afrique.

Alliance stratégique chinoise

La Chine poursuit ainsi sa stratégie maritime déjà bien avancée dans la Mer de Chine et ses environs lointains, irritant notamment les Japonais, les Coréens du Sud et les Philippins, de même que les Indiens, forçant l’Inde, inquiète, à augmenter son budget militaire pour acquérir aussi des sous-marins comme si elle n’avait rien de mieux à faire. C’est dans une ancienne zone franche de 48 km2 que la construction d’une plateforme de transbordement pour le commerce Chine-Afrique a commencé. Selon le Monde (25.1.2016), plusieurs accords économiques et militaires ont été signés. Un des accords porte sur la mise en œuvre d’un cadre légal permettant un afflux rapide de banques chinoises à Djibouti et prévoit la création d’une Chambre de compensation qui permettra de ne pas perdre des devises dans les échanges avec la Chine. Ceci sans passer par le dollar américain. Pékin et Djibouti sont en train de sceller une alliance stratégique majeure qui fera de ce petit Etat une étape obligée de la Chine dans sa fameuse “route de la soie” reliant la Chine à l’Afrique en passant par le Golfe arabique. Un projet estimé à 48 milliards de dollars par la presse officielle chinoise. Pour les Emirats arabes et surtout les Etats-Unis, l’arrivée des Chinois dans cette région complique la donne et provoque une recomposition des alliances diplomatiques autour de la Mer rouge. Les Occidentaux redoutent de voir Djibouti tomber dans l’orbite de Pékin et de perdre ainsi un pays-clé au carrefour des grandes routes maritimes.

Dépendance croissante de l’Afrique

Si le nouveau président de l’Union Africaine Idriss Déby a récemment déclaré que le continent africain devrait être moins dépendant de l’extérieur, il ne semble pas en suivre le chemin. Le vide laissé par les anciennes puissances coloniales a vite été rempli par la Chine qui avait aidé des mouvements de libération. Elle achève ainsi sa toile d’araignée économique, politique, financière (monnaie chinoise), militaire et même religieuse (Confucius est enseigné dans plusieurs universités) sur tout le continent. Les droits de l’homme ne sont pas prioritaires selon Xi Jinping. Une recolonisation spectaculaire en un temps record ! La Chine s’assure ainsi l’approvisionnement de toutes les ressources minérales dont elle a besoin pour son propre développement, y compris des céréales pour sa population et de l’ivoire pour ses riches. L’Afrique est en train de perdre sa liberté.

Ouagadougou, Mogadiscio, Davos et optimisation fiscale

Pas un jour ne se passe sans qu’il y ait des attentats. Oui, c’est la guerre, une guerre d’une autre sorte sur tous les continents, mais spécialement en Afrique. Ouagadougou, 15 janvier, 30 morts dans un hôtel dont deux compatriotes valaisans; Mogadiscio, 21 janvier, au moins 19 morts dans un restaurant. Les agresseurs sont tous des islamistes radicaux. Au lieu de nous habituer à ces horreurs, tentons de comprendre un peu pourquoi cela arrive.

Cellules wahhabites en Afrique

Depuis 30 ans, l’Arabie Saoudite finance des cellules en Afrique, diffusant le Wahhabisme, un Islam radical, rigoriste, intolérant, qui aliène les femmes et la pensée africaine”, explique un ancien de la Coopération suisse. “Avant, partout, chrétiens et musulmans vivaient en paix dans le respect les uns des autres. Aujourd’hui, tout a basculé dans la haine, ce que déplorent de nombreux musulmans africains qui sont aussi visés comme les Occidentaux”. En effet, l’Arabie Saoudite a financé 50 000 Imans qui se sont infiltrés partout, y compris en Europe: écoles, universités, mosquées, clubs, etc. Au fond, l’Arabie Saoudite essaye de rattraper “le retard” puisque depuis le XIXe siècle, les missionnaires chrétiens ont fait la même chose, mais pas avec de l’argent. Une sorte de revanche islamiste… Ajouter à cela la pauvreté issue de l’éclatement de la solidarité tribale, le chômage des jeunes, la corruption des élites, les changements climatiques,  ainsi tous les ingrédients  sont là pour radicaliser les plus vulnérables. A une rencontre au Centre international des Conférences de Genève le 18 janvier dernier pour discuter avec l’ONU et différents représentants de l’encyclique du pape François sur “Protéger notre maison commune”, celui de la Lybie s’est exclamé: ” Est-ce que le Jésus des chrétiens ne pourrait pas faire cesser la corruption ?”.

