Mohammed VI contre la haine, le fanatisme et le repli sur soi

Discours du roi Mohammed VI contre le fanatisme, la haine et le repli sur soi

Dans son discours du 20 août dernier à l’occasion du 63e anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, le roi du Maroc Mohammed VI, vêtu de l’habit de Commandeur des croyants, a montré sa détermination à  combattre les terroristes qui se revendiquent de l’islam. Le souverain chérifien a fait un discours contre tous les obscurantismes, toutes les intolérances et le dévoiement par certains extrémistes de l’enseignement et de la pratique de l’islam (voir  Afrique, Le point, 22.08.16).

On ne peut que se réjouir de cette prise de position claire et courageuse dans le monde musulman divisé. Concernant l’Afrique, à son avis, les problèmes qui affligent les pays africains (pauvreté, émigration, guerres, conflits) provoquent aussi la tentation de se jeter dans les bras de groupes extrémistes et terroristes. Ce sont autant de maux engendrés par la politique calamiteuse que le colonialisme a mené pendant des décennies… Mais, dit-il, « Nous sommes convaincus que l’Afrique est capable d’assurer son propre développement et de changer par elle-même son destin grâce à la forte détermination de ses peuples, à leurs potentialités humaines et à leurs ressources naturelles ». A noter que ce discours s’inscrit dans la reprise de la participation du Maroc à l’Union Africaine.

L’intérêt du Maroc, c’est aussi l’intérêt de l’Afrique

L’engagement du Maroc pour les causes et les préoccupations de l’Afrique n’a jamais été motivé par une volonté d’exploitation de ses richesses et de ses ressources naturelles, contrairement à ce que l’on appelle aujourd’hui le néocolonialisme. « Nous ne considérons pas l’Afrique comme un marché pour vendre et écouler les produits marocains, ou un cadre de lucre rapide, mais comme un espace d’action commune pour le développement de la région au service du citoyen africain ». Cette vision solidaire et intégrée qui régit les relations du Maroc avec ses frères d’Afrique d’après le roi marocain, exige de tous les acteurs qu’ils assument leurs responsabilités et honorent leurs engagements pour garder intact la crédibilité du Maroc. On pense ici à la corruption qui sévit dans de nombreux pays, mais qui n’est pas mentionnée expressément.

Accueil des migrants subsahariens et terrorisme

Mohammed VI rappelle que le Maroc, parmi les premiers, a adopté une politique solidaire authentique pour accueillir les migrants, sans condescendance, sans arrogance, ni discrimination. Il rappelle les qualités d’hospitalité et de bienveillance ancrées dans la culture traditionnelle. Avec l’Allemagne, le Maroc copréside le Forum mondial pour les migrations et le développement pour 2017-2018. Le souverain marocain regrette notamment toutes les dérives dans la gestion des questions de migration autour du bassin méditerranéen. Une situation, selon lui, qui ne cesse de s’aggraver à cause du terrorisme et de la tentative de le relier aussi aux immigrants, surtout en Europe. Il lance un appel à tous les Marocains résidant à l’étranger (il y en a beaucoup en Belgique) de rester attachés aux valeurs de leur religion, d’être en première ligne parmi les défenseurs de la paix, de la concorde et du vivre-ensemble. En effet, du fait de la perversion de l’image de l’islam et des attentats terroristes, ils subissent de plein fouet des réactions xénophobes. Le roi condamne vigoureusement le meurtre d’innocents. Et l’assassinat d’un prêtre dans son église est un acte illicite selon la loi divine et une folie impardonnable. Selon lui, l’islam recommande de bien traiter les gens du Livre comme l’attestent plusieurs versets, notamment : « Nous ne faisons pas de distinction entre Ses messagers ».Ceux qui commettent ces crimes sont des individus égarés, condamnés à l’enfer pour toujours. Et, le Très-Haut a dit :*Ne soyez pas des transgresseurs ». L’appel au djihad ne peut émaner que de la Commanderie des croyants, il ne peut émaner d’aucun groupe.Face à la prolifération des obscurantismes répandus au nom de la religion, tous, musulmans, chrétiens et juifs doivent dresser un front commun pour contrecarrer le fanatisme, la haine et le repli sur soi sous toutes ces formes. L’histoire de la civilisation humaine abonde en modèles de réussites.

Des phrases bienvenues, souvent prononcées il est vrai, mais cette fois, venant d’un haut représentant de l’islam, Il faut espérer que de nombreux musulmans l’entendront et ne tomberont pas dans le piège djihadiste.

 

 

 

Un livre de “l’évêque suisse d’Arabie”

Un livre de «  l’évêque suisse d’Arabie »

Paul Hinder (capucin thurgovien),  vicaire apostolique d’Arabie du Sud depuis 12 ans, est basé à Abou Dhabi, où il est le correspondant aux Emirats Arabes Unis, au Sultanat d’Oman et au Yémen, soit une superficie de 3 millions de km2. Selon lui, 85 % de la population des Emirats sont des étrangers, principalement des Indiens, des Philippins, des Pakistanais et des Sri Lankais, mais aussi des Libanais, des Palestiniens, des Irakiens, des Syriens ou Egyptiens, dont au moins 2,5 millions sont des catholiques (Apic).

