Joseph Kabila au Vatican

République Démocratique du Congo : Joseph Kabila au Vatican

Ambiance tendue lors de la réception du président congolais Joseph Kabila au Vatican le 26 septembre. Il faut dire que l’Eglise catholique du pays s’était retirée du dialogue national  après le récent massacre de dizaines manifestants à Kinshasa. Non seulement l’Eglise critique l’inaction du pouvoir au nord Kivu où des personnes sont emprisonnées, tuées, des villages saccagés, en toute impunité, mais encore les évêques congolais, courageux, ont déclaré que tout accord politique devait stipuler que « l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle ».

En effet, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 sans élections (suite à l’assassinat de son père qui avait chassé Mobutu),  veut briguer un troisième mandat contrairement à la Constitution, emboîtant ainsi le pas à ces nombreux chefs d’Etats africains qui arrangent la démocratie à leur manière, suivant ainsi les bons conseils des Chinois. Les droits de l’homme, c’est secondaire et tant pis pour la liberté de presse et pour le nombre de morts. D’ailleurs Joseph Kabila est fortement influencé par le président du Rwanda Kagame ; les deux semblent se partager les richesses du nord Kivu, le coltan en particulier, si nécessaire pour les technologies de pointe dont sont friands les pays industrialisés qui se taisent.

Le pape François a accueilli Joseph Kabila pour un entretien de 20 minutes au cours duquel il a souligné l’importance de la collaboration de tous les acteurs politiques,  représentants de la société civile et communautés religieuses, en faveur du bien commun, ceci à travers un dialogue respectueux et inclusif pour la stabilité du pays.

Que cherchait donc Joseph Kabila en venant au Vatican ? A contrer l’action des évêques congolais ? C’est raté. A entendre un autre point de vue que ses élites corrompues ? Peut-être. C’est surtout un homme mystérieux qui s’exprime très peu, dont on dit que la mère est rwandaise tutsi. Le pape lui a remis ses encycliques, dont celle sur l’écologie (Laudato Si » pour sauver « notre maison commune ». Cela pourrait l’inspirer puisque son nouveau ministre de l’environnement  a cautionné l’attribution de vastes concessions forestières par son prédécesseur Liyota Ndjoli,   à deux sociétés à capitaux chinois (Somifor et Codeco)- Quand on sait que 60 % des forêts denses du bassin du Congo sont les poumons de la terre avec celles de l’Amazonie, il y a de quoi s’irriter contre les rapaces du bois et de l’argent. Kabila pourrait bien commencer par là…

Assise 2016, pendant que des bombent tombent sur un convoi humanitaire en Syrie…

Assise 2016, pendant que des bombes tombent sur un convoi humanitaire en Syrie…

Du 18 au 20 septembre, ils étaient environ 500 représentants des différentes religions, une rencontre organisée par Andrea Riccardi (ancien ministre italien), fondateur de la Communauté Sant ‘Egidio. Bien sûr, on se moque facilement de telles initiatives : elles font naître de belles images, mais c’est si peu face aux drames qui ensanglantent le monde… Mais il faut refuser ce scepticisme. Nous avons besoin de tels moments pour reprendre notre souffle dans le combat jamais achevé contre la division, la haine, la guerre, la manipulation maléfique des religions. Mardi 20 septembre, Din Syamsuddin, président du Conseil des Oulemas d’Indonésie, le pays qui compte le plus de musulmans au monde a proclamé : « La violence ne peut jamais utiliser le nom de la religion, jamais ! ». (La Croix 20.09.16)

Une rencontre comme celle d’Assise, initiée il y a 30 ans par Jean-Paul II, est d’autant plus légitime que la naïveté n’y a pas cours. Chacun avait profondément conscience de la difficulté de la tâche, de la patience requise : « La paix obtenue par la force sera renversée par la force » a souligné Koei Morikawa, un dignitaire bouddhiste japonais. Le seul chemin fiable vers la paix est celui du dialogue et de la prière, voilà le message d’Assise.

Le pasteur Harutium de l’Eglise évangélique arménienne de Syrie a raconté qu’il y a un siècle, c’est Alep qui sauvait les Arméniens où ils ont pu s’installer.