Evasion fiscale et optimisation fiscale

Pour l’ouverture du Forum de Davos le 20 janvier, l’ONG Oxfam a offert un “cadeau empoisonné” sous forme d’une révélation fracassante. Le 1 % des plus riches détiennent désormais 50,1 % du patrimoine mondial et leur enrichissement ne profiterait pas aux plus pauvres. Entre 2000 et 2015, la fortune des plus riches a augmenté de 44 %… Oxfam liste plusieurs raisons dont la principale tient à un modèle économique, sorte de “fondamentalisme de marché” qui empêcherait une redistribution plus juste et plus efficace. L’enquête menée par Oxfam sur 200 entreprises montre que 9 entreprises sur 10 parmi les partenaires stratégiques du Forum de Davos sont présentes au moins dans un paradis fiscal. L’optimisation fiscale est devenu pour les grandes sociétés une pratique “légale” courante, mais condamnable, parce qu’elle prive les Etats des pays riches et des pays pauvres de ressources essentielles pour réduire les inégalités. Certes avoue Oxfam, des progrès fantastiques ont permis de réduire de moitié le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de l’extrême pauvreté entre 1990 et 2010, mais les inégalités se sont creusées dans tous les pays, ce qui a quand même empêché 200 millions de personnes de sortir de cette pauvreté.

Combattre les inégalités, pas les riches

Ce sont les inégalités qu’il faut combattre, pas les riches. C’est un appel lancé aux dirigeants de Davos pour qu’ils s’attaquent vraiment à ces obstacles: les multinationales privent les Etats, et donc les citoyens,  de 100 à 200 milliards de recettes d’impôts chaque année”. Plus de justice fiscale réduirait le nombre des djihadistes. Un énorme défi pour les dirigeants africains souvent désemparés.

Hommage à Ruqia Hassan

Alors que nous reparlons des journalistes de Charlie Hebdo morts assassinés il y a un an, n’oublions pas les courageux journalistes syriens qui ont été exécutés au cours de 2015. La journaliste indépendante syrienne Ruqia, 30 ans, rouge à lèvres et visage encadré par un foulard noir cerné d’un bandeau doré, a été maintes fois menacée par les djihadistes.

Née à Raqqa

Née à Raqqa et d’origine kurde,  ayant étudié la philosophie à l’Université d’Alep, elle a toujours refusé de quitter sa ville natale passée alors sous l’Etat islamique en 2014. Autant anti-Assad que anti-Daech, elle racontait de l’intérieur le quotidien des habitants. En réaction à l’interdiction de Daech de se servir des lieux wifi à Raqqa, elle avait rétorqué sur Facebook: “Allez-y, coupez nous l’accès à Internet, nos pigeons voyageurs s’en moqueront !”

Cinq autre journalistes syriens

Selon Delphine Minoui (Istanbul), cité par Le Temps du 7 janvier, elle vient tristement rallonger la liste des journalistes syriens enquêtant sur toutes les exactions commises par Daech. Cinq sont connus, mais il y en a sans doute plus, les familles craignant d’en parler par peur de représailles… L’annonce cette semaine du décès de Ruqia Hassan suit celui  d’un autre journaliste syrien, Naji Jarf à Gaziantep, ville turque frontalière de la Syrie. Il venait de réalisé un documentaire sur les violations des droits de l’homme commises par Daech à Alep. Fin octobre, les corps de deux autres reporters syriens décapités avaient été retrouvés à Sanliurfa en Turquie. L’un collaborait à un réseau d’activistes qui enquêtait sur “Raqqa massacrée en silence”.

“Je garderai ma dignité”

Lucide, Ruqia Hassan savait que son tour viendrait, mais elle refusait de partir: “J’ai reçu des menaces de mort. Et quand Daech va m’arrêter et me tuer, c’est OK, parce qu’ils vont me décapiter, mais je garderai ma dignité, c’est mieux que de vivre humiliée par EI”.

Assis confortablement dans nos fauteuils, ayons une pensée de profonde admiration pour ces courageux journalistes syriens qui offrent leur vie pour faire éclater la vérité. En serions-nous capables ? Rendons leur hommage à notre manière en accueillant généreusement des réfugiés syriens  en Suisse pour que leurs morts portent au moins des fruits.

L’Afrique tourmentée par El Ninio….

Alors que le Texas doit faire face ces jours à des inondations torrentielles, le continent africain est lui aussi gravement touché par le réchauffement du Pacifique tropical. Selon l’Agence d’information IRIN, El Ninio sera en 2016 l’un des événements climatiques les plus extrêmes que la Terre n’ait jamais connu. Et l’OCHA, l’organisme des Nations Unies pour l’aide d’urgence, prévient que des “millions de personnes seront affectées”. La sécheresse a déjà commencé à affecter l’Afrique australe et la Corne de l’Afrique, mais il y aura aussi de fortes précipitations en Afrique de l’Est. Quatre-vingt pourcent des populations dépendent de l’agriculture. Leur capacité à faire face a déjà été mise à rude épreuve l’année passée. En 2016, cela sera encore plus difficile surtout pour les agriculteurs et les bergers de l’Afrique australe et de la Corne de l’Afrique.

