Le suréquipement affaiblit la police

On ne le répétera jamais assez, le policier civil est policier parce qu’il émane de l’État de Droit en sa représentativité. Représentation qu’il arbore sur son épaule sous forme d’écusson.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

(Photo Boston Dynamics)

L’ultime mission du policier est de soutenir la personne en situation de vulnérabilité afin de garder la paix publique.

Le soutien inconditionnel et mutuel du policier s’inscrit dans le préambule de notre Constitution au profit de laquelle il prête serment *.

… comme une police d’assurance…

Cette même notion est aussi lisible dans le contrat de nos assurances ou mutualités. Elle s’intitule “Police d’assurance”. Toutes celles et ceux qui sont en santé cotisent en faveur de celle ou celui qui trébuche. Nul étant à l’abri, la police, tout comme les multiples services préhospitaliers d’urgences et de défense civile et incendie méritent notre plébiscite.

En raison de ce soutien au plus faible d’entre nous, au fil des siècles, nous avons accepté de confier deux pouvoirs exclusifs et exceptionnels au policier d’État civil qu’il soit communal, régional, cantonal ou fédéral. En dehors de ces deux attributs, la police n’est pas police et ne profite en rien à l’évolution de nos vies.

Les pouvoirs exclusifs et exceptionnels du policier

1. Le pouvoir de coercition maîtrisé par la proportionnalité.

Ce premier pouvoir, le plus connu, est progressivement supplanté par les moyens technologiques et robotiques. L’évolution de ce premier pouvoir dépend de plus en plus de firmes high-tech (fournisseurs ou sous-traitants) et de leurs ingénieurs spécialisés.

Dans ce premier cas, le policier est soumis aux savoirs d’entreprises technologiques.

2. Le pouvoir discrétionnaire maîtrisé par la non discrimination négative.

Ce deuxième pouvoir, moins connu mais plus important, ne peut qu’être traité par le discernement humain du policier. Il dépend des compétences sociales de l’agent.

Dans ce deuxième cas, le policier préserve ses savoirs intrinsèques.

Voir blog qui explique ces deux pouvoirs en détail.

Que penser des chiens-robots que testent actuellement la Police de l’État du Massachusetts ?

(Voir article de Anouch Seydtaghia pour Le Temps du 1er décembre 2019)

Incontestablement, les polices d’État de Droit méritent de bénéficier des meilleurs équipements technologiques au monde. Le problème apparaît lorsque l’un de ces équipements réduit la capacité de discernement du policier assermenté. Si tel est le cas, nous (résidents et citoyens bénéficiaires) perdons le contrôle démocratique de nos polices déléguées.

Quand est-ce que les pouvoirs du policier risquent de lui échapper ?

Quand les équipements se substituent aux capacités du policier à exercer ses deux pouvoirs.

(Photo d’un policier portant une caméra sur son thorax)

Exemples

L’équipement d’extension

Une arme, telle que le pistolet à impulsion électrique (taser) ou le fusil d’assaut restent en possession manuelle et directe du policier. Elles n’échappent donc pas au discernement ni à la maîtrise intelligente du policier. Il s’agit d’équipements d’extension du pouvoir de coercition policier.

L’équipement de substitution

Contrairement au chien-robot ou à certains drones ou encore aux caméras sur corps (bodycams) qui se distancient voire échappent du-au contrôle direct de l’humain policier, ces outils technologiques risquent de se substituer aux maîtrises de l’agent de police. Cette perte éventuelle de maîtrise s’apparente à un équipement de substitution. C’est dans cette substitution que réside un certain nombre de dangers pour notre démocratie.

Les policiers, les premiers, doivent veiller au grain car leur métier pourrait bien être soldé par de grandes firmes technologiques.

* La devise du policier est claire, limpide, universelle : servir & protéger.

(93ème blog Le Temps – L’observatoire des polices au 2 décembre 2019 – Frédéric Maillard)

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com

2 réponses à “Le suréquipement affaiblit la police

  1. Merci beaucoup pour cet article ! Ton blog ​[blogs-letemps.ch ]​ m’apporte toujours de super conseils ​ ! J’ai aussi suivi ce programme qui permet de se documenter sur les pouvoirs de la police ​ rapidement et sans effort
    https://bit.ly/2DFGIKo
    merci et à bientôt pour d’autres articles

  2. L’homme est bien plus limité physiquement qu’un animal pour se protéger, et son système nerveux qui reçoit des influx et en génère procède à une analyse plus large que le simple réflexe de survie ou d’attaque du carnassier qui se nourrit. Ses capteurs nerveux sont également moins développés. À son avantage il a son intelligence qui lui permet de prévoir, planifier, puis donner des ordres ou en recevoir. Tout cela vise à la volonté d’un idéal humain de base sur lequel on s’accorde encore, malgré des remises en question en rapport de ce qui serait, ou devrait être notre « vraie nature » (Hitler : « La nature est cruelle, nous appartenons à la nature, soyons cruels… »)

    Nous nous entendons donc sur nos buts, à l’échelle des pays en ayant une armée, et à l’échelle de la société une police. L’une et l’autre veulent disposer de moyens efficaces, et pour cette dernière nous entrons dans le sujet que vous traitez : Le risque que les moyens techniques échappent à notre contrôle, ou que ceux-ci facilitent les abus. Pour les forces armées le débat est sans fin, et il est le plus souvent partagé entre deux orientations qui divergent selon l’idéal politique. Pour la police cela semble plus simple, on s’entend au moins déjà au départ sur la paix que l’on souhaite. Restent donc les moyens envisageables ou non…

    L’arme à feu, le Taser, la matraque, et même les menottes vont dans le sens de suppléer à la force physique. Et le chien ? Le vrai, celui qui a d’une part son instinct combatif, sa rapidité, son courage, et d’autre part sa fidélité à l’homme qui le contrôle. Il peut ne pas être toujours fiable, mais il a été dressé au mieux, dit de manière un peu carrée il constitue un système adapté. Maintenant le chien-robot, il a été créé pour être un super-chien, qui pourra être encore plus fort que le vrai, même s’il ne rejoint pas encore le niveau d’adresse et de perception de ce dernier, mais il continuera à évoluer, avec ses concepteurs, et parallèlement son maître policier derrière lui. Est-ce qu’il faut avoir des craintes si ce plan se poursuit ? Je suis d’avis qu’il faudra bien définir ce que l’on veut, mais renoncer à ce moyen reviendrait à volontairement s’affaiblir pour se prémunir des abus, ou d’autres cas de figure nouveaux qui demandent à être étudiés. C’est toujours l’homme qui est derrière ce chien, encore plus qu’avec le Berger Allemand. On considère essentiel qu’une relation de confiance soit établie entre un maître et son chien, je pense que pour le robot il est essentiel que les messages soient clairs entre les concepteurs, les usagers directs, et leurs maîtres derrière eux si l’on peut dire ainsi…

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