Sans vérité et justice, pas de paix durable en RD Congo

Le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018, « le médecin qui répare les femmes victimes d’abus sexuels en RD Congo », en est convaincu, c’est une étape essentielle pour avancer vers la paix. En effet, il faut que les victimes et leurs bourreaux puissent reconstruire un avenir apaisé pour les générations futures.

Et pourtant l’ONU avait déjà mis au jour de nombreuses violations des droits humains commis entre 1993 et 2003 surtout dans les régions de l’Est et tout est documenté dans le rapport Mapping. Mais voilà, il a été très rapidement enterré par les autorités responsables d’alors. Aujourd’hui, l’ONU s’inquiète d’une détérioration de la situation des droits de l’homme dans les provinces en conflits. Le Bureau conjoint des Nations Unies a rapporté plus de 4000 violations et atteintes aux droits humains, commises entre janvier et juin 2020… Le Dr Mukwege a rapidement compris, avec l’aide d’une juriste internationale Céline Bardet, spécialiste des questions de crimes de guerre, que pour stopper ces violences, il fallait résoudre le problème de l’impunité. Et son combat vise à déterrer le rapport Mapping pour que la liste officielle des commanditaires établie par l’ONU soit publiée. En plaidant ouvertement pour cette justice, il soulève la question d’une impunité totale sur un conflit dont les responsables n’ont jamais été jugés. Depuis 25 ans, un grand nombre d’auteurs présumés figurent dans les hautes instances dirigeantes politiques et militaires des pays de la région des Grands Lacs, ce qu’avait déjà dénoncé l’ONG Acat en 2019. Tout cela participe de la déstabilisation de l’Afrique centrale, du Mali à Mogadiscio.

Mais les intentions de Denis Mukwege dérangent beaucoup de personnes et il a été menacé de mort, ainsi que des membres de sa famille. Des menaces qu’il prend aujourd’hui très au sérieux. C’est pourquoi il en appelle aussi à la communauté internationale. L’ONU est particulièrement concernée puisqu’elle avait déjà fait un rapport. Seule une décision du Conseil de Sécurité peut permettre la création d’un Tribunal pénal international chargé de juger les exactions commises au cours des dernières décennies.

La Coopération suisse au développement a plusieurs projets d’aide aux populations de l’Est de la RDC et a cofinancé un film projeté récemment à Lutry (VD) montrant un concert pour la paix. Le chœur africain chantait le Requiem de Mozart sans aucun livret, pour donner du courage aux victimes de nombreux deuils. Un rappeur mimait des scènes terribles. C’était sous le patronage de Denis Mukwege et de l’évêque de Bukavu. Un moment émouvant que diverses personnalités ont aidé à réaliser, notamment le représentant de la DDC Jean-Luc Virchaux. Une manière aussi de rendre hommage aux milliers de morts innocents.

Changement climatique : il n’y a plus d’avenir ici en Afrique australe…

 Ce sont deux Sud-Africains d’origine boer établis dans la région australe qui l’affirment. Depuis cinq ans maintenant, à la pointe sud du continent africain, cyclones et sécheresses se succèdent et ont des répercussions désastreuses. Les températures y montent deux fois plus vite que sur le reste du continent : le Mozambique, le Zimbabwe, le Malawi, la Zambie, le Botswana, les ont subies il y a deux ans. Aujourd’hui, c’est le tour de l’Afrique du Sud, de la Namibie en partie, du Botswana et de l’Angola. Petits paysans, grands exploitants, éleveurs, hôteliers, enseignants, tous sont touchés plus ou moins fortement… Et c’est une triste chaîne de malheurs qui s’installent : insécurité alimentaire, corona virus, chute du tourisme, mort des animaux, chômage, migrants qui ne transfèrent plus d’argent. L’excellente qualité des hôpitaux sud-africains et namibiens diminue par manque de moyens et de compétences. Le changement climatique et le corona virus sont devenus les nouveaux vautours qui planent dans le ciel austral ainsi assombri.

Le pays le plus fragilisé est le Zimbabwe. D’après le PAM (Programme Alimentaire Mondial), 60 % de la population (8,6 millions de personnes sur 15 millions) seront menacées de famine d’ici la fin de l’année (Le Monde Afrique). Là, la sécheresse s’ajoute à une liste de difficultés économiques : inflation, pénurie de liquidité, d’essence, de médicaments, d’eau, d’électricité, notamment à Buhera à l’est. « Tout le monde ici est en situation d’insécurité alimentaire, constate un « vieux » de 68 ans, on a beau organiser des prières pour faire pleuvoir, rien n’y fait. Même les marécages et cours d’eau qui coulent toute l’année, sont asséchés. » « Cette année est une mauvaise année, ajoute Celia. L’année passée les terres ont été emportées par les eaux. Cette année, elles seront brûlées par le soleil….

Et pourtant, à 800 km plus à l’ouest, en Zambie, l’herbe est haute et les routes boueuses. Les pluies sont arrivées fin décembre à Simumbwe, au sud-ouest. Mais des centaines de personnes attendent patiemment une distribution de nourriture organisée par l’ONG World Vision et le PAM. L’année passée, 70 % des récoltes ont été perdues à cause de la sécheresse. «J’avais récolté 18 kg de nourriture, autant dire rien, raconte Loveness, mère de cinq enfants, bénéficiaire de l’aide de Simumbwe. On peut manger une fois par jour ». Les fonds manquent pour répondre aux besoins des 2,3 millions de personnes en Zambie. Le PAM n’a reçu qu’un tiers des 36 millions de dollars promis. Récemment des voleurs se sont emparés de la nourriture allouée à une école. Une des solutions serait la diversification des légumes nutritifs, en utilisant des techniques agricoles adaptées au changement climatique, mais il faut de l’argent… Faute de pluies, le barrage Kariba, principale source d’électricité de la Zambie et du Zimbabwe ne peut fonctionner qu’à 25 % de sa capacité. Cela signifie des coupures d’électricité jusqu’à vingt heures par jour. Par 45°, cela affecte les hôteliers qui doivent mettre la climatisation à plein régime pour les touristes venus admirer les chutes Victoria pourtant diminuées en partie.

La Banque Africaine du Développement (BAD) est pessimiste en ce qui concerne les conséquences du corona virus qui prévoit une contraction du PIB pour l’ensemble du continent, entre 1,7 % et 3,4 % (1.2. milliard d’habitants). Cela provoquera une violente crise économique là où le secteur informel est très important et où on vit au jour le jour. De 28 à 42 millions de personnes pourraient tomber dans une extrême pauvreté…

On a de la peine à s’imaginer la tragédie qui commence à montrer ses effets dévastateurs, surtout dans les pays déjà affaiblis, nous qui nous plaignons pour la moindre défaillance. Ainsi, les belles prévisions de développement pour l’Afrique pourraient être balayées par le changement climatique et le terrible virus. Puisque en Europe le changement climatique se fait aussi sentir, il faut se préparer à la solidarité comme l’UE l’a décidé et mieux utiliser nos ressources pour parer à ce qui pourrait aussi nous arriver : vivre avec moins. Grâce à leur résilience, les Africains nous montrent l’exemple…