Nigeria: les repentis de Boko Haram

Bonne nouvelle: le 6 avril dernier, l’armée nigériane a mis en place un camp pour les repentis de Boko Haram (= l’éducation occidentale est un péché). Elle veut les aider à se réintégrer dans la société. Ils auront une formation professionnelle pour pouvoir contribuer plus tard à la croissance du pays qu’ils ont voulu détruire. En effet, des dizaines d’islamistes ont été capturés ces derniers temps ou se sont rendus à l’armée au nord-est du pays.

Une réinsertion possible ?

C’est une initiative courageuse. Depuis 2009, Boko Haram a tué environ 20 000 personnes dans le nord du pays, musulman, alors que le sud est chrétien en majorité. Ils ont capturé des milliers de femmes et d’enfants, brûlé de nombreux villages, écoles surtout, et fait fuir plus de 2,6 millions de personnes dans les pays voisins. Peut-on penser qu’une réinsertion soit possible ? Justement, il faut réparer les injustices. La pauvreté, l’analphabétisme, les déficits dans l’éducation et la santé, le manque de travail, l’immense corruption des élites et du gouvernement sont à l’origine de leur terrible déviance. Une corruption où les multinationales européennes du pétrole sont impliquées (voir blog du 28 février 2016). Jusqu’à présent le gouvernement nigérian a dit ne pas avoir suffisamment d’argent pour financer l’éducation et la santé des 182 millions d’habitants dont 110 millions vivent avec moins de un dollar par jour; 11 millions d’enfants ne vont pas à l’école et 15 enfants sur 100 meurent avant l’âge de 5 ans. Ce sont là les ingrédients qui ont favorisé la naissance de Boko Haram qui a fait allégeance à l’EI (Etat islamiste).  –  Shell (GB et Pays-Bas), Total (France) et ENI (Italie) ont bénéficié depuis 1999 d’énormes réductions d’impôts, 3,3 milliards de dollars, alors que depuis 2005, elles faisaient des bénéfices. Ont-elles par ailleurs contribué à des projets d’éducation ou de santé ? Comme tout est opaque, on ne peut le savoir. On peut en douter. Quoi qu’il en soit, cette somme représente 2x le budget annuel de la santé au Nigéria !

La bonne direction

Combattre l’analphabétisme, éduquer, donner enfin une formation aux jeunes, améliorer leurs conditions de vie, faire payer les multinationales, c’est miser sur l’avenir d’un pays qui par ailleurs est très riche en ressources. Mais ce sera un combat de longue durée. Il est intéressant de constater que des Imans en Irak se soient rendu compte qu’ils doivent mieux instruire les jeunes sur le sens de leur religion, dépolitiser l’Islam, mettre en garde contre les vidéos violentes, expliquer que le fondamentalisme n’est pas la solution. Deux initiatives donc qui vont dans la bonne direction, ce que ne font pas les bombardements qui tuent tant de civils. Et comprendre combien nous sommes aussi responsables, par nos multinationales et nos investissements soit disant “légaux”, de telles dérives.

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.

Une réponse à “Nigeria: les repentis de Boko Haram

  1. Pourquoi assurer la formation professionnelles des criminels au détriments des victimes qui ne sont pas moins pauvres et analphabètes? Est-ce avouer sa faiblesse et sa défaite devant boko haram? Le problème de déséquilibre dans la répartition des revenus est réel, mais faut-il commencer par justifier la violence, pour que tout le monde réclame par les armes et la violence? S’il y a des hommes à former, c’est d’abord les orphelins et veuves faits par boko haram, et d’une manière générale les couches défavorisées. Les criminels viendraient après.

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