Témoignage précieux

Mgr Hinder était de passage en Suisse cet été pour lancer son livre en allemand : « Paul Hinder als Bischof in Arabien », Herder Verlag, où il donne un témoignage précieux sur la vie des chrétiens en terre d’islam. Interrogé sur la présence musulmane de plus en plus forte en Europe, « l’évêque d’Arabie » pense que « le problème n’est pas la force de l’islam, mais plutôt la faiblesse du christianisme en Europe ». Il propose aux Européens de réagir et de se poser la question de leurs racines « le patrimoine chrétien n’est pas sculpté dans le granit pour toujours, mais peu s’évaporer ». Bien sûr, les valeurs séculières comme la solidarité et la non-violence appartiennent aussi à ces racines, mais peuvent-elles subsister quand la religion chrétienne qui les a produites n’est plus maintenue ? « Prendre soin de ses racines et de son patrimoine, ajoute-t-il, c’est par exemple transmettre des connaissances sur la Bible et le christianisme ». N’est-ce pas une solution plus sûre ? L’assassinat par égorgement du Père Jacques Hamel avec l’appel de l’Eglise à ne pas se venger,  a  provoqué soudain un retournement profond des mentalités religieuses en France chez les chrétiens, comme chez les musulmans et les athées. Même le président Hollande s’est rendu chez le pape François le 16 août.

La liberté religieuse existe, mais…

Dans les Emirats Arabes Unis et dans le Sultan d’Oman, la liberté religieuse existe, mais « il y a des restrictions. On ne peut pas célébrer une messe n’importe où, le problèmes des lieux et des locaux est réel ». En effet, pour les sept petits états des Emirats Arabes Unis, il n’y a que huit paroisses pour un million de catholiques. Les édifices n’ont pas de croix, ni de cloches et tout prosélytisme est interdit. Mais les évangéliques ne s’y tiennent pas et cela retombe sur l’ensemble des chrétiens (il y aussi des anglicans et des luthériens). Avec le développement économique de la région, les chrétiens sont en augmentation constante. Considérés comme étrangers, ils ont des visas pour une durée limitée, trois ans, renouvelables. IL y a donc des côté positifs. Paul Hinder y est depuis 12 ans…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Afrique du Sud : la transformation politique

Qui l’eût cru ? L’ANC, le parti de Nelson Mandela, est en perte de vitesse. Aux récentes élections municipales, il a perdu deux grandes villes, Pretoria et Port Elisabeth, le Cap étant déjà le fief de l’opposition DA (Democratic Alliance). Mais on s’y attendait: Jacob Zuma, que la DA avait appelé “le cancer de la politique sud-africaine” (voir LT du 7 avril) était de plus en plus contesté à cause de ses démêlés avec la justice : viol, corruption (notamment avec la famille indienne Gupta), refus de payer  les frais de sa somptueuse villa sécuritaire à Nkandla, 15 millions d’Euros. Le 5 avril dernier, le Parlement l’avait sauvé de justesse de la destitution réclamée par l’opposition.

Ce Zoulou (fief Durban), né en 1942 et analphabète jusqu’à 17 ans – il avait appris à lire à Robben Island, la célèbre prison de Mandela – n’est plus à la hauteur de la complexité des problèmes politiques, sociaux et économiques. Sorte de Trump qui se croit tout permis parce qu’il est le chef de la tribu, il n’a plus convaincu une classe moyenne bien éduquée, multiraciale et ayant le sens de la démocratie, surtout de la liberté de presse vieille de 70 ans ! Mais il n’est pas le seul facteur de cette défaite retentissante de l’ANC qui n’engrange plus que 54 % des voix alors qu’elle avait la majorité absolue il y a 20 ans. Ces résultats sont une sérieuse mise en garde de l’ANC qui devrait se débarrasser de lui et de certains membres corrompus de son gouvernement.

L’opposition DA est bien structurée et implantée partout. Par son caractère multiracial, elle rappelle l’opposition DTA en Namibie qui, en 1975 déjà, avait fait le choix de ne pas être liée à une ethnie ou encore moins à une religion. Mais Jacob Zuma, par son incapacité à résoudre les problèmes, a aussi provoqué l’émergence d’une gauche radicale, celle du trublion Julius Malema, 35 ans, exclu de l’ANC, à la tête de l’EFF (Combattants pour la liberté économique) qui représente 6 % de la population, surtout jeune, et a 25 députés au Parlement. Il y a quelques mois, il avait menacé de prendre les armes.

L’Afrique du Sud, ce grand pays qui était très prometteur à sa nouvelle naissance en 1994 avec Nelson Mandela, mérite mieux que cette médiocre image qu’elle donne de sa communauté noire.