Une femme présidente de l’Ethiopie

 

Il aura fallu la démission du président Mulatu Teshome  pour qu’une femme soit élue présidente de l’Ethiopie, Shale Work Zwede. Depuis l’adoption d’une constitution moderne en 1995, elle devient la 4e cheffe de l’Etat.  Diplomate de carrière, elle a toutes les compétences. En effet, représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, auprès de l’Union Africaine (UA),  elle a été ambassadrice en France, à Djibouti, au Sénégal,  et représentante permanente de l’Ethiopie auprès de l’Autorité intergouvernementale pour le développement ((IGAD) dans l’est africain.

Le choix de cette femme hors du commun, résulte de négociations entre 4 partis qui forment la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), depuis 27 ans au pouvoir. Ces 4 partis veulent surtout éviter la confrontation et se sont bornés à 3 résolutions : respect de la loi, multipartisme, démocratie élargie à des partis dissidents.

Sa fonction de cheffe de l’Etat est essentiellement honorifique. Le vrai pouvoir est aux mains du premier ministre Ably Ahmed qui représente son pays dans les grands sommets internationaux. Il avait été choisi en avril dernier par la coalition EPRDF. Il est issu, pour la première fois, du plus grand groupe ethnique, les Oromo.

Depuis avril, il n’a cessé de montrer sa volonté de réformes. Une tâche ardue dans un pays de 104 millions d’habitants où les violences entre les communautés sont nombreuses. A cet effet, la Commission européenne des Droits de l’Homme a accusé le gouvernement de ne pas avoir su mieux protéger les citoyens lors des violences inter-communautaires qui ont fait fuir un million de personnes et fait de nombreuses victimes. Une victoire importante néanmoins pour lui, il a conclu la paix avec l’Erythrée, a libéré des milliers de prisonniers et créé un nouveau gouvernement où la moitié des postes sont occupés par des femmes…

Selon Le Monde Afrique (25.10.2018), l’EDPRF pourrait ne pas survivre aux réformes démocratiques en cours. La crise politique qui a secoué le pays a fissuré la grande coalition et la désignation du nouveau premier ministre Ably Ahmed a redistribué les cartes. « Le leadership est perdu* a osé dire un ancien maquisard tigréen. Plusieurs nouveaux partis émergent qui ont aussi quelque chose à dire. Le premier ministre, plein de bonne volonté, aura la tâche dure, et  Shale Work Zwede aussi. On l’a vu dans de nombreux autres pays, vouloir établir la démocratie, est un exercice périlleux qui demande beaucoup de temps…

 

 

 

Pauvre Afrique: maintenant c’est les Russes après les Chinois

En décembre 2017, l’ONU a autorisé les Russes d’envoyer des armes et des instructeurs en République centrafricaine (RFA). Bien fait et vite fait. Début 2018, 5 militaires et 170 civils débarquaient. « Ils sont partout dans le pays, explique Roland Marchal du Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) : drapeaux, pin’s, publicité de leurs actions, protection rapprochée du président Faustin-Archange Touadera ; en juillet ils étaient entre 300 et 400 ». Et Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri) ajoute : « Ce sont d’anciens militaires travaillant pour une société de sécurité, la Wagner (connue pour ses mercenaires), présente en Syrie et en Ukraine, et des militaires des Forces spéciales. Le 22 août, ils ont signé un accord de défense avec les Faca, l’armée centrafricaine, qui pourra être formée dans les écoles militaires russes… »

Un pied de nez fait à la France que Moscou veut affaiblir et aux 350 militaires français encore présents à l’aéroport de Bangui. En fait, coup classique, tout se passe comme les Français avaient fait du temps de la colonisation. Les Russes ont placé un homme, Valery Zakharov  au cœur du Palais présidentiel qui a plus de pouvoir qu’il n’en paraît. Les Français sont fatigués, déçus par le président  Touadéra qui n’a pas ramené la paix dans le pays où les ex-Seleka (à majorité musulmans) s’entre déchiraient contre les Balaka d’obédiance chrétienne (le pays est encore chrétien à 80 %.) L’ancien président Bozizé, un règne marqué par le népotisme et le tribalisme. Il avait  fait venir des Sud-Africains pour le défendre en 2013, mais effrayés par la cruauté des clans et ayant perdu 13 soldats, ils se sont retirés rapidement. En 2015 le pape François est allé redonner confiance à toutes les parties en allant notamment prier à la mosquée de Bangui avec le grand Imam. Mais la réconciliation a été de courte durée, le pays est retombé dans une situation de non-droit  malgré la présence des Français qui ont eu alors « l’idée » de dire  au président centrafricain d’aller demander l’aide du président Poutine de venir les remplacer, et à l’ONU, d’accepter la levée de l’embargo sur les armes pour la RFA…

Evidemment, venir dans le pré carré de la France, n’est pas pour déplaire à la Russie qui est aussi attirée par les ressources minières (diamants) et à du retard par rapport aux autres puissances.  Mais du temps de la guerre froide, ils soutenaient les mouvements de libération  dans les années 60-70. Et comme les Russes ne font rien pour rien, on craint qu’ils utilisent les méthodes brutales qu’on connaît en Syrie et en Ukraine.  En effet,  trois journalistes russes qui voulaient enquêter sur la mystérieuse société Wagner et ses mercenaires, ont été assassinés le 30 juillet dernier. Son gérant est Evgeni Khodotov homme de main d’ Evgeni Prigozin, un proche du président Poutine, propriétaire de la société.  De plus, les Russes, qui disent faire de l’humanitaire, ont ouvert deux bases militaires dans le nord-est du pays près des zones diamantaires à Bria et Ouata. Leur venue coïncide aussi avec une campagne antifrançaise dans les media centrafricains, pour affaiblir l’influence de la France sur la scène africaine et de ce fait gagner des voix à l’ONU. Une stratégie à long terme, comme la Chine…

Sur le plan politique, les Russes aimeraient arriver à obtenir une signature entre les groupes armés. Le 28 août, la Russie a obtenu la signature d’une entente de paix entre les leaders des ex-Seleka et quelques chefs des anti-Balaka à Khartoum, en présence de membres du gouvernement. Ceux qui sont venus ont touché 40 millions de FCFA (61 000 Euros). Un nouvel accord avec les leaders manquants pourrait ensuite partager les ressources minières en trois : un tiers pour le gouvernement, un tiers pour les groupes armés, un tiers pour les Russes. Et voilà, on recommence avec d’autres !

Les vautours sont toujours plus nombreux planant dans le ciel du continent africain  avant de plonger et de se repaître de ses précieuses ressources. Ces vautours ont besoin de groupes armés locaux et étrangers, soit pour défendre leur butin, soit pour combattre certaines multinationales, qui, elles veulent assurer un développement rapide chez eux (Chine) ou le plein emploi et les rentes de vieillesse (Europe). Même des Etats vautours sont en quête de terres arables pour nourrir leurs peuples (Vietnam, Corée, Libye, etc..),  ou les chameaux de l’Arabie saoudite. Enfin il y a les marchands d’armes européens, chinois, coréens du nord qui luttent ainsi contre le chômage chez eux et enveniment l’avenir africain.  Penser que la Suisse puisse en faire partie est inacceptable. Elle a un autre rôle à jouer avec sa réputation humanitaire.

Il y a heureusement beaucoup des mères et pères courage sur ce continent malmené par tant de mauvais vents contraires, comme le docteur Mukwege, récent prix Nobel de la Paix ?