Le dynamisme de la médecine sud-africaine

 

Le lent accaparement des richesses de l’Afrique du Sud par son président Jacob Zuma et la famille d’origine hindoue les Gupta est certes une réalité, c’est la tentative de possession par un clan comme dans d’autres pays d’Afrique, par exemple le clan Kabila en RDC. Au fond, on en revient à la tribu. Mais la résistance s’organise en Afrique du Sud et les institutions tiennent bon malgré tout. Elles sont établies depuis des décennies et les citoyens sud-africains ont une opposition bien organisée. Son système de santé est très performant par rapport au reste du continent, car il avait accueilli des personnalités médicales juives fuyant l’Allemagne nazie. En 1967 déjà, le monde apprend avec stupéfaction que le professeur Barnard a réalisé la première transplantation cardiaque à l’hôpital Groote Schuur au Cap. Bien que l’Union Africaine (OUA à l’époque) ait interdit à des Africains hauts placés de se rendre au pays de l’apartheid, de nombreux ministres et autres personnalités africaines  allaient se faire soigner dans les hôpitaux sud-africains, gratuitement souvent, tant les médecins sud-africains étaient heureux de leur rendre ce service et n’ont rien divulgué. D’autres personnalités, du Zimbabwe par exemple, ont fait leurs études par correspondance avec UNISA (University of South Africa)…

Malheureusement aujourd’hui, il y a une des plus fortes prévalences au monde du VIH, avec une propagation de la tuberculose qui tue chaque année 33 000 personnes et un diabète qui alarme les autorités. L’Afrique du Sud fait face à un énorme défi. Malgré cela, elle peut compter sur un avantage majeur : un secteur de la recherche médicale dynamique qui aboutit sur de nombreuses avancées reconnues dans le monde entier.

« Etant donné les fonds limités à disposition, ce que nous avons réussi en matière de recherche est remarquable », explique le docteur Dorsamy Pillay, directeur adjoint du pôle de recherche et soutien de l’innovation à la Fondation nationale pour la recherche. Une des grandes figures de la recherche médicale sud-africaine, est la professeure Glenda Gray, élue cette année parmi les cent personnes les plus influentes au monde par le Time Magazine. Ses recherches ont sauvé des milliers de vies en prévenant la transmission du VIH entre mère et enfant, grâce à l’introduction de thérapies  antirétrovirales. En quinze ans, le taux de transmission est passé de 22 % à 2 %. « Si mes travaux ont abouti, c ‘est parce que j’avais derrière moi une longue histoire militante de lutte contre l’apartheid, puis contre le VIH, explique-t-elle. En tant que pédiatre, je voyais mères et enfants mourir devant moi, j’étais outrée : le gouvernement avait tourné le dos à sa propre population ». A cette époque, en effet, le successeur de Mandela, Thabo Mbeki, avait refusé d’établir le lien entre VIH et Sida. Il avait retardé l’entrée du traitement anti-VIH qui aurait pu éviter des dizaines de milliers de nouvelles infections…

Les combats scientifiques et éthiques de Glenda Gray l’ont conduite aujourd’hui à devenir la première femme présidente du Conseil médical de la recherche en Afrique du Sud ((SAMRC). Elle fait partie de l’équipe qui étudie actuellement un vaccin expérimental contre le Sida, le plus ambitieux à ce jour, testé sur 5 000 volontaires sud-africains.

Il y a d’autres personnalités médicales dignes d’être mentionnées : la professeure Karen Sliwa-Hahnle, spécialiste des maladies du cœur chez les femmes enceintes et le professeur Kit Vaughan en génie biomédical au Cap qui a créé sa propre entreprise biomédicale à sa retraite en 2009. Il cherche à fabriquer la première machine de dépistage du cancer du sein combinant échographie et mammographie.

Tout cela semble avoir trouvé un écho favorable auprès du gouvernement sud-africain qui a annoncé en avril dernier faire passer le pourcentage du PIB  consacré à la recherche et développement  de 0,78 à1,5 % d’ici à 2020. Une bonne nouvelle dans ce grand pays digne d’être soutenu, politiquement surtout, pour qu’il ne tombe pas dans les mains d’un clan avide d’argent.

 

 

 

Afrique du Sud: on veut se débarrasser de Jacob Zuma

Pendant que la RDC s’enfonce encore plus dans la dictature du clan Kabila, qu’Obama essaye de convaincre le Kenya, pays de son père, d’éviter les violences ethniques pendant les élections pour construire un pays vraiment démocratique, que le président Kagame au Rwanda vient de gagner lui-même les élections avec 98 % de voix, le Parlement sud-africain examine aujourd’hui 8 août une motion de défiance contre leur président Jacob Zuma à la tête du pays depuis 2009.

Cette initiative est la quatrième contre le président sud-africain dont le second mandat expire en 2019. Il est embourbé dans des myriades de scandales dont celui du limogeage du ministre des finances Pravin Gordhan, grand pourfendeur de la corruption, cette plaie du continent africain. Cette situation affaiblit considérablement le Congrès national africain (ANC) à deux ans des élections en 2019 (voir Le Monde 7.08.)

De l’avis des vétérans de l’ANC, dont plusieurs ont combattu aux côtés de Nelson Mandela, « l’Afrique du Sud est le témoin d’un vol à grande échelle qui laisse le pays appauvri et aux mains d’un gouvernement de criminels (parmi lesquels la puissante famille d’origine indienne les Gupta). La motion de défiance est la conséquence de tous les scandales dans lesquels il s’est malheureusement empêtré ».

Même son de cloche du côté du parti communiste qui a toujours joué un rôle important dans la lutte contre l’apartheid. L’évêque Tutu, compagnon de lutte de Mandela, cofondateur de la Commission Vérité et Réconciliation, a quitté l’ANC depuis longtemps, quand il a appris que les cadres de l’ANC ont des mines de diamants en République Centre Africaine, un pays aussi dans un état larvé de conflits intérieurs.

Remarquons que cette mainmise sur les richesses d’un Etat par un clan familial est ce qui se passe en République Démocratique du Congo. Là les institutions démocratiques ne fonctionnent plus comme en Afrique du Sud et les emprisonnements, les tortures, les assassinats sont devenus monnaie courante. C’était l’Eglise catholique qui s’était efforcée de jouer les médiateurs, mais elle a jetté l’éponge. Aujourd’hui, des églises sont vandalisées et des prêtres assassinés. Idem au Nigeria qui a engendré Boko Haram…

Cette motion de défiance ne devrait pas passer, selon certains observateurs, parce que le parti majoritaire, l’ANC, a 249 élus sur 400. Mais la présidente du Parlement Baleka Mbete, a décidé que la motion de défiance se fera à bulletin secret et non à main levée. Ce qui pourrait encourager les députés de l’ANC encore fidèles aux valeurs de la nouvelle Afrique du Sud de se débarrasser définitivement de leur président.