Et le pape François de conclure : « Sans syncrétisme, sans relativisme, nous avons prié les uns à côté des autres, les uns pour les autres ». On ne peut pas trouver des mots plus simples pour exprimer la force faible des religions face à ce que François a appelé  : « Le paganisme de l’indifférence ».

Soudan du Sud: George Clooney enquête sur la corruption des élites

La guerre civile qui ravage depuis 3 ans le Soudan du Sud est une excellente affaire pour les potentats qui s’y déchirent.C’est ce que constate un rapport de The Sentry présenté à Washington le 12 septembre. Ce bureau d’investigation a été créé par l’acteur George Clooney et John Prendergast, défenseur des droits de l’homme. Tous deux enquêtent sur les financements des conflits en Afrique (La Croix 13.09.2016), conflits qui, on le sait, engendrent des groupes criminels comme Boko Haram (et l’EI au Moyen Orient) et jettent sur les routes des milliers de réfugiés.

Des dizaines de milliers de Sud-Soudanais tués, 2,5 millions en fuite, 5 millions manquent de nourriture…

Les élites politiques et militaires sud-soudanaises dont le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, chef de la rébellion, sont accusées de s’être enrichies durant la guerre civile qui a débuté en 2013. Ce pays est devenu indépendant après la partition du Soudan en 2011. D’après George Clooney:”Les familles des élites sud-soudanaises vivent à l’étranger dans des villas de luxe de plusieurs millions de dollars, passent leurs vacances dans des hôtels cinq étoiles, récoltent les bénéfices d’un système de népotisme et de contrats douteux.” Le rapport cite le chef d’état major Paul Majong qui est propriétaire de deux luxueuses maisons en Ouganda, et une autre au Kenya. Il détient aussi les preuves qu’un fils de 12 ans du président Kiir possède une participation de 25 % dans une compagnie pétrolière créée en février 2016.

Le Sentry dénonce aussi l’impunité des protagonistes de la guerre qui se moquent des menaces internationales:”Les dirigeants du Soudan du Sud ne prennent plus au sérieux les menaces des Nations Unies, des Etats-Unis et d’autres pays, de punir leurs actes.”  Comme dans de nombreux autres pays d’Afrique malheureusement, c’est la trahison des élites qui sacrifient leurs populations sur l’autel de leur bien-être et de leurs familles.

Mohammed VI contre la haine, le fanatisme et le repli sur soi

Discours du roi Mohammed VI contre le fanatisme, la haine et le repli sur soi

Dans son discours du 20 août dernier à l’occasion du 63e anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, le roi du Maroc Mohammed VI, vêtu de l’habit de Commandeur des croyants, a montré sa détermination à  combattre les terroristes qui se revendiquent de l’islam. Le souverain chérifien a fait un discours contre tous les obscurantismes, toutes les intolérances et le dévoiement par certains extrémistes de l’enseignement et de la pratique de l’islam (voir  Afrique, Le point, 22.08.16).

On ne peut que se réjouir de cette prise de position claire et courageuse dans le monde musulman divisé. Concernant l’Afrique, à son avis, les problèmes qui affligent les pays africains (pauvreté, émigration, guerres, conflits) provoquent aussi la tentation de se jeter dans les bras de groupes extrémistes et terroristes. Ce sont autant de maux engendrés par la politique calamiteuse que le colonialisme a mené pendant des décennies… Mais, dit-il, « Nous sommes convaincus que l’Afrique est capable d’assurer son propre développement et de changer par elle-même son destin grâce à la forte détermination de ses peuples, à leurs potentialités humaines et à leurs ressources naturelles ». A noter que ce discours s’inscrit dans la reprise de la participation du Maroc à l’Union Africaine.

