Beaucoup de choses ont changé au Mozambique depuis la fin de la guerre civile en 1992 qui opposait le Frelimo (financé par la Chine) et la Renamo (soutenue par l’Afrique du Sud), qui est devenu aujourd’hui un parti politique d’opposition. Le Frelimo est encore au pouvoir depuis son indépendance du Portugal en 1975, comme d’ailleurs tous les mouvements de libération de l’Afrique australe, malgré des élections démocratiques… Mais aujourd’hui, des entreprises étrangères ont fait leur apparition. En effet, depuis la découverte de vastes gisements de gaz naturel et de pétrole, ce pays est devenu la proie de consortiums chinois et brésilien, entre autres, qui sont sur place comme des vautours, attirés par le gaz, le pétrole, le charbon et des milliers d’hectares de forêts pour le bois précieux. La Chine utilise un gigantesque pétrolier pour exporter le gaz, le pétrole et le charbon dont elle a tant besoin, y compris le bois précieux qui est devenu le « take away » de gangs chinois. On peut imaginer les dégâts sur des milliers d’hectares car il n’y a pas de contrôle efficace. Seulement 5 % des revenus faramineux des ressources naturelles seraient réinvestis dans le pays. Et le reste, transféré ?
Et pourtant la pauvreté règne au nord… Deux mille morts, presque tous par décapitation, depuis 2017, dans la région septentrionale de Cabo Delgado. Les mots manquent pour décrire ces horreurs. Ce pays de 30 millions d’habitants, est devenu le théâtre de conflits effrayants à cause de la menace croissante des djihadistes africains qui forment une galaxie de groupes : Ansar al Sunna a fusionné avec l’Iscap, la plateforme islamiste de Daech en Afrique australe. Ces islamistes ont été d’abord chassés du Kenya en 2015, puis de Tanzanie en 2017, et ils sont maintenant au nord du Mozambique. Début novembre, un groupe armé lié à Daech a décapité une cinquantaine de civils (district de Muimbe) suscitant une émotion internationale. Selon des sources locales, les djihadistes s’en sont pris aux participants à une cérémonie d’initiation sur un terrain de foot. En août dernier, l’Iscap avait occupé Mocimba de Praia et attaqué un village tuant aussi 50 personnes, ceci malgré l’envoi de nombreux renforts de l’armée et la coopération d’agences de mercenariat dont la société russe Wagner envoyée en 2019, qui en est repartie rapidement.
Cabo Delgado est l’une des provinces les plus pauvres ce qui favorise l’implantation des djihadistes et où les rivalités ethnico-religieuses sont à l’œuvre. « La communauté à majorité chrétienne des Maconde, actuellement au pouvoir avec le Président Filipe Nyusi, marginalise une autre communauté, les Mwani, à dominante musulmane, ce qui favorise la radicalisation de la jeunesse » (La Croix 12.11.2020) Cette radicalisation, on l’aura compris, est en lien avec les énormes gisements de gaz qui attirent aussi les vautours du monde entier et dont les bénéfices vont à la capitale et ailleurs, et non aux locaux…
Voilà donc l’arrière fond de la terreur qui s’est installée dans cette région On dit que l’entreprise qui réussira à contrôler le canal du Mozambique, gagnera le trésor de 160 trillions de pieds cubes (1). Dans cette compétition, l’opacité est de mise comme partout en Afrique et la prolifération des groupes armés, la règle, comme on le voit notamment en RDC. Le Mozambique avec 2000 km de côte sur l’océan indien, a pour voisin la Tanzanie au nord, la Zambie, le Zimbabwe, le Malawi à l’ouest, et l’Afrique du Sud. Jusqu’où iront les djihadistes déjà présents dans plusieurs pays francophones ? On n’ose pas imaginer qu’ils atteindront le pays de Mandela. Et pourtant ce n’est pas impossible, le Covid est en train de grignoter l’économie et une partie de la population a faim…
(1) = un milliard de milliards pieds cube. Un pied cube = 0,03 m3 ou 28 litres. Mesures anglaises.