La région sud du Sahel s’enflamme
Pendant que la droite et certains verts romands se chamaillent à propos du mouvement Extinction-Rébellion et de son icône Jacques Dubochet, plusieurs pays en Afrique sont de plus en plus atteints par une sécheresse impitoyable qui fait mourir hommes et bêtes. En plus, comme le décrit la NZZ du 29 octobre, la région sud du Sahel est en train de s’enflammer. Entendre par là, depuis la chute du pouvoir Kadhafi, le nombre de conflits, de destructions, de morts, ne cessent de s’aggraver. En cause, l’avancée des islamistes et les changements climatiques qui favorisent la peur, la pauvreté, la corruption, les conflits interethniques, les migrations. Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, totalisent à eux seuls 75 millions d’habitants, auxquels pourraient s’ajouter bientôt le Ghana et la Côte d’Ivoire. Une immense région, aussi grande que l’Europe (le Nigéria mis à part). Les efforts de l’armée française Barkhane, à laquelle se joignent les armées locales aidées par quelques militaires allemands, ne viennent pas à bout de ces explosions de violences (voir blog Burkina Faso du 28 oct.). 80 % des personnes vivent dans une extrême pauvreté, 40 % des enfants de moins de 5 ans sont sous alimentés. Beaucoup de jeunes sont sans travail et sans perspectives d’avenir. Les migrations sont leur seule possibilité. Le climat se réchauffe une fois et demie plus vite qu’ailleurs. Les femmes ont en moyenne 4-5 enfants, ce qui annule le progrès de la croissance. Les gouvernements semblent paralysés, souvent noyautés par la corruption ; les fonctionnaires veulent rester au pouvoir si bien que certains gouvernements sont devenus menaçants envers leur peuple.
Berlin et Paris sont conscients des dangers qui couvent depuis longtemps. L’UE a investi 12 milliards d’Euros depuis 2010 pour la sécurité et le développement de cette région. Mais c’est au cours de la réunion du G7 qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ont enfin décidé de lutter plus efficacement contre le danger terroriste. Même la Suisse y a investi 100 millions de francs chaque année comme aide au développement. Et pourtant, le ministre de la Défense du Burkina Faso Moumina Cheriff Sy n’a pas hésité à dire que les engagements des Européens n’ont eu aucun effet… La ministre de la Défense française Florence Parly vient d’effectuer la tournée de plusieurs de ces états pour se rendre compte sur place de cette situation explosive et a assuré une aide militaire supplémentaire avec des militaires européens dès 2020. Elle ne veut pas laisser le champ libre aux djihadistes, a-t-elle affirmé.
Alors ? Il est temps de comprendre qu’il faut aussi aider cette grande région à créer des perspectives d’avenir par la formation et des places de travail. Rouvrir les centaines d’écoles qui ont été fermées et établir des hôpitaux qui fonctionnent. Mais il faut beaucoup de courage et la bonne volonté des gouvernements, ce qui n’est pas toujours acquis. Les djihadistes savent très bien comment déstabiliser un pays. Ils s’y prennent actuellement de la même manière en Erythrée et au nord du Mozambique. Ils avancent partout comme des fourmis-soldats et, avec les changements climatiques, cela ne fait qu’empirer. Jacques Dubochet a raison de nous secouer, car il y a des dangers qui s’accumulent partout.