L’intérêt du Maroc, c’est aussi l’intérêt de l’Afrique

L’engagement du Maroc pour les causes et les préoccupations de l’Afrique n’a jamais été motivé par une volonté d’exploitation de ses richesses et de ses ressources naturelles, contrairement à ce que l’on appelle aujourd’hui le néocolonialisme. « Nous ne considérons pas l’Afrique comme un marché pour vendre et écouler les produits marocains, ou un cadre de lucre rapide, mais comme un espace d’action commune pour le développement de la région au service du citoyen africain ». Cette vision solidaire et intégrée qui régit les relations du Maroc avec ses frères d’Afrique d’après le roi marocain, exige de tous les acteurs qu’ils assument leurs responsabilités et honorent leurs engagements pour garder intact la crédibilité du Maroc. On pense ici à la corruption qui sévit dans de nombreux pays, mais qui n’est pas mentionnée expressément.

Accueil des migrants subsahariens et terrorisme

Mohammed VI rappelle que le Maroc, parmi les premiers, a adopté une politique solidaire authentique pour accueillir les migrants, sans condescendance, sans arrogance, ni discrimination. Il rappelle les qualités d’hospitalité et de bienveillance ancrées dans la culture traditionnelle. Avec l’Allemagne, le Maroc copréside le Forum mondial pour les migrations et le développement pour 2017-2018. Le souverain marocain regrette notamment toutes les dérives dans la gestion des questions de migration autour du bassin méditerranéen. Une situation, selon lui, qui ne cesse de s’aggraver à cause du terrorisme et de la tentative de le relier aussi aux immigrants, surtout en Europe. Il lance un appel à tous les Marocains résidant à l’étranger (il y en a beaucoup en Belgique) de rester attachés aux valeurs de leur religion, d’être en première ligne parmi les défenseurs de la paix, de la concorde et du vivre-ensemble. En effet, du fait de la perversion de l’image de l’islam et des attentats terroristes, ils subissent de plein fouet des réactions xénophobes. Le roi condamne vigoureusement le meurtre d’innocents. Et l’assassinat d’un prêtre dans son église est un acte illicite selon la loi divine et une folie impardonnable. Selon lui, l’islam recommande de bien traiter les gens du Livre comme l’attestent plusieurs versets, notamment : « Nous ne faisons pas de distinction entre Ses messagers ».Ceux qui commettent ces crimes sont des individus égarés, condamnés à l’enfer pour toujours. Et, le Très-Haut a dit :*Ne soyez pas des transgresseurs ». L’appel au djihad ne peut émaner que de la Commanderie des croyants, il ne peut émaner d’aucun groupe.Face à la prolifération des obscurantismes répandus au nom de la religion, tous, musulmans, chrétiens et juifs doivent dresser un front commun pour contrecarrer le fanatisme, la haine et le repli sur soi sous toutes ces formes. L’histoire de la civilisation humaine abonde en modèles de réussites.

Des phrases bienvenues, souvent prononcées il est vrai, mais cette fois, venant d’un haut représentant de l’islam, Il faut espérer que de nombreux musulmans l’entendront et ne tomberont pas dans le piège djihadiste.

 

 

 

Un livre de “l’évêque suisse d’Arabie”

Un livre de «  l’évêque suisse d’Arabie »

Paul Hinder (capucin thurgovien),  vicaire apostolique d’Arabie du Sud depuis 12 ans, est basé à Abou Dhabi, où il est le correspondant aux Emirats Arabes Unis, au Sultanat d’Oman et au Yémen, soit une superficie de 3 millions de km2. Selon lui, 85 % de la population des Emirats sont des étrangers, principalement des Indiens, des Philippins, des Pakistanais et des Sri Lankais, mais aussi des Libanais, des Palestiniens, des Irakiens, des Syriens ou Egyptiens, dont au moins 2,5 millions sont des catholiques (Apic).

Témoignage précieux

Mgr Hinder était de passage en Suisse cet été pour lancer son livre en allemand : « Paul Hinder als Bischof in Arabien », Herder Verlag, où il donne un témoignage précieux sur la vie des chrétiens en terre d’islam. Interrogé sur la présence musulmane de plus en plus forte en Europe, « l’évêque d’Arabie » pense que « le problème n’est pas la force de l’islam, mais plutôt la faiblesse du christianisme en Europe ». Il propose aux Européens de réagir et de se poser la question de leurs racines « le patrimoine chrétien n’est pas sculpté dans le granit pour toujours, mais peu s’évaporer ». Bien sûr, les valeurs séculières comme la solidarité et la non-violence appartiennent aussi à ces racines, mais peuvent-elles subsister quand la religion chrétienne qui les a produites n’est plus maintenue ? « Prendre soin de ses racines et de son patrimoine, ajoute-t-il, c’est par exemple transmettre des connaissances sur la Bible et le christianisme ». N’est-ce pas une solution plus sûre ? L’assassinat par égorgement du Père Jacques Hamel avec l’appel de l’Eglise à ne pas se venger,  a  provoqué soudain un retournement profond des mentalités religieuses en France chez les chrétiens, comme chez les musulmans et les athées. Même le président Hollande s’est rendu chez le pape François le 16 août.

