L’éternelle question des effectifs policiers

La question des effectifs préoccupe nos polices à l’image d’une interminable course-poursuite.

Nombre de ces polices s’agitent et se déploient à tout vent mais ne parviendront jamais à circonscrire l’entièreté des criminalités et encore moins à les prévenir.

(118ème post – 2 minutes de lectures)

Augmenter c’est réduire

Cette inversion des paradigmes nous oblige à prioriser les tâches plutôt que de les cumuler.

Après avoir endurer deux années sanitairement et politiquement troublées, les entreprises, les institutions comme les associations sont contraintes de repenser leur modèles d’organisation et de gestion. La multiplication des couches, des ordres successifs, des directives et autres tâches sont décriées au profit d’une augmentation de “l’empowerment” personnel, autrement dit d’une augmentation de la responsabilité discrétionnaire des personnes. Cela vaut, en particulier, pour les professionnels disposant de pouvoirs exclusifs tels que les policiers.

Si le cadre sociétal se complexifie, se ferme et se durcit, par voie de compensation et de respiration, la liberté personnelle d’exercer sa “professionnalité” devrait s’ouvrir. Exiger les deux n’est pas supportable à terme. Il est impossible de garantir les intérêts supérieurs de la santé publique ou de la sécurité publique sans instaurer, dans le même temps, au sein des organisations professionnelles, des espaces de vidage, de régulation et de “cultivation” de l’erreur.

Cette forme d’introspection prévaut surtout dans les organisations de polices

C’est ce que nous démontre l’excellente enquête de Mikael Corre, journaliste au quotidien français La Croix. Je puis affirmer, ici et à mon échelle, être parvenu aux mêmes conclusions.

Le travail de la police ne se résume pas à faire baisser la délinquance. Mikael Corre, journaliste à La Croix, raconte les coulisses de son enquête au long cours au sein du commissariat de Roubaix. Durant un an, il s’est immergé dans le quotidien des fonctionnaires policiers, une semaine par mois, pour comprendre leur travail, loin des mythes véhiculés par les séries télévisées et les slogans politiques.

Il ressort de cette observation rigoureuse, l’éternelle question, l’éternel dilemme d’une police, bien trop seule, laissée à elle-même : quelles ressources et quels moyens à disposition ? Une police, certes, dépositaire, sur les terrains de nos vies, du service et de la protection de nos libertés, mais par trop introvertie et dépourvue.

Elle ne saurait être la seule instance facilitatrice des résolutions de problèmes de cohabitation.

Nos polices occupent, par tradition ou résignation, une trentaine de maillons de la chaîne dite sécuritaire. La centaine d’autres, qui garantissent la solidité de cette chaîne, sont – ou devraient être – occupés par la multitude d’acteurs pluridisciplinaires que sont les travailleurs sociaux hors murs, les huissiers, les urgentistes sanitaires, les inspecteurs du travail et j’en passe. Dès lors, il est urgent de confier et de reconnaître, à ces autres acteurs, de véritables pouvoirs de sécurité publique. Les ondes sismiques des criminalités ne s’arrêtent pas en police. Il y a tant à faire en amont et en aval d’une opération de police secours, par exemple. C’est ce que nous démontre l’investigation – fort bien illustrée – du journaliste Mikael Corre.

Ici, vidéo explicative « un an au cœur de la police », accès gratuit.

Ici, 40 pages à retrouver dans La Croix l’Hebdo du vendredi 14 janvier.

 

 

 

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com

4 réponses à “L’éternelle question des effectifs policiers

  1. J’ai adoré être patrouilleur scolaire.
    C’est là que j’ai découvert la vie des policiers, dont l’un nous accompagnait tous les matins pour notre sécurité, qu’il vente, pleuve…

    Et maintenant, la gauche veut non seulement enfouir sous terre le nouveau centre de sécurité de Lausanne (pour mieux invisibiliser nos policiers, douaniers, etc.) mais en plus interdire aux enfants de devenir patrouilleur scolaire! sous le prétexte qu’ils ont complexifié le trafic routier…

    https://www.blick.ch/fr/news/suisse/le-bpa-veut-changer-les-regles-les-patrouilleurs-scolaires-ne-doivent-etre-que-des-adultes-id17260471.html

    Pourquoi cette haine contre la police et la sécurité ??

  2. En rapport avec le commentaire de Tam F.

    Le comportement approprié enseigné aux enfants avant de traverse la route sur un passage piétons, enseigné par les policiers dans les classes d’école et à l’extérieur en petits groupe était principalement : marquer un arrêt avant de s’engager – regarder si des véhicules s’approchent – tendre la main – puis quand le véhicule s’est arrêté, passer – et il y avait le signe facultatif pour dire « merci ».