Afrique australe

Plus de 30 millions de personnes souffrent déjà “d’insécurité alimentaire” car les récoltes du début de l’année 2015 ont été maigres. Les pays les plus touchés seront l’Angola, le nord de la Namibie, le Botswana, l’Afrique du Sud, la Zambie, le Lesotho, le Swaziland, le Zimbabwe, le Mozambique. Les stocks d’urgence en Afrique du Sud sont déjà épuisés et les prix des céréales vont augmenter. D’autre part, les gouvernements déjà touchés par la baisse des prix des matières premières devront trouver de l’argent pour acheter du maïs sur le marché international. L’Afrique du Sud, moteur économique du continent, devra en importer 750 000 tonnes pour ses besoins.  Presque un quart de ses enfants de moins de cinq ans souffre de malnutrition.

La Corne de l’Afrique 

De faibles précipitations ont été enregistrées dans certaines régions de l’Erythrée, de Djibouti, du Soudan, de Somalie. Mais c’est surtout sur l’Ethiopie, 95 millions d’habitants,  que les médias concentrent leur attention en raison de la grande famine de 1984 que le grand photographe Salgado avait mis brutalement en évidence. Selon Save The Children, l’Ethiopie (nord et est) connaît  la pire sécheresse depuis 50 ans. La famine risque de provoquer en 2016 des formes aiguës de malnutrition, des interruption de croissance et de retards mentaux et physiques dans le développement de 400 000 enfants éthiopiens. Le gouvernement a déjà mis à disposition 200 millions de dollars pour faire face à l’urgence. Les Nations Unies estiment que 15 millions de personnes seront confrontées à des pénuries alimentaires en 2016. Mais le sud et l’est, dans les régions de basse altitude, seront confrontées elles à des inondations. Non seulement elles provoquent des déplacements de populations, mais elles entraînent aussi la destruction des infrastructures, des routes et des ponts, bouleversant toute la vie économique. A cela s’ajoutent les souffrances et la mort des animaux. Jusqu’à lors, des maladies éradiquées, typhoïde et choléra, réapparaissent. On peut constater le même schéma en Somalie. Partout les gouvernements s’inquiètent et  prennent des mesures hélas insuffisantes devant les tragédies qui s’annoncent. L’Europe peut s’attendre à des masses de réfugiés venus de ces contrées si l’aide n’est pas suffisante…

Daech avance ses pions en Libye

Pendant que les Américains, les Français, les Russes et les Anglais se précipitent tous pour bombarder la Syrie, Daech, suivant ses stratégies multiples, avance ses pions en Libye. La menace est si sérieuse qu’une rencontre a eu lieu le 1er décembre à Alger entre les pays voisins de la Libye, l’Union Africaine et la Ligue arabe, qui ont exprimé leur grande inquiétude.

Daech se prépare à s’installer en Libye

Daech n’est plus en sécurité au Moyen-Orient. En Libye, il occupe la ville de Syrte (ancien fief de Kadhafi) et ses environs à égale distance des deux “capitales ” de la Libye : Tobrouk à l’Est, reconnue internationalement (zone pétrolière), et Tripoli à l’Ouest. D’autre part, le désert libyen est incontrôlable. De ce fait, Daech peut renforcer sa présence par le recrutement d’autres combattants nord-africains, du Nigeria (Boko Haram) et d’autres djihadistes “internationaux”. Leur nombre est estimé actuellement entre 3000 et 5000.

Infiltration des tribus

Daech suit une politique d’infiltration des différentes tribus en semant la zizanie entre elles,  espérant ainsi récupérer les milices locales.   Surtout Daech s’imagine que  ses démonstrations de force et ses méthodes sanguinaires vont effrayer les populations. L’échec de la médiation de l’ONU avec son médiateur Bernardino Leon, qui a commis des erreurs, favorise ainsi la venue de Daech et d’une partie de son état major. En effet, le médiateur a mal évalué les forces sur le terrain et n’avait pas inclus dans les négociations les 750 milices.

Syrte, à 600 km de l’Italie…

Lorsque François Hollande est allé demander l’aide de l’Italie pour la coalition contre le Syrie, Matteo Renzi, le Premier Ministre italien,  lui a répondu qu’il était bien plus préoccupé par la Libye que par la Syrie…Ancienne puissance coloniale, l’Italie a encore des intérêts importants en Libye, notamment l’entreprise pétrolière ENI. La Tunisie, qui a bien réussi à maitriser son Printemps arabe,  est particulièrement visée. Et l’Algérie, qui a vécu une horrible guerre civile dans les années 90, est aussi très alarmée. Au cours de l’émission” C’est dans l’air” (2.12.), l’expert français en stratégie militaire Pierre Sergent,  a déclaré que c’est maintenant qu’il faut agir en Libye, même sans mandat de l’ONU et ne pas perdre de temps.