La liberté religieuse existe, mais…

Dans les Emirats Arabes Unis et dans le Sultan d’Oman, la liberté religieuse existe, mais « il y a des restrictions. On ne peut pas célébrer une messe n’importe où, le problèmes des lieux et des locaux est réel ». En effet, pour les sept petits états des Emirats Arabes Unis, il n’y a que huit paroisses pour un million de catholiques. Les édifices n’ont pas de croix, ni de cloches et tout prosélytisme est interdit. Mais les évangéliques ne s’y tiennent pas et cela retombe sur l’ensemble des chrétiens (il y aussi des anglicans et des luthériens). Avec le développement économique de la région, les chrétiens sont en augmentation constante. Considérés comme étrangers, ils ont des visas pour une durée limitée, trois ans, renouvelables. IL y a donc des côté positifs. Paul Hinder y est depuis 12 ans…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Afrique du Sud : la transformation politique

Qui l’eût cru ? L’ANC, le parti de Nelson Mandela, est en perte de vitesse. Aux récentes élections municipales, il a perdu deux grandes villes, Pretoria et Port Elisabeth, le Cap étant déjà le fief de l’opposition DA (Democratic Alliance). Mais on s’y attendait: Jacob Zuma, que la DA avait appelé “le cancer de la politique sud-africaine” (voir LT du 7 avril) était de plus en plus contesté à cause de ses démêlés avec la justice : viol, corruption (notamment avec la famille indienne Gupta), refus de payer  les frais de sa somptueuse villa sécuritaire à Nkandla, 15 millions d’Euros. Le 5 avril dernier, le Parlement l’avait sauvé de justesse de la destitution réclamée par l’opposition.

Ce Zoulou (fief Durban), né en 1942 et analphabète jusqu’à 17 ans – il avait appris à lire à Robben Island, la célèbre prison de Mandela – n’est plus à la hauteur de la complexité des problèmes politiques, sociaux et économiques. Sorte de Trump qui se croit tout permis parce qu’il est le chef de la tribu, il n’a plus convaincu une classe moyenne bien éduquée, multiraciale et ayant le sens de la démocratie, surtout de la liberté de presse vieille de 70 ans ! Mais il n’est pas le seul facteur de cette défaite retentissante de l’ANC qui n’engrange plus que 54 % des voix alors qu’elle avait la majorité absolue il y a 20 ans. Ces résultats sont une sérieuse mise en garde de l’ANC qui devrait se débarrasser de lui et de certains membres corrompus de son gouvernement.

L’opposition DA est bien structurée et implantée partout. Par son caractère multiracial, elle rappelle l’opposition DTA en Namibie qui, en 1975 déjà, avait fait le choix de ne pas être liée à une ethnie ou encore moins à une religion. Mais Jacob Zuma, par son incapacité à résoudre les problèmes, a aussi provoqué l’émergence d’une gauche radicale, celle du trublion Julius Malema, 35 ans, exclu de l’ANC, à la tête de l’EFF (Combattants pour la liberté économique) qui représente 6 % de la population, surtout jeune, et a 25 députés au Parlement. Il y a quelques mois, il avait menacé de prendre les armes.

L’Afrique du Sud, ce grand pays qui était très prometteur à sa nouvelle naissance en 1994 avec Nelson Mandela, mérite mieux que cette médiocre image qu’elle donne de sa communauté noire.

