La faim pour 20 millions de personnes: climat et conflits

«20 millions de personnes touchées par la faim, c’est la plus importante crise humanitaire depuis la seconde guerre mondiale », a affirmé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en lançant un appel le 22 février pour la solidarité internationale.

Parmi les pays les plus touchés le Soudan du Sud, le Yémen, le Nigeria, la Somalie. »Des millions de personnes peinent pour survivre, abattent leurs animaux, mangeant leurs réserves de semences nécessaires pour replanter l’année suivante », écrit le Monde qui proclame le 28 mars  journée de la faim. Jean Ziegler, ancien rapporteur de l’ONU pour l’alimentation, le dit bien : « C’est horrible de mourir de faim, on souffre beaucoup ». – Mais pourquoi ces famines récurrentes ?

D’un côté le climat. Le phénomène El Ninò qui provoque des pluies torrentielles en Amérique latine, et la sécheresse dans tout l’Est du continent africain, même au sud. Mais il y a aussi des conflits qui viennent aggraver la situation. L’exemple du Soudan du Sud est parlant : Riek Machar qui a perdu les élections s’oppose depuis 3 ans à son successeur Salva Kiir, ce qui a fait fuir des milliers de déplacés qui ne cultivent plus leurs champs. Le reste des habitants se débattent pour survivre. Non seulement le gouvernement actuel rend la vie difficile aux humanitaires qui doivent payer pour entrer dans le pays, mais en plus il achète des armes… – L’horreur aussi au Yémen où la coalition armée emmenée par l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis veut vaincre les Houtis chiites soutenus par l’Iran.  – Mêmes horreurs dans les villages pillés et incendiés par Boko Haram au nord du Nigeria et au Tchad. – Et en Somalie, les Chabab  qui refusent l’aide des ONG. – Ainsi, on le constate, le climat et les conflits sont à l’origine de ces famines. Mais l’ancien prix Nobel d’économie Amartya Sen ose ajouter : le manque de démocratie caractérise surtout les pays les plus touchés.

Certes plusieurs pays disposent de « plans de réponses humanitaires », mais ils ne sont pas toujours opérationnels. Les donateurs sont donc débordés par la multiplication des crises, surtout à cause de la guerre en Syrie et en Irak. Le Bureau de coordination de l’ONU pour les affaires humanitaires (OCHAM) estime le besoin à 4,4 milliards de dollars. Bientôt, si les guerres et les conflits se perpétuent et si Trump réduit ses dépenses à l’ONU, la Coopération au développement des pays occidentaux se réduira à une aide humanitaire pour les réfugiés et on laissera les Chinois prendre en grande partie le relais du développement de l’Afrique à leur manière, c’est-à-dire d’abord pour leur avantage, le continent africain devenant leur colonie quoi qu’ils affirment… Mettre fin aux guerres et aux conflits doit être la priorité. Les destructions, les morts et les affamés, ça suffit !

 

 

Dans le ciel africain, les vautours planent et plongent sur les terres

Les œuvres d’entraide Action de Carême et Pain pour le Prochain ont choisi cette année pour leur campagne œcuménique le scandale de l’accaparement de terres en Afrique et aussi ailleurs. En effet, les vautours dépècent le continent à coup de milliards de dollars depuis l’an 2000.  Mais, à qui donc appartient la terre ? Question difficile à répondre. Dans de nombreux pays d’Afrique les familles paysannes y cultivent depuis des générations les terres de leurs ancêtres, mais ne possèdent généralement pas de titre de propriété, surtout parce que leurs gouvernements n’ont pas de politique agricole bien définie dans la loi. C’est le règne de l’arbitraire. Les investisseurs étrangers (multinationales, banques, gouvernements) tirent alors parti de ce vide juridique pour s’approprier sans vergogne les ressources naturelles : la terre, l’eau, les forêts, la pêche, les minerais, ceci avec la complicité de chefs locaux ou fonctionnaires corrompus et incompétents. Comme si leur pays leur appartenait de droit divin ! Et les paysans et leurs familles sont dépossédés et parfois réengagés comme journaliers pour des salaires dérisoires.  Quand on pense aussi que l’Afrique est un des grands poumons de la terre, il y a de quoi s’inquiéter.

A l’heure d’une démographie croissante dans le monde, d’augmentation des prix des matières premières, céréales comprises, de sécheresse répétées, c’est la course à l’acquisition de terres. Quelques statistiques nous éclairent, mais elles varient suivant les rapports de l’Union Africaine (UA), de l’ONU, ou d’ONG. Ainsi, selon la Banque mondiale en 2010, 2,5 millions d’hectares ont été cédés en Afrique subsaharienne par de nombreux pays : Ethiopie, Ghana, Madagascar, Liberia, Mali, Niger, Guinée,  Soudan, République Démocratique du Congo (RDC), Tanzanie, Ouganda, Kenya,  entre autres…(Pour mémoire, le continent africain a une surface 30 millions de km2, le nord compris).   Entre 51 et 63 millions d’hectares sont exploités par des sociétés étrangères : Americana Group, Al Rabie, Agrisa, Al proAgro, Abu Dhabi Fund for Development ; Agrowill Barclays, entre autres.   Depuis l’année 2000,  on compte 227millions d’hectares qui ont fait l’objet de transactions foncières. Quels sont les pays qui achètent ou louent ? La Chine, la Corée du Sud, le Qatar, les Etats-Unis (avec leurs banques Barclays et Goldman Sachs), l’Arabie saoudite elle a proposé l’achat de 120 000 hectares au Niger, mais des protestations diverses en ont empêché la réalisation pour le moment, pour n’en citer que quelques-uns. En Suisse, des multinationales connues et certaines banques (Crédit Suisse notamment) qui assurent un « rendement  très profitable »

On est consterné par l’attitude des pays africains qui vendent si facilement leurs terres. Il semble que leurs dirigeants n’aient pas encore compris les trésors que recèlent leurs terres et comment les mettre en valeur à long terme pour le développement de leurs pays et de leurs populations. Ils préfèrent cette manne dorée tombée du ciel, mais qui ne profite qu’à une minorité. Avec les conflits incessants et les sécheresses récurrentes, on comprend mieux dès lors pourquoi tant de jeunes africains émigrent et veulent traverser la Méditerranée, alors qu’une gestion plus judicieuse de leur pays, sans corruption exagérée, leur permettrait de se former et de mettre leurs capacités au service de leur pays pour un développement durable. Ce qu’on pourrait commencer en Suisse avec les requérants d’asile… Il faut souligner cependant que dans plusieurs pays francophones, des petits paysans regroupés dans leur organisation patronnée par la CEDEAO,  tentent de résister grâce à l’impulsion de dirigeants éclairés, et que la Cop21 et l’UA ont donné le coup d’envoi de la restauration de 100 millions d’hectares de forêts et de terres d’ici 2030. Ceci aussi avec l’aide des ONG suisses et de la Coopération suisse au développement.  Il y a donc de l’espoir, car l’Afrique pourrait nourrir toute sa population avec ses 60 millions de petits paysans.

Les banques et les établissements financiers suisses doivent prendre conscience du fossé qui sépare leurs déclarations d’intentions (ex. Glencore) et la réalité du terrain. C’est ce que demandent Pain pour le prochain et Action de Carême.