Le Burkina Faso s’enfonce dans la terreur

 

Depuis plus de quatre années, le Burkina Faso ne cesse d’être le théâtre de tueries commises par des groupes armés djihadistes, certains affiliés à Al-Qaïda au Maghreb, d’autres à l’Etat islamique du Sahel, d’autres enfin à des groupes de brigands et des coupeurs de route.  Le vendredi 11 octobre, la Grande Mosquée de Salmossi au Nord Est du pays, près de Gorom Gorom,  a été attaquée par des djihadistes qui ont tué 16 personnes. Ainsi, ce ne sont pas seulement des chrétiens et leurs églises qui ont visées – 27 chrétiens assassinés depuis le début de 2019 dont des prêtres et des pasteurs -,  mais aussi des mosquées et des Imams. Jusqu’à présent le gouvernement avait minimisé ces attaques, il doit bien se rendre à l’évidence. Selon l’AFP,  600 personnes ont été tuées dans cette grande région et 500 000 ont fui les localités voisines de la Mosquée, terrifiées par ces attaques meurtrières. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) fait maintenant état d’une crise humanitaire touchant 1,5 million de personnes dans cette région.

Le Burkina Faso, littéralement « le pays des hommes intègres », appelé la Haute Volta sous la colonisation française, est devenu indépendant en 1960. Durant les années 1980, c’est surtout le révolutionnaire Thomas Sankara qui a pris fermement en main ce pays. Il retira les pouvoirs féodaux aux chefs traditionnels et dénonça, déjà, la responsabilité humaine dans l’avance du désert… Mais il fut assassiné par Blaise Compaoré en 1987, son compagnon d’armes, « pour rectifier la gouvernance ». Lui-même fut chassé en 2014 par un soulèvement populaire au sein duquel se trouvaient aussi des djihadistes, et s’enfuit du pays. En cause, une mauvaise gouvernance de nouveau, et la corruption.  Son successeur, le président Kaboré, est lui accusé de passivité comme le président du pays voisin le Mali qui subit aussi de nombreuses attaques djihadistes. « Notre administration ne fonctionne pas comme un état en guerre. Il y a une perte totale du sens de l’Etat au profit de la prédation »,  explique un Burkinabè. Un rapport alarmant de la CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique du l’Ouest) sur le Burkina Faso du 12 septembre, constate « une faible implication des leaders communautaires, de religieux, des femmes et des jeunes ; un sous-équipement des forces de défense et de sécurité ; un impact des changements climatiques et la prolifération des armes légères ; une faible coordination pour lutter contre l’insécurité ; la faiblesse des moyens de financement disponibles… » Pas étonnant, la haine et la peur se sont infiltrées partout comme au Mali où l’opération militaire française Barkhane n’est pas encore venu à bout de ces tentatives de déstabilisation. Elle opère pourtant dans toute le bande sahélo-saharienne conjointement avec les armées locales. A l’échelle du Burkina Faso, 15 millions d’habitants,  on compte 289 000 personnes déplacées. Environ 2000 écoles ont été fermées On ne compte plus les assassinats de représentants de l’Etat, de chefs traditionnels ou de certains marabouts considérés comme « déviants » par les djihadistes. Il y a environ 60 % de musulmans, 19 % de catholiques et 15 % d’animistes. « Tout le monde tire sur tout le monde, et tout le monde est responsable : groupes armés, djihadistes, communautés. Une chose est sûre : la réponse militaire n’est pas la solution », avoue un haut fonctionnaire en poste dans le nord.

Cette déstabilisation générale dans tout l’Ouest africain, par des djihadistes en majorité, est très préoccupante. Elle ne pourrait être contrée que par un plan Marshall colossal dont avait parlé Angela Merkel, et une éducation massive. Ainsi serait peut-être stoppée cette déliquescence indigne de plusieurs Etats africains jadis stables, sous la pression agressive d’un Islam dévoyé où la pauvreté est un des facteurs déstabilisant de même que le changement climatique.