République démocratique du Congo: énormes concessions forestières attribuées à des opérateurs chinois

Dans le récent rapport de Greenpeace (12.07.2016), Irène Wabiba Betoko, responsable Forêts de Greenpeace en RDC, demande aux autorités congolaises d’annuler immédiatement trois contrats attribuant des concessions forestières à deux sociétés à capitaux chinois (Somifor et Codeco) délivrés dans le secret et l’illégalité, ceci en violation d’un moratoire de la RDC depuis 2002. L’organisation écologiste accuse l’ex-ministre de l’environnement Bienvenu Liyota Ndjoli d’avoir attribué les trois concessions en août 2015. Elles sont détenues par des investisseurs chinois et couvrent une superficie de 650 000 hectares !
Bien sûr, selon M. Liyota, il n’existe aucune restriction légale interdisant à un ministre de l’environnement d’attribuer des concessions forestières, expliquant en outre que “ces concessions n’étaient pas concernées par le moratoire”. Irène Betoko soupçonne aussi l’actuel ministre de l’environnement Robert Bopolo d’avoir “cautionné ces contrats illégaux”. Ces concessions concernent les régions Equateur,Tsuapa et Tsopo.

Silence ministériel

Le ministre n’a pas souhaité s’exprimer malgré l’insistance de Greenpeace de s’assurer que les officiels impliqués soient punis. La RDC doit bénéficier ces prochaines années d’un ambitieux  programme de 200 millions de dollars par la Cafi (Initiative pour la forêt en Afrique centrale) qui regroupe des bailleurs bilatéraux tels la France et l’Union Européenne. A cette occasion le moratoire pourrait être levé, mais, exige Greenpeace “que cela soit fait dans des conditions définies par la loi et par un processus consultatif”. En fait, grâce à la corruption, les Chinois ont toujours quelques années d’avance…C’est tout le drame de l’Afrique et de beaucoup de ses fonctionnaires qui n’ont pas à coeur le bien commun de leur pays, mais leur enrichissement personnel. Et les vautours sont vite là pour détruire ce qui a été construit dans la concertation démocratique du pays.

Rappelons que la RDC concentre 60 % des forêts denses du bassin du Congo, deuxième massif forestier après l’Amazonie… L’humanité a besoin de ces poumons et non pas de rapaces avides de bois. Et le peuple congolais de plus de justice de la part de certains officiels. Il est certain que Boko Haram n’est pas loin.

Museweni:”Une bande d’inutiles, et des pays fiers et arrogants”

Ce sont les paroles prononcées par le président Yoweni Museweni, 71 ans, 30 ans au pouvoir, lors de son serment d’allégeance pour son 5e mandat à la tête de l’Ouganda, visant la CPI et les pays occidentaux. Plusieurs chefs d’Etats africains étaient présents, notamment Jacob Zuma (Afrique du Sud), John Magufuli (Tanzanie), Salva Kiir (Sud Soudan) et Omar El Béchir (Soudan). Le nouveau président avec 60 % des voix, s’est engagé à “remplir fidèlement sa fonction de président de l’Ouganda dans le respect des lois du pays, tout en veillant au bien-être de ses concitoyens”. (RFI, 13 mai). Son pays est signataire des Statuts de Rome qui ont fondé la Cour Pénale Internationale (CPI).

Les temps changent…

Depuis 2009, Omar El Béchir est recherché par la CPI pour crimes contre l’humanité, crime de guerre et génocide au Darfour, 300 000 morts, selon l’ONU. Alors présent à Johannesburg lors d’un Sommet de l’UA en 2015, le président sud-africain l’avait laissé rentrer au Soudan malgré l’interdiction de la Cour de Justice sud-africaine. D’ailleurs, au cours de l’Assemblée générale de l’UA à Addis Abeba en janvier dernier, plusieurs état avaient demandé de sortir de la CPI. En d’autres termes, le droit de tuer. Oui les temps changent aussi en Afrique. Les Occidentaux, leurs droits de l’homme et leurs institutions juridiques sont devenus secondaires comme l’ont proposé les Chinois notamment. On peut arranger les Constitutions comme on veut, il suffit d’un groupe satellite autour du président et le tour est joué d’une manière ou d’une autre. Zimbabwe, Angola, Guinée équatoriale, Rwanda,  Congo Brazza, Gabon, Gambie, Mauritanie,  pour ne citer que quelques-uns. C’est ce qui se passe aussi actuellement en République Démocratique du Congo. Joseph Kabila ruse depuis une année pour attraper un troisième mandat. Avec le président rwandais Kagamé, il est très intéressé par les ressources minières de l’Est dont le Coltan, dans la région stratégique du Kivu où des groupes rebelles, le M23 en particulier, sèment la terreur et violent femmes et enfants. Ce minerai est utilisé par les technologies modernes: ordinateurs, téléphones portables, fusées… il y a plusieurs vautours, les Américains aussi qui ne réagissent que mollement au agissements tordus de Joseph Kabila.