    Le trafic routier s’est « complexifié », en effet, d’abord en renonçant à appliquer les règles existantes de circulation en fermant les yeux sur les libertés que s’offraient de nombreux cyclistes, puis en traçant des lignes jaunes ouvrant la voie sur les trottoirs, les passages piétons, les rues à sens uniques, etc., pour que les infractions deviennent légales. Pour les piétons les vélos surgissent de tous côtés, les contournent, les frôlent, on s’amuse bien dans le monde de la mobilité douce. Le trafic s’est complexifié aussi quand l’automobiliste distingue le soir un piéton vêtu de noir se lancer sur le passage comme une poule tête en avant à la force de ses longues pattes. Et avec l’introduction du 30 kmh la nuit, c’est devenu un jeu encore plus serré où affirmer ses droits de pigeon qui se promène procure satisfaction. De jour, les sages et sympathiques petits patrouilleurs scolaires n’ont plus leur place, il n’est plus nécessaire d’échanger avec eux des signes de bonne compréhension et de courtoisie parce que le nouveau trafic fonctionne maintenant sur le mépris des uns contre les autres, soutenu par de multiples contraintes qui signifient ni plus ni moins : « Foutez le camp ! » Mais pas besoin d’être motorisé sur quatre roues pour être de trop, les gens âgés à mobilité très douce et lente on maintenant intérêt de rester à la maison en pantoufles si elles ne veulent pas contrarier les cyclistes dans l’exercice de leurs droits. La complexité de la circulation est due à l’abandon du respect mutuel, c’est ce que la police essaye encore de sauver un peu, avec peine parce qu’elle-même est de moins en moins respectée et doit se plier à des mesures aberrantes telles que le 30 kmh la nuit sur une route déserte, afin que puissent bien dormir les riverains pendant que le temps de la personne qui appelle à l’aide est compté. Condition indispensable pour avoir les capacités d’exercer la profession de policier : disposer d’un caractère suffisamment indépendant afin de ne pas subir l’ingratitude répétée à son égard.

  3. Bonjour,

    Quelques idées pour une alternative à l’augmentation des effectifs policiers :

    – Il serait plus efficace que les policiers soient épaulés d’autres professionnels à qui l’on confierait des pouvoirs de sécurité publique qui les aideraient à faire avancer une enquête : par exemple, un/une psychologue spécialisé/e en psycho-trauma aurait intérêt à être présente lors de l’accueil et de l’audition d’une victime d’agression sexuelle. Il/elle aurait par exemple la compétence de diagnostiquer une amnésie traumatique partielle et amènerait à l’inspecteur un point de vue complémentaire qui lui permettrait d’orienter ses investigations. Elle aurait la compétence pour mettre en confiance la victime pour qu’elle ait le courage de revenir compléter son témoignage si des souvenirs devaient refaire surface et s’avérer peut-être utiles pour l’enquête.

    – Il serait plus efficace que les jeunes policiers soient épaulés au plus près sur le terrain par leur hiérarchie pour les conseiller, car cette dernière a l’expérience nécessaire. Le risque, en donnant des conseils/ordres à distance, est de manquer les enjeux du moment sur le terrain, par exemple en disant à un inspecteur qu’il n’a pas besoin d’amener une victime d’agression sexuelle à aller faire un constat médical à l’hôpital, alors que celle-ci ne se rappelle que de l’un au l’autre flash de ladite agression.

    – Il serait plus efficace d’augmenter la formation des policiers : par exemple, dans le domaine du psychotrauma à la BMM, pour intervenir de manière la plus optimale possible dans les cas d’agressions sexuelles. Il serait utile pour chaque inspecteur d’une telle brigade de connaître les enseignements de la psychiatre Muriel Salmona, psychiatre spécialisée dans les conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles. Cela aiderait à mieux comprendre les victimes et à mener des auditions tout à la fois efficaces et bienveillantes.

    Une formation policière de deux ans est insuffisante pour faire un métier si difficile. C’est se moquer du policier lui-même en l’envoyant au feu sans avoir les outils pour travailler.

    Ces trois points – approche pluridisciplinaire dans la police, proximité de la hiérarchie sur le terrain, augmentation de la formation du policier – permettraient déjà d’améliorer les conditions de travail des policiers et d’augmenter l’efficacité de leur travail, à savoir amener au pouvoir judiciaire des enquêtes très abouties, et cela sans augmenter pour autant les effectifs policiers.

    Merci pour votre lecture

    1. Bonjour Madame, Monsieur,

      vos suggestions sont excellentes et je souhaite qu’elles puissent s’incarner voire là où elles existent, se renforcer.
      Je constate que de plus en plus de professionnels externes sont sollicités par les polices dans l’établissement des faits et la résolution des problèmes.

      L’intérêt de confier à ces professionnels externes des prérogatives et des pouvoirs de police ne saurait
      attendre.

      Avec mes remerciements pour votre contribution,

      Frédéric Maillard

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