En Australie aussi une « génération volée » aux Aborigènes…
Les révélations au sujet des enfants « disparus » dans les institutions religieuses au Canada, ont poussé le premier ministre australien Scott Morrison à annoncer le versement de 47 000 Euros à environ 30 000 Aborigènes arrachés à leur famille lorsqu’ils étaient enfants. Cette décision a été prise le 5 août par le premier ministre australien, 4 jours avant la Journée internationale des peuples autochtones. Chaque enfant doit recevoir 75 000 dollars australiens (46 870 Euros), avec en plus une aide à la guérison et des excuses d’un haut fonctionnaire du gouvernement (La Croix 9 août 2021). C’est déjà mieux que de les enterrer…
Les Aborigènes attendaient cela depuis 2008 lorsque le gouvernement travailliste s’était excusé sur ce douloureux passé. Aujourd’hui ils seront 30 000, ceux qui restent encore en vie, à bénéficier de cette compensation sur 100 000 enfants des générations volées. Voici une bonne explication du colonialisme d’alors : « Au début du XXe siècle, il s’agissait de protéger les Aborigènes, de donner une chance aux enfants métis d’intégrer la société occidentale. Ces pratiques ne concernaient que les enfants dont un parent était blanc, britannique, et l’autre aborigène. Ils avaient ainsi l’opportunité de participer à la société civilisée, et leurs enfants celle de devenir blancs, puisque le gène aborigène était considéré comme récessif… »
Selon Romain Fathi, maître de conférences en histoire australienne à l’Université Flinders, et chercheur associé au Centre d’Histoire des Sciences Po-Paris, les enfants étaient envoyés dans des familles d’accueil pour y recevoir une bonne éducation. Dans la manière de penser de l’époque, c’était leur faire une faveur. Pour les autres Aborigènes, donc full blood, ils étaient considérés comme des personnes condamnées à mourir plus tôt que les autres. Ce n’est que dans les années 70, que la souffrance des Aborigènes, marginalisés, a commencé à être reconnue, victimes de discriminations. En fait, les Australiens se sentaient complètement extérieurs au monde aborigène et les trouvaient non rentables, sales et alcooliques. La ressemblance avec le vocabulaire de l’apartheid sud-africain est frappante.
Me trouvant à la messe de Noël à Perth en 2002, j’ai soudain tendu l’oreille : dans son homélie, le prêtre demandait pardon aux Aborigènes pour les traitements infligés depuis tant d’années. Enfin ! L’église était pleine de descendants de migrants italiens, irlandais et anglais, certains issus des forçats que l’empire britannique envoyait défricher ces nouvelles terres, comme les Chinois font en Afrique aujourd’hui… En Afrique du Sud, Mandela était déjà au pouvoir depuis 1994. A la sortie de la messe, j’ai demandé l’avis d’Italiens, ils étaient soulagés que cela sorte au grand jour et que cela ne soit plus refoulé. Tout d’un coup les langues se déliaient.
Plus tard, j’ai reçu un grand livre avec des peintures faites par une Aborigène… Elles sont impressionnantes en couleurs et en intensité, chargées de symboles qui expriment l’inconscient de manière très suggestive selon les psychiatres. Leurs peintures rupestres ressemblent à celles d’Afrique australe. Mais la fête nationale du 26 janvier célèbre toujours l’arrivée de la première flotte britannique en 1788, un manque de considération envers les Aborigènes qui n’est pas près d’être supprimé. Avec ces excuses, il faudrait maintenant raconter la vérité historique dans les écoles. Et peut-être aussi que les Aborigènes penseront que faire partie de cette société civilisée industrielle n’apporte finalement que malheurs avec la pandémie, les feux de forêts, les inondations, les rats…