Respecter le droit international ?

Pourquoi certains chef d’Etat africains le respecteraient-ils ? Ils savent ce qu’ont fait les Américains en Irak avec leurs mensonges, les prisons d’Abu Ghraib et de Guantanamo. Et les Européens aujourd’hui avec les réfugiés qu’ils renvoient en Turquie contrairement au droit international ? Qui est responsable du morcellement des Kurdes ? Les puissances qui ont gagné la Première Guerre mondiale, les Britanniques en tête. Avec la diffusion rapide des informations, et ainsi l’éveil des peuples à leurs droits, la démocratie subit des accouchements douloureux suivant les pays et certains chefs d’Etat refont les fautes des premiers fondateurs. A la Révolution française de 1789, Robespierre avait été l’un des partisans les plus convaincants pour la Déclaration des Droits et Devoirs du citoyens, mais après quelques années, au fil des difficultés, il a fait guillotiner ses opposants et a lui-même aussi été guillotiné… On refait toujours l’histoire.

Les évêques kenyans: “Le cancer de la corruption tue notre nation”

Dans une déclaration très courageuse sur l’état de la nation le 12 avril dernier, la Conférence des évêques kenyans n’a pas mâché ses mots pour condamner les maux dont souffre le Kenya, “boostée” qu’elle était par la récente visite du Pape François. En effet, il avait été profondément choqué par la situation d’extrême pauvreté dans les bidonville, le chômage des jeunes, le peu d’intérêt pour l’environnement et la corruption généralisée en système. Les évêques ont rappelé les sacrifices de ceux qui se sont battus pour l’indépendance du Kenya (1963) et le rêve qui les animait de créer une nation souveraine où chacun est traité avec égalité et dignité. Ils ont brossé une tableau sombre de la situation et des forces occultes qui la minent.

La corruption détruit tout effort

Lors des élections de 2007,  des milliers de personnes avaient été tuées et d’autres déplacées ce qui avait valu au président actuellement en exercice, Uhuru Kenyatta, d’être condamné par la Cour pénale internationale (CPI). Mais faute de preuves suffisantes difficiles à obtenir, l’accusation a été levée récemment.” A ce jour, rappellent les évêques, les victimes n’ont toujours pas reçu de compensations, peu ont été relocalisées, et aucun effort de réconciliation n’a été entrepris dans le but de construire une nation solide comme le voulaient nos fondateurs.  La corruption tue notre pays. La majorité des Kenyans n’arrivent pas à vivre décemment. Nos jeunes n’ont pas de travail et s’ils en ont, ils doivent payer pour le garder. Certains groupes de jeunes corrompus par des leaders véreux, se radicalisent, sont poussés à des activités culturelles immorales et décadentes à faire du commerce de la drogue.”

“Chaque jour, ont-ils poursuivis, on entend des révélation sur des vols dans les caisses publiques par des fonctionnaires hauts-placés ou sur les tricheries dans l’éducation où des responsables ont même vendu les feuilles d’examens ! Notre pays est tombé bien bas… Même le Judiciaire et la Commission électorale indépendante sont touchés par cette maladie, et aussi la Police et les institutions politiques. Où allons-nous ainsi ?”

L’amour de l’argent est la cause de tout mal

“Dans notre société, c’est l’argent qui est devenu le dieu pour beaucoup et leur philosophie est de gagner le plus d’argent possible, aussi rapidement que possible et de n’importe quelle manière. Nous en appelons à la conscience de chaque dirigeant de toutes nos institutions  de se souvenir de leur devoir de participer à la construction de notre pays. S’ils coulent, nous coulons tous. Nous en appelons aussi aux autres religions et confessions pour combattre ce mal “.

