Le gouvernement chinois veut siniser les religions

 

La reprise des cultes est l’occasion pour le gouvernement chinois de les autoriser seulement sous condition de « prières patriotiques ». Adopté en 2015 déjà et réaffirmé par le président Xi Jinping en 2017 lors du 19e congrès du parti communiste chinois, le plan de « sinisation » doit rendre compatible la religion avec la culture communiste chinoise. Cela concerne toutes les religions : le christianisme (catholiques et protestants), le bouddhisme, le taoïsme et l’Islam. Pour les catholiques, les directives passent par les évêques dépendants du Vatican et par les fonctionnaires de l’Association patriotique. De cette manière, le Président à vie Xi Jinping cherche à asseoir un peu plus son pouvoir et veut créer une sorte de « secteur public religieux » pour qu’il serve l’objectif de pleinement concilier le socialisme et la tradition nationale chinoise. Selon le jésuite Benoît Fernander, professeur de Sciences religieuses à l’université Fudan de Shanghaï. « Les relais du pouvoir doivent insister tout particulièrement sur la sinisation des expressions de la foi, mais aussi des arts, de l’architecture, de la liturgie, sur le développement d’une recherche théologique guidée par la tradition nationale. Mais cela pourrait déboucher sur des conflits sérieux, si les traductions et notes de la Bible devait être modifiées en fonction des consignes du Parti », précise le jésuite qui met aussi en garde contre la volonté de Pékin de mettre la main sur les religions, afin qu’elles ne soient pas des terrains de dissidence. Il rappelle aussi que le Parti croit pouvoir mettre en place une religion civile fondée sur le culte de la mère patrie et les valeurs socialistes… Cela rappelle les écrits du philosophe et économiste français Saint Simon qui se fonde sur une religion de la science et la constitution d’une nouvelle classe industrielle (1760-1825).

Ces jours, suite au déconfinement en Chine, un avertissement a été lancé à l’Eglise catholique. Le gouvernement de la province de Zhejiang près de Shanghaï, a adressé une directive aux institutions catholiques locales, l’une officielle, l’autre dépendant du Vatican, de faire des prêches sur le patriotisme. Cité par l’agence de presse asiatique UCA News, le Père Liu , de la province de Hebei, terre de forte tradition catholique, s’insurge : « En tant que membre de l’Eglise catholique universelle nous ne pouvons accepter et glorifier ce que le gouvernement communiste considère comme l’éducation patriotique ». Fin 2019, le Président Xi Jinping est allé exhorter les responsables religieux, à retraduire leurs textes sacrés pour les rendre plus conformes à l’idéologie du Parti… La province du Zhejiang est particulièrement visée par cette offensive antireligieuse car elle possède une forte communauté catholique. Chasse aux croix, églises détruites, car « non autorisées », disparitions mystérieuses d’évêques… Un acharnement qui s’explique par la défiance qui confine à la paranoïa, du parti communiste à l’égard de la religion chrétienne, « elle représente une menace d’ingérence étrangère, explique Emmanuel Lincot, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la Chine. De plus la ville de Wenzhou a de forts appuis hors de Chine, elle a connu une forte diaspora et conservé des liens puissants avec elle. » Les protestants seraient encore plus nombreux que les catholiques et sont confrontés aux mêmes problèmes.

En 2018 le Pape François avait conclu un accord provisoire avec le gouvernement chinois l’autorisant notamment à élire les évêques catholiques. Un pas audacieux très critiqué surtout par le vieux cardinal Joseph Zen venu en personne à Rome pour lui expliquer le danger que courait l’Eglise catholique. Les négociations ont ralenti certes, mais François s’en remet au « temps de Dieu. » Le cardinal Zen d’ailleurs, qui habite Hong Kong, essaie aussi d’être un médiateur pour empêcher que la situation ne tourne en un conflit violent et dévastateur. Il conseille la prudence aux hongkongais.

Enfin, on ne peut parler de jésuites en Chine sans mentionner le plus connu et admiré de tous, Matteo Ricci (1552-1610), Li Matou en chinois, qui s’intégra pleinement dans la langue, la culture et la société chinoise d’alors qu’il admirait sous la dynastie des Ming. Il est encore vénéré aujourd’hui. Peut-être, c’est ce qu’attend le président chinois des chrétiens…