Début septembre, des violences xénophobes ont éclaté en Afrique du Sud à Johannesburg puis à Pretoria. Des dizaines de commerces et des camions appartenant à des étrangers ont été pillés et brûlés, et au moins dix personnes ont été tuées. Officiellement, on a parlé de xénophobie, condamnée partout sur le continent africain, surtout au Nigéria et en RDC (République Démocratique du Congo) par une organisation laïque, dont des ressortissants ont été particulièrement touchés. Le Président Cyril Ramaphosa a fermement dénoncé ces attaques « totalement inacceptables en Afrique du Sud. Il ne peut y avoir d’excuses pour la xénophobie ». Mais ces déclarations n’ont pas suffi. Malgré des excuses officielles, il s’est fait huer aux funérailles de Robert Mugabe à Harare. Parmi les étrangers malmenés ou tués, il y a non seulement des Nigérians et des Congolais, mais aussi des Zimbabwéens, des Pakistanais, des Ethiopiens, des Somaliens, des Mozambicains, entre autres. Mais les plus fermes condamnations sont venues de la part de l’Episcopat de toute l’Afrique australe (Imbisa) le 11 septembre. Il comprend les évêques d’Angola, du Mozambique, du Zimbabwe, de Namibie, de Zambie, du Botswana, d’Afrique du Sud, du Lesotho, d’Eswatini (ex.Malawi) : « Ces actions déplorables ne peuvent être excusées, mais nous croyons que la majorité des Sud-Africains de toutes les couches sociales sont épouvantés par ces violences. Nous vous exhortons à éviter la vengeance… » Ils sont soutenus par le Cardinal ghanéen Peter Turkson, responsable du Conseil pontifical Justice et Paix et qui participait au Cap au Forum sur la paix et la sécurité dédié à Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, lui aussi Ghanéen. Il faut souligner que 83 % de la population en Afrique du Sud (53 millions) est encore très chrétienne, comme d’ailleurs les pays voisins. Elle ne compte que 1 % de Musulmans. Et même s’il y a eu un attentat djihadiste contre une mosquée chiite le 11 mai 2018 dans les environs de Durban, l’Afrique du Sud reste un pays tolérant en matière religieuse. Pour le moment !
Mais le mot de xénophobie cache une réalité bien plus grave que le Président Ramaphosa et les Eglises hésitent à reconnaître : le chômage chez les jeunes (50 %), le changement climatique, surtout la sécheresse, – la Ville du Cap avec ses restrictions d’eau en sait quelque chose -, et la récession économique qui touchent de nombreux pays africains. Tous ces facteurs sont suffisants pour ceux qui ont peur de l’avenir et même faim, pour les faire réagir de manière agressive. Des rivalités ethniques vont sans doute réapparaître. Dans ce contexte, les « frères » africains d’autres pays sont aussi marqués par ces problèmes car pour eux, l’Afrique du Sud représentait leur « paradis » où ils pouvaient toujours aller… Ils comprennent soudain que cela pourrait ne plus être le cas. Dans ces condamnations il y a donc une frustration sous-jacente, alors que le Nigéria, la RDC ou le Zimbabwe ne sont pas non plus exempts de violences.
Comme l’Europe, le continent africain est bouleversé par les changements climatiques, un début de récession économique pour plusieurs et les migrations, et cela ira en empirant. Des milliers d’Africains ont aussi émigré au Mexique, mais ils sont bloqués dans leur espoir d’arriver aux Etats-Unis… Partout, les rêves s’évanouissent comme des mirages.