Ce cri d’alarme des évêques kenyans sur l’état de leur nation n’est pas isolé. Il reflète celui de nombreux pays africains, comme d’ailleurs en Amérique latine (Brésil), en Europe de l’Est et ailleurs. La mondialisation économiques a créé des dégâts sociaux très graves là où il n’y a pas de filet de protection par les assurances sociales comme en Europe occidentale et provoqué le recul d’une démocratie naissante par manque de repères. Les grandes multinationales, plusieurs gouvernements étrangers, n’ont fait que de déchirer le tissu social africain basé sur la solidarité. Pour celui ou celle qui a connu l’Afrique il y a 50 ans, le recul humain est désastreux. Le libéralisme économique tel que pratiqué aujourd’hui est inacceptable. L’Europe doit montrer l’exemple de ses valeurs en train de se perdre aussi pour renforcer l’Afrique. Elle lui doit bien cela.

Nigeria: les repentis de Boko Haram

Bonne nouvelle: le 6 avril dernier, l’armée nigériane a mis en place un camp pour les repentis de Boko Haram (= l’éducation occidentale est un péché). Elle veut les aider à se réintégrer dans la société. Ils auront une formation professionnelle pour pouvoir contribuer plus tard à la croissance du pays qu’ils ont voulu détruire. En effet, des dizaines d’islamistes ont été capturés ces derniers temps ou se sont rendus à l’armée au nord-est du pays.

Une réinsertion possible ?

C’est une initiative courageuse. Depuis 2009, Boko Haram a tué environ 20 000 personnes dans le nord du pays, musulman, alors que le sud est chrétien en majorité. Ils ont capturé des milliers de femmes et d’enfants, brûlé de nombreux villages, écoles surtout, et fait fuir plus de 2,6 millions de personnes dans les pays voisins. Peut-on penser qu’une réinsertion soit possible ? Justement, il faut réparer les injustices. La pauvreté, l’analphabétisme, les déficits dans l’éducation et la santé, le manque de travail, l’immense corruption des élites et du gouvernement sont à l’origine de leur terrible déviance. Une corruption où les multinationales européennes du pétrole sont impliquées (voir blog du 28 février 2016). Jusqu’à présent le gouvernement nigérian a dit ne pas avoir suffisamment d’argent pour financer l’éducation et la santé des 182 millions d’habitants dont 110 millions vivent avec moins de un dollar par jour; 11 millions d’enfants ne vont pas à l’école et 15 enfants sur 100 meurent avant l’âge de 5 ans. Ce sont là les ingrédients qui ont favorisé la naissance de Boko Haram qui a fait allégeance à l’EI (Etat islamiste).  –  Shell (GB et Pays-Bas), Total (France) et ENI (Italie) ont bénéficié depuis 1999 d’énormes réductions d’impôts, 3,3 milliards de dollars, alors que depuis 2005, elles faisaient des bénéfices. Ont-elles par ailleurs contribué à des projets d’éducation ou de santé ? Comme tout est opaque, on ne peut le savoir. On peut en douter. Quoi qu’il en soit, cette somme représente 2x le budget annuel de la santé au Nigéria !

La bonne direction

Combattre l’analphabétisme, éduquer, donner enfin une formation aux jeunes, améliorer leurs conditions de vie, faire payer les multinationales, c’est miser sur l’avenir d’un pays qui par ailleurs est très riche en ressources. Mais ce sera un combat de longue durée. Il est intéressant de constater que des Imans en Irak se soient rendu compte qu’ils doivent mieux instruire les jeunes sur le sens de leur religion, dépolitiser l’Islam, mettre en garde contre les vidéos violentes, expliquer que le fondamentalisme n’est pas la solution. Deux initiatives donc qui vont dans la bonne direction, ce que ne font pas les bombardements qui tuent tant de civils. Et comprendre combien nous sommes aussi responsables, par nos multinationales et nos investissements soit disant “légaux”, de telles dérives.