Photo de une: Manifestation à Benghazi. (Reuters)

53 hommes les plus riches pourraient alimenter toute l’Afrique en énergies renouvelables

A l’approche de la Conférence de Paris sur le climat (COP21), selon un rapport de l’organisation Friends of The Earth International, les patrimoines des 782 personnes les plus riches de la Terre (0,00001% de la population totale) pourraient ensemble fournir en énergies renouvelables toute l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine jusqu’en 2030, contribuant ainsi à un développement durable. Pour l’Afrique, il suffirait de 53 personnes. La dépense totale serait de 5182 dollars.

Daech et la Cop21

Daech est une menace très grave pour le monde, mais le changement climatique encore plus. On peut même soupçonner que Daech, par ses attentats de Paris et avec sa vision apocalyptique, voulait saboter la COP21 et par là toute tentative d’améliorer la situation de l’humanité. En effet, comme nous le voyons de plus en plus, les changements climatiques en cours depuis longtemps dévastent des communautés humaines et des écosystèmes sur toute la planète. Si les délégués des 195 pays participants, dont 147 chefs d’Etats annoncés, ne prennent pas rapidement les mesures qui s’imposent pour freiner les émissions de gaz à effet de serre, “nous devrons affronter un changement catastrophique dont les impacts dépasseront tout ce à quoi nous avons assisté jusqu’à présent”, affirme Friends of The Earth.

Nicolas Hulot 

Le célèbre écologiste français Nicolas Hulot, représentant du gouvernement français pour la COP21 et qui a inspiré le pape François pour qu’il écrive son encyclique Laudato Si, est sur tous les fronts comme il a été sur tous les lieux de notre terre en danger. Il a participé récemment à une messe à Notre-Dame de Paris où, en discutant avec un jésuite économiste devant de nombreux étudiants, il a bien souligné l’urgence d’une action contraignante et les répercussions les plus graves qui se feront sentir dans les pays les plus pauvres et qui sont souvent ceux qui contribuent le moins à la pollution de l’atmosphère. Mais c’est surtout à une conversion des consciences qu’il faut arriver, a-t-il dit, si l’on veut sauver la terre à long terme. Il est donc effrayant de savoir que quelques centaines de personnes pourraient enrayer le destin tragique de nombreux pays, en Afrique surtout, et ne le font pas. A moins, il est vrai, d’un sursaut de conscience…

Les 6000 morts de Boko Haram (suite)

Pendant que nous pleurons les morts de Paris et les honorons avec des bougies et des fleurs, le nombre des victimes des terroristes de  Boko Haram (Nigeria), l’organisation la plus brutale de toutes et qui a prêté allégeance à EI, est supérieur à 6000… Chiffre cité par l’Institute for Economic and Peace (Uni. du Maryland).

Le terrorisme tue de plus en plus 

Selon le Global Terrorism Index de 2015, publié par l’Institut cité,  le terrorisme dans le monde a provoqué 32 658 morts en 2014, soit 80 % de plus qu’en 2013. Les pays les plus touchés se trouvent pour la plupart au Moyen-Orient et en Afrique: Irak, Afghanistan, Pakistan, Syrie, Nigeria, et dans une moindre mesure, la Somalie, l’Ukraine, la République Centre Africaine, le Soudan du Sud et le Cameroun. Le Nigeria est le pays où la situation se détériore le plus rapidement qu’ailleurs. Le nombre total de victimes provoquées par le terrorisme y est de 7512, ayant augmenté de 317 % en un an, dont plus de 6000 imputées à Boko Haram.

Union Européenne et Afrique du Nord

Les victimes enregistrées depuis 2000, le 11 septembre 2001 compris, s’élèvent seulement à 2,6 % du total. Une perspective à avoir en tête qui explique aussi en partie les flux de réfugiés africains. Comme mentionné dans le blog précédent, la pauvreté, la corruption, la mauvaise gouvernance, certaines multinationales qui non seulement corrompent, mais aussi mettent au chômage sans dédommagement, sont à l’origine de ces violences extrêmes. Le capitalisme tel que pratiqué depuis quelques années surtout dans ces pays,  a engendré des monstres, et détruit  notre planète terre. La Conférence de Paris sur le Climat devrait y mettre un frein brutal.

A l’heure de la mondialisation, ayons aussi une perspective globale des morts…